NORTH ODISHA


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February 3rd 2019
Published: February 3rd 2019
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Aurais-je pensé, il y a seulement quinze jours, que je prendrais un vol Guwahati – Bhubaneswar ? Deux localités que je n’aurais évidemment su positionner sur la carte. La première est l’âme urbaine de l’Assam, la seconde est la capitale de l’Odisha. La ligne droite, d’une longueur de 1.500 kms entre ces deux points, survole le Bangladesh et le West Bengal.

Le contraste de l’arrivée est saisissant. L’aéroport est vaste et propre comme il se doit pour un aéroport, presque aseptisé bien que nous soyons en Inde. L’instauration des prepaid taxis range le tumulte des arrivées au rayon des souvenirs. L’organisation est presque impeccable et sereine. L’aéroport n’est qu’à trois kms du centre de la ville qui compte près d’un million d’habitants. Une deux fois trois voies droite, vide et propre, qu’emprunte le taxi, surprend. A Calcutta, on entrait de plain-pied dans l’agglomération et le vacarme dès le passage des grilles de l’aéroport. Bhubaneswar va donc être reposante ? Peut-être peuplée de parcs bien verts et de lacs aux eaux transparentes à peine dérangés par un ou deux papiers gras ? La population sera-t-elle bien portante et reposée en cette fin de week-end ?

La sensation de bien-être dure jusqu’à un rond-point qui semble être la frontière réelle avec la vie indienne quotidienne. Les larges avenues qui encadrent et coupent son cœur, et que le piéton traverse au risque de sa peau, convergent vers ces ronds-points. Les voitures, tuk-tuks et scooters à profusion s’y agglutinent, bloquent et agitent leurs klaxons. J’ai eu peur quelques minutes, je croyais m’être réveillé dans un autre pays. Mon hôtel est à deux pas de la gare, que je me donne le but de rejoindre à pieds, pour prendre le pouls de l’endroit, si ce n’est me l’accaparer, avant que la nuit tombe. J’emprunte des ruelles de hasard comme j’aime le faire, pour voir la vie des gens du soir, décrocher les sourires et les hellos, croiser des regards, m’intéresser à une activité…

J’entre dans un lacis de ruelles étroites, couvertes de flaques noires qui n’ont pas le temps de sécher. Ici se trouve la misère harassée, beaucoup de regards sont vides, vides de fatigue, vides de sens, vides d’avenir. Cela me rend évidemment mal à l’aise. Je n’ai heureusement pour une fois pas mon Canon provocateur au poignet. Les regards ne sont pas bienveillants, ils sont directs et durs, l’état d’esprit et de santé ralentit les réflexes de la surprise et de la cordialité. J’ai moi-même du mal à ne pas regarder que mes pieds, au-moins pour qu’ils n’accrochent ou se noient dans ce qu’il ne faudrait pas. Le long d’un grand mur, celui de la voie ferrée, s’organise le tri des déchets que les femmes et enfants ont collecté dans la journée et rapporté dans de grands sacs énormes qui ont dû être blancs un jour. Les sacs sont retournés en décharge et ce petit monde crapahute à mains nues et tongs pour séparer les bouteilles en plastique des objets métalliques des autres détritus qui n’ont pas de valeur. Ironie du genre, à 100 mètres de là, la municipalité a planté deux réservoirs de tri de déchets tout propres qu’un camion vient sans doute relever régulièrement. Et tout autour les détritus s’amoncèlent et dégagent une odeur épouvantable.

Tout à l’heure, j’avais trouvé mon hôtel piteux, ma chambre sale, j’avais demandé le changement des taies d’oreiller qui n’avaient pas dû être lavées depuis vingt clients au moins. Le préposé au nettoyage m’avait bien paru pouilleux et sale lui-même. Il rentrait certainement chez lui le soir dans un quartier du genre de celui que je viens de traverser. Mes problèmes de riche sont bien petits par rapport au vide et l’instinct de survie de tant de gens.

Changement de décor, un passenger train (à la différence des trains express, les passenger trains ne se prennent pas sur réservation et s’arrêtent à toutes les gares), un tortillard donc, m’extrait de la ville et m’achemine en deux heures de campagne à l’improbable gare de Bada Patagaon, gare de far-west où un petit bâtiment et un passage à niveau autour desquels s’agglutinent quelques shops brinquebalantes, au milieu de nulle part. J’ai rendez-vous avec Bedgit. Il m’emmène chez lui, à la Kila Dalijoda, grosse bâtisse bâtie en gros parpaings de latérite. Bedgit me raconte l’histoire de son grand-père, rajah dans le West Bengal, passionné de chasse, la chasse aux tigres qu’on trouvait encore dans l’Orissa. Il acquit un terrain et fit construire ce manoir qui fait office aujourd’hui de château local et de maison de repos pour touristes plutôt âgés amenés par les agences de voyage. La femme de Bedgit est également issue d’une lignée de maharadjahs et de maharanis, mariage arranger évidemment, mais ils semblent faire la bonne paire. La king suite et la queen suite, immenses et richement meublées, ne sont pas pour moi, mon budget au long cours m’éloigne de ces fantaisies. Je me contente d’un « cottage » à 3.000 INR (35 €) sur le toit, qui convient parfaitement à mon indépendance, chambre ravissante, petit salon, petite pièce à rangement et salle de bains tout à fait convenable. Le reste est à l’image de l’abri nocturne, soigné, attentionné, accueillant, gourmand et reposant.

Bedgit, devenu gentleman farmer soucieux de participer à la promotion de l’Odisha a un logique rôle de chef local, il aide du mieux qu’il peut sa communauté. Hôte prévenant, il dîne avec ses clients, sa femme également quand la cuisine lui permet quelques pauses, les emmène dans des marches alentours ou les trimballent en voiture quand il s’agit d’aller plus loin, les ruines quasi millénaires, parfaitement rebâties des temples bouddhistes de Litagiri et Ratnagiri par exemple. En voilà bien une autre Inde ! Le jour de mon arrivée, Bedgit me prête un vélo, m’explique vaguement les routes, c’est tout droit, puis à droite, puis à gauche etc. Je traverse des villages de maisons en torchis et toit de paille, la dure vie paysanne, pas question ici de MSA et de retraite à 700€. Je prends soin de rentrer avant la nuit pour reconnaître le chemin et éviter l’humiliation du touriste égaré… J’y passe trois nuits dans mon perchoir et trois dîners extraordinaires dans une ambiance pension de famille. Susan, septuagénaire british, gentille et un peu guindée arrive au dîner un peu éméchée (elle et son mari Brian se sont acheté de quoi passer le temps avant le dîner), confuse dans ses propos en perte d’équilibre, elle déclare qu’elle a envie de faire caca (I want to poo) et part vomir dans sa chambre, puis on entant des hurlements, elle est tombée. Je me retiens d’éclater de rire, Bedgit et sa femme restent dignes.

Je ne peux partir sans une marche vers un village, perché dans la forêt, d’une communauté réduite de 18 familles (65 personnes). Bedgit me confie à un de ses sbires. L’arrivée au village ne provoque pas l’enthousiasme des habitants, beaucoup de réserve et de politesse, je ne me sens pas très à l’aise dans ma position de voyeur. J’en ferait part à Bedgit qui me rassure et me dit que ces gens lui sont reconnaissants, son grand-père leur a permis de rester sur ses terres.

Jolie parenthèse avant le retour à la vie indienne qui trépide. Je redescend de mon tapis volant.



ITINERAIRES

BHUDANESWAR
Grande ville bousculante sans grand intérêt pour le voyageur que les temples anciens des 9ème et 10ème siècle environ. Les temples sont appelés mandir. Je préconise de se faire déposer en tuk-tuk au Mukteswar mandir à l’est puis de promener à pieds vers l’est en une balade ponctuées de plus ou moins grands temples et latérite rouge sombre, très bien indiqués. Le complexe central et réputé, leLigaraj mandir est hélas interdit d’entrée aux non hindouistes, c’est dommage, mais on peut en avoir un aperçu général depuis une plateforme. J’ai tout fait à pieds depuis la ville, intéressant et épuisant. J’ai zappé les musées et les grottes d’Ugayagiri, des français ronchons m’en avaient dissuadé. On mange très bien le soir dans les hôtels (pas le mien) dont je fais la tournée et visite pour un éventuel retour en ville ensuite.

PURI
Puri est une ville et une station balnéaire à la fois. Derrière sa très longue et large plage (propre), uniforme, de sable blond et sans ombre, s’alignent des hôtels de plutôt belle allure qui reçoivent familles indiennes de bon niveau pour leurs vacances d’hiver (car l’hiver ici ressemble à notre été). Chamaillerie de macaques au loin… Je m’y promène au petit matin, c’est samedi, elle est étonnamment vide, chouette, j’irai chercher mon maillot. Je file au loin, les pieds dans l’eau, j’aperçois des couleurs, un attroupement, je m’approche… Les indiens sont là, les familles sont nombreuses, agglutinées derrière les quelques barques de pêcheurs, et ça part loin vers le sud. Je ne comprend pas la raison de cette démarcation virtuelle, mais tant mieux, je pourrai me baigner tranquillement dans le territoire immense et vide qui me sera concédé. Les femmes prennent l’eau couvertes de leurs saris, ce qui est parfois bien plus torride. Quelques hommes sont torse nu. Malgré l’explosion des smartphones, les photographes continuent à prospérer et vendent les clichés des familles dans toutes les positions. Je rentre vers ma base. Les indiens commencent à envahir ma zone. Il faudra venir piquer une tête tôt demain.

KONARK
Je rencontre Amaya, jeune basque espagnole, dans le bus nous emmène à Konark, trois quarts d’heure dans la proximité indienne chaude et parfois odorante et l’encastrement des corps. Nous passons la journée ensemble à visiter le temple du soleil (qui n’a rien à voir avec celui de Tintin), dînons le soir au Chuah Wah (cuisine chino-indienne de belle qualité) et je laisse les fantasmeurs des affinités en plus à leurs conclusions…



Le temple me déçoit, par son entrée élevée pour les étrangers (600 INR pour 30 INR pour les locaux), et parce qu’il est en ce moment encerclé d’échafaudages en bambou. En ce samedi coloré et populeux, c’est l’atmosphère qui me retient. Les demandes de selfies sont nombreuses et je m’y prête volontiers aujourd’hui. Nous allons marcher vers la plage à 30 minutes et rentrons en tuk-tuk.

RETOUR A PURI
J’ai mis mon maillot, mais la plage voit déjà son défilé indien, il n’est que 8 heures du matin, impossible pour moi de me baigner tranquillement, et d’ailleurs, la marée basse et les vagues qui se cassent à la suite ne permettent pas la nage. C’est aujourd’hui un exode, une transhumance indienne du nord au sud de la plage, du point d’arrivée des transports au point de rendez-vous du monde. J’en ai déjà parlé, mais c’est un spectacle à lui seul. Pour la première fois je refuse les demandes de selfies, il suffirait que j’en accepte un et j’aurais la plage entière à faire la queue pour avoir un cliché de soi avec ma pomme. S’ils me donnaient chacun 10 roupies, je financerais mon voyage ! Reste que je dois être présent sur 2.500 clichés volés au moins…



Amaya me rejoint au Jagannath Mandir (temple), un des lieux sacrés de l’hindouisme. Nous sommes dimanche, c’est une cohue incroyable. Les étrangers ne peuvent entrer dans l’enceinte, mais nous pouvons avoir un aperçu depuis une terrasse devant l’entrée. C’est la populace colorée à ses pieds qui m’intéresse.. Revenir en ville par la Temple road étroite est pittoresque. C’est cela qui me réjouit même s’il faut faire attention à tout tellement ça circule.
Grand moment à la gare où nous venons nous renseigner et acheter des billets de train pour demain. La fonction publique indienne nous donne un parfait exemple de sa lenteur, de son incohérence et de sa raideur. Faire la queue est déjà compliqué et pénible en Inde, mais quand enfin nous arrivons à 13h58 devant le guichet et qu’on nous annonce que ça ferme à 14h et qu’il faut revenir le lendemain, je fais un foin… et ça marche, on nous prie de passer l’autre côté des guichets et on s’occupe de nous en privé. Il faut remplir un formulaire évidemment incompréhensible. On nous demande quel train on veut prendre. « Ben c’est justement cette information qu’on est venu chercher ». Peu à peu, l’atmosphère se détend, et ils comprennent qu’on ne partira pas sans billet. Je pars demain pour Gopalpur et Amaya poursuit plus loin. Nous prenons le même train, mais leur système est incapable de nous positionner à côté, mais il paraît qu’on peut s’arranger dans le train. Donc rigueur administrative et débrouillardise (qui pourrait bien être corruption dans d’autres sphères) seraient donc les deux mamelles de l’Inde. Le train est à 6 heures demain matin…


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