Chapitre 17 : Gili Trawangan, entre paradis et enfer


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Asia » Indonesia » Lombok » Gilli Trawangan
October 30th 2015
Published: November 25th 2015
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Après une bonne heure de bateau à chiquer avec un vieux marin, me voilà arrivé au beau milieu d'une carte postale. Les Gilis sont trois îles minuscules séparant Bali de Lombok, l'île adjacente. À peine arrivé à Gili Tranwangan, ou Gili T comme ils l'appellent ici, le rêve commence. L'eau est d'un turquoise presque fluo et les palmiers ombragent les bars et villas sur la plage. Ici pas de voiture, pas de soucis, et pas de police. Ce qui signifie que la drogue, condamnable de la peine de mort en Indonésie, y circule à flot.

J'arrive dans mon hostel, où trois blancs et deux indonésiens discutent dans la rue en buvant des bières (il est 10:30 du mat). Deux suédois et un anglais, les deux autres sont les réceptionnistes. Le white crew m'invite à les accompagner et nous nous retrouvons rapidement dans un bar donnant sur la plage, et l'on se pose sur des transats. Les Gilis sont un des rares endroits au monde où l'on peut entendre l'azan (l'appel à la prière du muezzin) tout en sirotant un cocktail sur la plage. Les deux heures qui suivent sont passées à boire des rhums hors de prix à un rythme avancé (il n'est pas encore midi). La suite du programme est à peu près du même goût : aller se bourrer la gueule après le repas, puis aller regarder le coucher de soleil complètement défoncé aux champignons.

J'avoue que je ne m'attendais pas vraiment à ça, aussi je m'éclipse rapidement. En quelques heures, je fais le tour de l'île à pieds et constate que c'est l'état d'esprit qui règne parmi la plupart des touristes ici. Les réceptionnistes de l'hôtel se font un plaisir de fournir meth, LSD, cocaïne et tout ce que l'on peut leur demander. Quand je discute un peu avec Daniel, l'un d'entre eux, en lui demandant s'il n'a pas peur de certains raids que la police de Bali fait occasionnellement, il me répond très calmement. La silhouette élancée, il a une vingtaine d'années la peau très sombre et semble euphorique et/ou complètement shooté en permanence. Il m'explique le plus naturellement du monde, qu'il travaille avec la mafia qui paie la police, et qu'il ne risque pas grand chose... Une nouvelle fois me voilà complètement déconcerté par tant de distance avec ce que je peux connaître, et ne sais que lui répondre.

Le second jour est passé à snorkeler, ce qui est en gros l'équivalent de la plongée, mais en surface et sans bouteille. Je chausse mes palmes et enfile mon masque puis me voilà dans l'eau, trop chaude pour en être agréable. Je mets le cap vers le large tout en regardant autour de moi, et commence à sentir des courants plus frais. J'ai immédiatement l'impression d'être dans un immense aquarium: l'eau transparente me permet de voir très loin, et je me retrouve entouré par des coraux et poissons en tous genre. Sergents majors, perroquets, chirurgiens... leurs couleurs et leurs formes sont de plus en plus improbables à mesure que j'avance. Je continue à m'enfoncer vers le bleu de plus en plus sombre, et aperçoit un immense banc. Les poissons font trois centimètres, mais ils sont des milliers. Je m'approche, et me retrouve englouti dans le tourbillon qui noircit complètement la vue. C'est un sentiment assez fou que d'être perdu au milieu de cette multitude fourmillante. Je m'en extirpe à grands coups de palmes, et me retrouve face à un autre banc de méduses oranges, beaucoup moins sympa. Elles ne sont pas trop dangereuses mais leurs piqûres laissent une brûlure durable.

Je plonge sous les bateaux de pêcheurs et m'enfonce un peu plus vers le large. Le turquoise fait place à un bleu océan profond et magnifique qui barre mon horizon sous marine. C'est le moment qu'elle choisit pour se montrer ; une tortue émerge du fond pour remonter respirer à la surface. Je la suis dans sa lente course, émergé avec elle et vois sa tête éclore à l'air libre, prendre une ou deux bouffées d'oxygène avant de replonger. Les rayons du soleil viennent éclairer sa carapace et ses sages nageoires, ce qui lui donne l'impression de briller alors qu'elle s'enfonce dans les abysses bleu nuit.

Des étoiles dans les yeux, je rentre enchanté à hôtel. La journée se conclue à regarder American Sniper sur un écran géant affalé sur un pouf au milieu de la plage.

Le lendemain matin, Daniel me sert mon royal petit déjeuner constitué d'un café délicieux et d'une immense pancake chocolat banane. Ça les fait rire de me voir me régaler à ce point là tous les matins, mais quand je leur parle des crêpes, ils ouvrent des yeux ébahis. Je leur propose de leur en cuisiner quelques unes et, aussitôt dit aussitôt fait, me voilà dans la cuisine. Enfin la cuisine ...

C'est plutôt un réchaud et un évier dans l'espèce de couloir sombre qui sépare deux maisons. Il y a des fourmis dans le sucre, et un lézard sur la farine, mais je ne perds pas espoir, même quand un morceau du toit tombe dans la poêle. Daniel et son crew papillonnent autour de moi dans l'étroit couloir, et sont surexcités comme des enfants, surtout quand je verse un peu de Bintang dans la pâte. Miel, banane, ananas, chocolat, ils ont l'air de se régaler, et -pour être honnête- elles ne sont vraiment pas mauvaises considérant les conditions de préparation.

Le lendemain matin, je rencontre James, et l'un de ses amis, Jonas. On a prévu de faire le tour de l'île à vélo, mais on a à peine pédalé que l'on décide d'aller se baigner, tellement la chaleur est accablante. A tel point qu'ils me proposent tous les deux de finalement passer l'aprem à leur hôtel qui a une énorme piscine. Bon, on dévie un peu du programme sportif qu'on s'était prévus, mais j'ai déjà fait le tour de l'île à pied la veille et... Il fait vraiment chaud. On avale un petit nasi campur, et nous voilà dans leur hôtel qui, il est vrai, est vraiment sympa. Après avoir chillé quelques heures au bord de la piscine, on décide de se rendre à l'hôtel d'en face qui possède un mur d'escalade, avant d'aller voir le coucher du soleil.

Le concept est assez sympa : le mur, doté de nombreuses prises jouxte la piscine, ce qui fait que l'on peut plonger. Jonas l'escalade rapidement et se hisse sur la plateforme au sommet. C'est vraiment assez haut (une dizaine de mètres), ce qui attire l'attention de tous, notamment lorsqu'il se retourne pour effectuer un salto arrière. Son public retient son souffle lorsqu'il s'élance et effectue sa figure acrobatique. Pour éviter la bordure, il a sauté très loin (trop loin?) du bord, et sa chute semble être comme au ralenti. Passent alors une seconde, puis une deuxième, puis trois, où tout le monde s'attend à le voir faire surface... Avant de réaliser qu'il ne remonte pas. Aussitôt, quatre personnes s'élancent, et remontent un Jonas pissant le sang et à moitié inconscient.

Nouveau choc. L'adrénaline ne fait qu'un tour dans mon corps, et je cours immédiatement chercher les "urgences" les plus proches. Sauf que concrètement nous sommes sur une île minuscule et la personne que je trouve m'indique juste comment se rendre à la "clinique" la plus proche. Lorsque j'arrive à l'hôtel, je trouve un Jonas conscient et la tête ceinturée d'une serviette laissant déjà transpirer le sang qui s'écoule. Ni une ni deux, aidé des personnes de l'hôtel, je l'empoigne et monte dans une charrette (moyen de transport le plus rapide) avec une autre fille, direction la clinique.
Sur la route, je parle à Jonas, qui me demande ce qui s'est passé exactement. Il n'a aucun souvenirs, et me pose plusieurs questions : où ça s'est passé (broken compass hostel), ce qui s'est passé (eh ben... En fait tu as escaladé le mur, et fais un salto arrière depuis le sommet, sauf que tu as sauté trop loin et t'es heurté l'arrière de la tête sur une marche de la piscine). Je vois des yeux s'élargir : "Mes parents vont me tuer". Nouveau silence, puis cinq minutes plus tard, il me questionne à nouveau. "Mais... Où est-ce que ça s'est passé ? Et ... Qu'est-ce qui s'est passé exactement". Patiemment, je lui réexplique la scène dans les moindres détails. La charrette avance à un rythme d'escargot. Deux minutes plus tard, il me regarde avec son bandeau sanguinolent, et m'interroge : où est ce que ça s'est passé ? "At the Broken compass hostel, Jonas" mais... Qu'est ce qui s'est passé exactement ? "eh ben... En fait tu as escaladé le mur, et fais un salto arrière depuis le sommet, sauf que tu as sauté trop loin et t'es heurté l'arrière de la tête sur une marche de la piscine". "Mes parents vont me tuer". Avec Jacquie, la fille qui est venue avec nous, on se regarde d'un air paniqué devant son amnésie. Le trajet continue, interminable, et est ponctué quasiment mot pour mot des mêmes questions, auxquelles on s'efforce de répondre patiemment et sereinement. On arrive enfin à la clinique, où on décrit les symptômes au docteur qui nous accueille dans la sombre pièce. Quand on mentionne son amnésie, Jonas nous regarde avec des grands yeux. Really ? Bah oui, Jonas, tu nous poses les mêmes questions depuis une demie heure. Je pense que je n'oublierai jamais le regard qu'il nous a alors jeté lorsqu'il a réalisé qu'il ne de souvenait de rien : ce qui s'était passé l'heure d'avant, ce qui s'était passé ce matin, la veille... Je lui mentionne son départ pour Singapour le lendemain, et son projet de voyage en Australie ... qui lui semblent totalement inconnus.

Très bien ne paniquons pas, et restons optimistes. Jacquie et moi nous efforçons de le rassurer comme on peut alors que le docteur est en train de lui recoudre l'arrière du crâne "mais regarde, tu te souviens de ton nom, de ton adresse en Allemagne, tu es en train de nous parler en anglais... C'est normal, tu as juste subi un choc, mais ça va aller mieux". Le temps semble figé, et l'opération durer des heures, mais le docteur est rassurant. Une fois son œuvre finie, il assoit Jonas sur la table d'opération et lui indique les médicaments et contre-indications. Ce dernier semble peu à peu reprendre ses esprits, et la mémoire lui revient progressivement, à notre plus grand soulagement. On rentre à l'hôtel où on retrouve un James sous le choc. Incapable d'accepter la scène, il est juste parti le plus loin possible. Et honnêtement, je peux difficilement lui en vouloir. C'est assez dur de réaliser qu'à quelques centimètres près, le mec s'éclatait la tête comme un œuf sur la bordure en pierre de la piscine. Dur d'imaginer qu'avec une flexion à peine plus puissante de ses muscles, la scène finissait dans un bain de sang au milieu de la piscine de l'hôtel. C'est sur que ça a de quoi choquer.

Pour nous remettre de nos émotions, nous buvons deux trois shots, et nous préparons pour la soirée d'Halloween qui commence. Du maquillage, de l'alcool, et une envie de vivre à toute épreuve; nous voilà à danser dans un bar posé au beau milieu de la plage. La scène semble irréelle avec la pleine lune illuminant la mer et les visages se transformant à mesure que la transpiration déforme le maquillage. La gueule de bois du lendemain elle, est bien réelle alors que l'on reprend le bateau pour Bali.

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