Bucarest, Romania (ou Comment Chasser les Vampires)


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July 12th 2016
Published: July 14th 2016
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12 juillet



J'attend mon bagage à l'aéroport de Bucarest, assommé par mon vol Québec-Roumanie et son trop court transit à Londres.

L'aéroport international de la capitale roumaine est quelque peu délabré, minuscule et plutôt démodé.

Devant les carrousels, quelques étagères longeant les murs remplacent les hors-taxes clinquants des gros hubs.

Une pyramide de boîtes rouge en évidence propose aux voyageurs les ''Dracula's Magic Pralines''.

C'est donc confirmé: je suis de toute évidence dans le bon pays pour chasser le vampire.

Autour de moi, les roumains de l'aéroport m'ignorent.

Ça cachent bien leur jeu les vampires!



Il est 17h00 à Bucarest et minuit tapant à Montréal.

Lorsque vous dormez, les Roumains, eux, s'activent.

Vous savez, c'est bien connu, les vampires vivent la nuit.

Voilà: moi je dis que c'est louche.



Je quitte l'aéroport dans un bus de ville étouffant, collé à des jeunes étudiants vêtus comme au retour d'un aprem à la plage.

Il fait chaud en Roumanie en juillet.

Chaude, lourde et écrasante température.

En y pensant, je doute que les écoliers reviennent de la plage finalement: Bucarest est plutôt loin de la mer.

C'est certainement leurs habits d'été que je me dis.





J'entre à mon hostel situé en plein cœur de la capitale.

Assis dans l'ambiance glauque du salon central, quatre gars en camisole jouent aux cartes.

Aucun d'eux ne se lève la tête à mon arrivée.

Il n'y a qu'un freluquet à la peau transparente qui soudainement apparaît dans un coin et m'accueille en baissant le front comme un majordome.

Il est si pâle qu'on pourrait aisément croire qu'il se serait récemment vidé de son sang.



Les pentures des portes de bois grinces ici, et il y a un silence de mort à l'auberge.

On dirait une scène de film.



Je me délaisse rapidement de mes bagages... et part sans attendre à la recherche d'un restaurant dans les environs de mon auberge sans vie.



C'est ainsi que je me retrouve là, à la Placinte Dacia, devant une soupe vermeille de betterave coagulé par la crème sûre et d'une côte de porc déposée sur un lit d'haricots, de poivrons et de cornichons marinés.

La jolie serveuse dépose aussi une bière fraîche (Ciuc) devant moi en me parlant d'un anglais approximatif tout en roulant gravement ses R.

''You'r like the dish?'' me demande-t-elle en me fixant de ses profonds yeux noirs couverts d'un sourcil opaque et large comme un paravent.

''Yes yes. Verrrry good soup'' que je lui lance avec délai, affaibli par mon décalage horaire.

''Relcome to Rrrrrromania'' me dit-elle alors.



Des saccades d'accordéon folklorisent l'atmosphère du restaurant.

Des clients tapent du pied.

Paysanne urbaine, la serveuse, fleurs aux cheveux, me lance un semblant de sourire.

C'est un piège?

ou serait-ce que la Roumanie n'est pas uniquement qu'un pays de vampires?



Note à Moi-Même:

Blague roumaine: Pourquoi les roumains n'ont pas peur de la fin du monde?

Parce qu'ils sont 25 ans en retard.





13 juillet



C'est aujourd'hui que je me permet de visiter Bucarest plus à fond.



Il est 9h00 lorsque sonne mon cadran détraqué dans le suffocant dortoir de l'auberge.

Je suis le premier à ouvrir les yeux.

Les sept autres luisants dormeurs ne bougent pas encore un seul orteil, comme momifiés par leur lourd sommeil... ou ensorcelés peut-être par le ronflement grave d'un roumain barbu qui profite d'une grâce matinée pour dégriser.



Je sort silencieusement du dortoir et entre dans le salon central et vide de voyageurs.

Surprise, il y fait tout aussi chaud que dans le four où j'ai passé ma nuit.

La roumaine derrière le comptoir reste de glace en me voyant apparaître devant elle.

Les roumains ne semblent jamais sourire les premiers.



D'un trait, je m'enfile un café fort avant de quitter précipitamment l'auberge: mon but est d'atteindre la vieille ville à pied pour me joindre au ''Free Walking Tour'' de la capitale.



La rue principale est bruyante de klaxons et de marteaux piqueurs.

Les cubes en béton servant de logements semblent souvent épuisés le long de l'artère principale.

Des graffitis aux allures de signatures multicolores salissent partout le bas de murs gris des bâtiments communistes.

On dirait parfois des cicatrices de coup d'épée dans le béton.

Bucarest a un passé déchiré par la révolution.

Ceausescu, dictateur de la trempe des leaders Nord Coréen, a mené le Pays d'une main de fer pendant plus de 40 ans... jusqu'à ce qu'il y ait révolte sanglante.

C'était en 1989.

Mitraillettes et bain de sang.



Voici l'une des définitions de Vampire dans le dictionnaire:

Vampire: Personne qui s'enrichit aux dépens du travail ou du bien d'autrui, en l'épuisant ou en le ruinant.

Voilà. Je le savais bien. Il y a vraiment eu au moins un vampire en Roumanie.



Le jeune guide du ''Free Walking Tour'' est un puits sans fond d'informations: la Révolution, Vlad Tepes dit ''Dracula'', les influences ottomanes, romaines, hongroises et françaises, l'histoire de la Roumanie du moyen-âge jusqu'à nos jours... bref, un deux heures d'écoute et de découvertes permettant de mieux comprendre un Pays meurtri qui tranquillement entre dans la modernité.

...



J'attend patiemment que la nuit tombe sur Bucarest.

Je me dis que si il y a des vampires en Roumanie, ils doivent évidement sortir au couché du soleil.

Je termine ma salade du chef en regardant le ciel se noircir par la fenêtre.

Le légume préféré du chef est le radis.

J'en ai beaucoup trop dans mon plat du radis.

Je n'arrive juste pas à les faire disparaître de ma salade.

On dirait qu'ils reviennent tsé.

La vinaigrette est une sauce tzatziki... qui ne goûte pas l'ail.

Pas d'ail.

Voilà. Ça aussi c'est un signe qu'il y a du vampire aux alentours.



Il est alors 22h00 lorsque la journée a finalement laissé sa place à la nuit.

Je me lance donc en direction de la vieille ville, un crucifix au fond d'une poche.



Je croise sur l'artère principal

des gens normaux.

Sur les vitrines des boutiques, j'y vois le reflet

des gens normaux.

Bon. Il n'y a pas que des vampires à Bucarest on dirait.



Les bars et les terrasses des cafés de la vieille ville débordent de clients festifs qui avalent des cocktails et des bières blondes en fumant.

Pop music.

Sous les parasols, des tuyaux discrets jettent une bruine sur les fêtards comme dans les rangées de légumes au supermarché: eau bénite je suppose.



Entre deux tables, j'aperçois le coin d'une cape noire qui se secoue et qui passe comme un coup de vent.

Rapidement, je me retourne pour enfin voir un Dracula dans la foule.... mais je remarque plutôt un serveur qui vient de napper furtivement une table au fond de sa section.

Merde. Ça cachent bien leur jeu les vampires.



Il est minuit moins cinq... et je m'attend à un bain de sang dans les prochaines minutes.

Les canines vont pousser et les vampires vont sans avertir s'attaquer à la jugulaire des innocents touristes pompettes.

Dans 3, 2, 1

...

Rien ne se passe.

Rien.

Pas de drame gothique, pas de chauve-souris, pas de musique classique bourrée de violons, pas de Nosferatu.

Merde.

J'avais peut-être tord finalement:

il n'y a peut-être aucun vampire en Roumanie....

ou peut-être

vivent-ils hors de la capitale?



Etienne X



Note à Moi-Même:

Anecdote: Lors de son règne, Nicolae Ceausescu, comme tout bon dictateur, a sorti une série de timbres-poste à son effigie. Curieusement, le peuple n'utilisa que très rarement les timbres représentant le visage de Ceausescu. Le dictateur qui se demandait pourquoi on utilisait pas davantage ses timbres alla au bureau de poste et demanda à la dame au comptoir pourquoi les timbres étaient boudés. L'employée de la poste n'a d'abord pas voulu répondre. Mais après insistance du dictateur et de ses généraux, la dame finit par répondre au dictateur ceci: '' c'est que les gens n'arrivent pas à cracher du bon côté du timbre monsieur Ceausescu''.

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