Vinnytsia, Ukraine (Вінниця) (ou Les Passages Imprévus)


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Europe » Ukraine » Khmelnytskyi Oblast
January 15th 2020
Published: January 16th 2020
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… 12 janvier



Assis dans un bus en direction de Khmelnystskyi (population: 270 000 habitants), j'appréhende un peu le déroulement de la suite de mon périple.

Mon plan prévoyait de me rendre à Odessa et à la Mer Noire, tout au sud de l'Ukraine.

Mais comme le peu de bus de Kamianets-Podilskyi (population: 100 500 habitants) vers Odessa (population: 1 million) sont plein pour les prochains jours, je me suis tourné vers une rapide solution de rechange: direction gare de train de Khmelnytskyi, à plus ou moins 3 heures de route d'ici, en visant le nord.



Par la fenêtre, le soleil délavé du matin balaye en douceur les champs boueux alors que le givre diffus ramolli les boudins de terre labourée en se dissipant.

Bâillement.

Dans le véhicule secoué, la chaleur finit par me recouvrir, me bercer et, sans que je le veule vraiment, finit par m'endormir.





Enfin, au bout des heures prévues, le bus arrête à sa destination finale et, engourdi, je débarque à cette inquiétante gare routière de fond de rang, perdu au milieu du dégel et des aboiements de chiens.

''Khmelnytskyï? Khmelnytskyï?'' que je demande aux passagers silencieux qui tour à tour s'éclipsent dans le décor.

''Khmelnytskyï?'' que j'interroge le commandant aux allures de loup marin qui vient tout juste d'embraser l'embout de sa clope sous l'écume de sa moustache en remous.

Il me regarde

et puis me dit des mots que je ne comprend pas.

Je sors mon ticket (ma facture) et le lui montre du bout des doigts, espérant un autre arrêt après celui-ci, là où une gare de train s'apercevrait peut-être.

Le chauffeur de bus secoue la tête à la négative: le gros visage roussi de la gare routière de Kamianets-Podilskyi m'a refilé un aller-simple pour un village perdu avec un nom plein de K et de Y et non pas pour la ville espérée de Khmelnytskyï.

Hey merde, mais qu'est-ce que je fais ici, seul chez les fermiers dans le bas de page de la campagne ukrainienne?



Maintenant que la station en W se vide et qu'il ne reste que le cloc des gouttières pour brouiller ma réflexion, le loup marin-chauffeur de bus s'approche et, entre deux bouffées bleuâtres de sa cigarette, ose une solution en sourd et muet: lui semble retourner vers mon point de départ (Kamianets-Podilskyi) tandis que le seul autre bus des alentours partira bientôt pour Vinnytsia (population: 372 700 habitants).

Je n'avais pas prévu aller à Vinnytsia.

Je n'ai aucune idée de ce qu'est Vinnytsia, à part qu'il s'y trouve aussi une gare et que la ville se trouverait à 3h30 de route de plus, en diagonale d'où je me trouve en ce moment.

Alors voilà où j'en suis: rembarquant dans un autobus, je n'irai plus à Khmelnytskyï, ni même à Odessa, mais ma route me portera maintenant à Vinnytsia, capitale de la Podolie (!)





La gare routière où l'on me débarque cette fois rassure par ses nombreux autobus qui y accostent en rangées, arrivant de tous sens cardinaux.

Je ne suis définitivement plus perdu dans un village de faucille et de marteau. Vinnytsia brille de modernité. Elles sont loin les années 90 et l'effondrement du Communisme.



Des bus et des tramways comme des chenilles électrifiées relient la station de bus au cœur de la ville, là où bat la vie religieuse des plus âgés autour d'une autre de ces imposantes églises dorées aux bouchons en gousses d'ail.

Les plus jeunes, tatouages et cellulaires, diffèrent peu de l'occident maintenant, quoiqu'ils sont visiblement plus sobres, introvertis et certainement moins bavards qu'en Amérique.



Heureusement, il semblerait avoir quelques excursions à faire dans la ville, des musées à visiter et des restaurants à essayer.

Un peu hors du centre se trouverait aussi un site inhabituel imprégné par les souvenirs de la deuxième guerre mondiale: le Wehrwolf fût, à une époque très noire de l'histoire, le bunker Top Secret où Hitler prévoyait se réfugié alors que les alliés mettraient l'Allemagne Nazie à feu et à sang.

4000 personnes y travaillaient: allemands, ukrainiens et prisonniers de guerre.

Le plan d'Hitler ayant avorté, il les firent tous fusiller.

Dans sa paranoïa, le Führer eut peur que quelqu'un dévoile le lieu du bunker… et l'endroit fût complètement détruit avant la fin de la guerre.

Bon, il y reste peu à voir aujourd'hui mais l'histoire se raconte tout de même en ces lieux.

On l'oublie souvent, mais l'Ukraine a souffert terriblement lors du régime de terreur des Nazis.

Et puis, ajoutons le, elle a souffert encore davantage sous l'emprise des terribles famines que l'empire soviétique lui aurait imposée dans les années 30 (Holodomor).

...



Avec l'arrivée de la nouvelle année, les festivités de Noël se poursuivent ici aussi, avec ses grillades en plein air sous le clocher central, ses spectacles folkloriques, son carrousel et ses jeux de foire clignotant dans la grésillante nuit musicale.

Malheureusement, la communication ici ne s'améliore pas: on ne parle toujours pas un traître mot d'anglais dans la ville.

Souvent, signaler une image sur les tableaux dans les restaurants demeurera ma seule option pour choisir mes repas.

J'ai même dû pointer quelques fois l'assiette du client devant moi en acceptant de prendre le même plat, question de réduire au minimum les discussions de sourd et muet avec les restaurateurs.

J'ai eu donc l'impression parfois de me faire choisir par mon repas plutôt que de contrôler mon choix de ce que je finirai par me mettre sous la dent.



Derrière leur rôle de barista, les étudiants dans les cafés oseront parfois un ''coffee with milk'' ou un ''bon appétit'' à mes aveux de ne pas pouvoir parler ukrainien ni russe.

Je les ferai sourire au final, alors que je tenterai un ''dya-ku-yu'' (merci) en concluant les transactions, ce qui d'un coup, m'auréolait d'espoir.



''Good Canada'' que m'a dit le vieil homme de la confiserie en me tendant un goûteux cube rouge de gélatine saupoudré de pistache et de sucre en poudre.

''Gift Ukraine'' qu'il a ajouté avant qu'on se serre la poigne en échangeant un sourire.

''Good Ukraine'' que j'ajouterai, ''Good Ukraine''.



À l'une des Places Centrales, la silhouette des Beatles devant un yellow submarine invite les citadins à s'y faire photographier.

''Love me do'' roule en boucle alors que des marchands vendant des vinyles seconde main des Rolling Stones et des Monkeys boucanent en s'imaginant dans une Amérique idéalisée encore faite de milk-shakes et de cheeseburgers.

À côté, un McDonald enflé par une foule compacte de familles déballant des Joyeux Festins roule à toute vapeur pour combler la demande.

C'est presque de la folie.

L'Ukraine a déboulonnée les statues de Lénine pour ériger les grands symboles du Capitalisme.





Maintenant à mon hôtel un peu vieillot de Vinnytsia, je prépare tranquillement mon retour vers Kiev.

J'aurai mimé davantage que parlé à la bouillotte de la réception ici, en frottant mon linge en guise de ''comment je fais pour laver mon linge dans cette auberge de camionneurs?''



Ticket de train en main, je m'avance donc dans cette dernière enjambée de mon court périple: retour sur la capitale, là où toute cette histoire d'aventures ukrainiennes a commencée.



Etienne X



Notes à Moi-Même:

1- Les ukrainiens aiment beaucoup les cerises, la crème sûre, fumer la cigarette et boire du café.

2- Comment on reconnaît un touriste dans la rue? Il sourit.

3- Le plus beau mot en cyrillique est †оффе (toffee)

4- Le mythe est vrai: les femmes de l'Ukraine sont sublimes.


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