Brasov, Romania (ou Comment Ne Pas Devenir Chevalier)


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July 16th 2016
Published: July 17th 2016
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14 juillet



Mon cadran sonne dans le dortoir bondé de l'hostel de Bucarest. Comme hier, personne ne bouge à part moi. Il est 7h00. Les autres lits sont occupés par des jeunots en bedaine étendus comme des cadavres. Il plane une collante odeur de lendemain de veille dans la pièce.

Pour ne pas réveiller les fêtards, je me jette dans le salon commun avec tout mon bagage, question d'y mettre un peu d'ordre. D'un ton caverneux, un type allongé sur la causeuse me surprend en me lançant un " Rrrrello " rauque. Il a aussi l'allure d'un cadavre, avec ses yeux profondément cernés comme si on les avait vissé trop fort dans son visage. " Hello " que je lui répond sèchement alors que je réalise que je suis encore en bobette.



J'enfile donc rapidement un pantalon... davantage par politesse que par confort... et termine promptement mes préparatifs.

" Wherrr you go? " que me demande le zombie aux yeux cernés.

" Check out. Train Station. Brasov " que je lui dit.

" Stop in Sinaia first. Go to Castle. It's on the way to Brasov " qu'il m'informe.

" Good plan. Thank you. Moultsoumesk "

Merci, bon plan: ça m'évitera de revenir sur mes pas à partir de Brasov ça.



Je me rend donc à la Gare du Nord dans le but d'atteindre Brasov certes... mais avec un arrêt maintenant à Sinaia.

Un château roumain: j'y trouverai certainement des chauve-souris, des sépultures et des cercueils dans la cave, non?

Une chasse aux vampires doit certainement débuter dans un vieux château, non?

Et puis, à défaut de trouver des vampires, je pourrai certainement m'y acheter une cotte de mailles, une longue épée...

et tant qu'à y être, devenir un preux chevalier.

Ça serait bien ça, être un chevalier.



La gare de trains est remplit de voyageurs sans sourire et au regards sévères. Les femmes sont superbement coquettes tandis que les habits des hommes sont plutôt sobres. Les gens sont partout sérieux, droits et inébranlables. Leur visages neutres regardent devant eux et puis ça avance d'un pas décidé dans la gare aussi.

Je trouve le quai de mon train, entre dans mon wagon et prend place dans ma cabine (siège 54).

Je partage l'endroit avec un vieux couple d'espagnol qui mange un casseau de framboises des champs, une israélienne cachée derrière des lunettes fumées sépia, une fille d'Uruguay en coton ouaté lousse et une roumaine, devant moi, qui porte des lunettes de lecture épaisses comme des culs de verre à whiskey.

En très peu de temps, les blocs gris de Bucarest disparaissent des fenêtres et laissent place à des champs de blé et de choux au pied de hautes montagnes en dents de scie étouffées par une forêt sombre, dense et presque noire.

On entre en Transylvanie.



Pour passer le temps dans le train, je feuillette l'incompréhensible journal de la roumaine qui a maintenant fermé son regard de loupe pour une sieste. Réforme scolaire sur la page de gauche... et puis une plage où se promène la belle Francesca les seins nues sur la page de droite. Tout le monde y trouve son compte: il y a au moins des images pour les illettrés et les touristes.



Comme suggéré par le zombie de l'auberge de Bucarest, je débarque à la station Sinaia, trainant avec moi mon packsack lourd comme une ancre. Heureusement, je pourrai le laisser en consigne à la gare avant d'atteindre le château promis, perché sur la colline. C'est la grosse madame des toilettes publiques qui a la clé des consignes. Je lui souri. Elle me souri aussi. Habillée de jute et cheveux crépu couleur crécy, la grosse madame des toilettes publiques a un sourire d'épluche patates.



Maintenant allégé de mon lourd packsack, je monte lentement la pente qui se rend au château de Peles.

L'uruguayenne en coton ouaté m'y accompagne.

" You're here to hunt vampires too? " que je lui demande.

" Vampires doesn't exist " qu'elle me répond en fronçant les sourcils.

Au fond, on ne s'entend pas super bien coton ouaté pis moi.



Le château est splendide dans les montagnes. Je suis dans un conte des frères Grimm. Des tourelles, des jardins, des épées et des armures, et puis 30 salles de toilettes aussi. Mais pas de cave remplit de cercueils.

Sans surprise, le lieu est saturé de touristes et de kiosques à souvenirs, rendant l'endroit enchanteur beaucoup plus mercantile maintenant. Ce n'est pas très lugubre en fait. Au loin dans la prairie, j'aperçois peut-être le petit chaperon rouge qui gambade dans les fleurs. Voilà. Et puis aussi, comme c'est la saison des mariages, partout autour de moi des couples immortalisent (!) leur moment unique et princier sur des photos. Il y a davantage une ambiance d'Amour que de Mort ici finalement. Bah, ce château n'a rien à voir avec Dracula anyway que je me dis.



On rembarque par la suite dans un autre train pour rejoindre Brasov, cité médiévale au cœur des montagnes transylvaniennes.

Ma première impression de la ville est remarquable.

Une Cité Médiévale: je suis 500 ans derrière vous.



Note à Moi-Même:

En revenant du château Peles (Sinaia), la grosse madame des toilettes publiques m'a souri en premier. Même pas eu le temps de lui sourire qu'elle me souriait déjà. C'est pas bon signe en Roumanie ça. Si je dois ici me transformer en vampire, espérons que ce ne sera pas à cause de la morsure du sourire de l'épluche patates. Je serais franchement déçu.



15 juillet



Je ne peux pas me tromper, je suis bel et bien à Brasov: c'est écrit, éclairé dans la montagne qui surplombe la Cité, comme à Hollywood. Mais avec ses routes pavées et son immense église centrale noire au clocher trop petit, la Cité médiévale ressemble probablement peu à Hollywood, Ici, on a manqué de budget à la construction de l'église paraît-il, et c'est le clocher qui a écopé. L'église déformée ressemble tristement à un obèse gothique qui porte une tuque pour enfant.



La ville de Brasov est ceinturée de montagnes couvertes d'épaisses forêts où se cache des meutes de loups et de nombreux ours bruns. On dit que 60% des ours d'Europe se trouverait en Roumanie. Il n'est pas rare d'en voir un qui s'aventure dans les environs paraît-il.

...



Aussitôt sorti de l'hostel de Brasov, j'embarque dans un City Bus avec tout plein de roumains et m'enligne vers le château de Bran, situé à 40 kilomètres de Brasov. Vlad Tepes (Dracula) y aurait dormi quelques nuits paraît-il (c'était en 1462). J'espère bien y trouver des succubes à abattre. Ou au gros pire, je vais y rencontrer le Roi (pour de vrai cette fois)... et puis revenir au Québec en tant que Chevalier de la Martina.

Voilà.



Une petite pluie se met à tomber comme des confettis sur le pare-brise de l'autocar. Le ciel s'assombri quelque peu. Ça regarde bien pour la chasse aux vampires cette température. Le banc voisin du mien dans le bus supporte le derrière d'un vieux paysan pas propre aux paupières tombantes, lourdement tirées vers le bas par un nez bulbeux en forme de gourde pleine. L'homme bois une bière dans le bus, en dévissant, buvant et revissant le goulot de son breuvage alcoolisé comme une bouteille d'eau. L'alcool se boit à tout moment ici.



Enfin, j'atteint le château de Bran alors que la pluie a cessé de tomber sur le paysage campagnard des alentours. Le nombre de touristes est décuplé à la sortie du bus. Il y en a bien davantage qu'au château de conte de fée d'hier. Bien davantage. Une panoplie de kiosques longent la route pavée qui atteint le château en rénovation en haut de la faible pente devant moi. Suçons Dracula, Café Dracula, masques de vampire et arquebuse pour enfants: le thème ne peut pas être plus clair.

Je monte la pente... et entre dans le château... à l'affût, sur la pointe des pieds, question de ne pas me faire surprendre par un de ces monstres qui sortirait de derrière une porte ou du fond d'un cachot. Malheureusement, trop de touristes remplissent les pièces du château. Selfie dans la salle de tortures. Et je sais depuis hier que les touristes font fuir les vampires (quel paradoxe!) Pas le choix donc de laissé de côté ma quête pour tuer du Dracula pour l'instant. Jamais je trouverai quelconques vampires parmi les groupes de touristes. Malgré cela, je vais tout de même trouver le Roi du château et me faire promouvoir Chevalier. C'est un destin enviable ça, Chevalier chasseur de vampires.



Je me rend donc tout en haut de la Tour principale, là où le Roi cache sa couronne. La Tour est haute: le Roi de Bran est sûrement un Roi très puissant. Mais en haut de la Tour, surprise! Le Roi est absent!

" Mais where's the King? " que je demande à l'agent de sécurité, fixe et large comme une armure devant la salle de la couronne.

" What King? " qu'il me répond.

" The King of the Castle " que je lui informe (il m'a certainement mal compris).

" The owner of the Castle? "

" Yes yes! The King! The King who lives in the Castle! "

" Well... you can find him in a Tour of course... qu'il finit par me répondre...

You can find him in a Tour, wearing a business suit, downtown Manhattan, New York ".



Etienne X



Notes à Moi-Même:

1- Si je demande un Pepsi dans un resto, on va me le servir dans un verre de vin.

2- Si je demande un café americano dans un resto, on va m'amener un allongé et un shooter d'eau chaude.

3- Sacrilège. Ne jamais mettre du maïs en grain sur une pizza.

4- Il y a eu les Chevaliers Teutoniques ici. On l'inventerait pas aujourd'hui ce nom là.

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