Les punks du pacifique sud


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Oceania
June 23rd 2014
Published: July 5th 2014
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II.3) Les punks du pacifique



Nono, Syndrome Coronarien Aigu et faille spatio-temporelle.



Tu te souviens que la mamie Zaza, tu ne lui a pas dit que t’étais dans la médecine ?



Une espèce de feeling, elle et son mari sont tellement polypourris que tu pourrais passer tout ton séjour juste à énumérer leurs pathologies…



Mais la mamie doit le sentir quand même, parce qu’elle te raconte qu’une nuit, sa grand-mère cherokee lui est apparue en rêve, lui a recommandé d’arrêter de prendre son traitement pour le cœur et de commencer à se soigner avec des feuilles de nono.



Le nono est un arbre magique en Polynésie qui peut tout guérir selon les croyances locales.





Depuis son rêve, mamie n’en démord plus : plus jamais elle ne reprendra ces cochonneries de médicaments qui la fatiguent !!



Evidemment, tu espère qu’elle ne fasse pas un infarctus, parce que vu son âge, vu ce qu’elle clope, et vu ses antécédents, c’est pas gagné…



Zaza reçoit plein de visites. Elle est la doyenne du Sud, et beaucoup passent pour la saluer, prendre des nouvelles, demander des conseils…

La veille de ton départ, un des pêcheurs du coin qui sirote son café chez Zaza, t’apprends qu’elle est allongée parce qu’elle a eu un malaise dans sa douche. Ah non, me dis pas que…



Tu te précipites dans sa chambre et après un rapide examen, tu en es sur, elle l’a fait son syndrome coronarien aigu, ah c’était gros comme une maison…



Là quand même tu as un moment de panique : tu te souviens qu’on est dans le sud de Faka, à 1h30 de bateau du Nord où il y a juste un dispensaire avec un infirmier, Nord qui est lui-même à 1h30 d’avion de l’hôpital le plus proche à Papeete !!!



Faudrait pas qu’elle te claque dans les doigts la mamie !



La Polynésie c’est le bout du monde, mais le 15 fonctionne : tu as un médecin régulateur au bout du fil, tu te sens soulagé…mais tu as tort, car la faille spatio-temporelle s’ouvre à nouveau.



Petite parenthèse, l’accent des Polynésiens est hilarant au début : ils roulent les r comme des bérichons, et étirent les mots en parlant super lentement un peu comme des suisses, du coup le moindre dialogue prend beaucoup de temps…



Tu as donc le régulateur du Samu au téléphone, tu lui fais ton topo, et il te répond :

-« Alorrrrrrrs, je suis d’accorrrrrrrrrrd avec ton diaaaaagnostic (1 minute écoulée pour cette phrase). »



Toi, speed, parce que Polynésie ou pas, c’est une urgence vitale et que chaque minute compte (enfin, tu as quand même le temps de te demander si l’organisme des Polynésiens s’est adapté à leur lenteur et si les délais sont différrrrrrrrrrrents du cooooooup ????) :



- « Combien de temps va mettre l’hélico à arriver pour une évacuation sanitaire ? »



Tu sens ton interrrrrrrlocuteurrrrrr hilarrrrrrrrre au bout du fiiiiiiil.



- « Ah non, il faut que tu trrrrrrrrrrrrouves un baaaaaateau pourrrrrrrrr l’emmener dans le norrrrrrrrd ! »



Ce dialogue avec plein d’espace et de rrrrrr et super énervant à lire (d’ailleurs pour plus de commodité on va revenir à un dialogue norrrrrrmal) mais ce n’est rien à côté de l’exaspération que tu ressens tout d’un coup.



Tu te dis que tu rêves là, le mec a du mal comprendre, et tu vas clarifier le malentendu :



- « Mais dans le Nord il n’y a pas d’hôpital, pas de médecin, juste un infirmier…et le temps qu’elle y aille… »

-« Bon quel âge elle a ta mamie ? »



Là, tu as un petit espoir d’avoir ton hélico…

-« 80 piges, pourquoi ? »

-« Alors à cet âge on n’envoie pas l’hélico, elle va aller dans le Nord et l’infirmier lui fera un ECG et on verra… »

-« … ? »

-« Tes toujours là ? »



Alors oui, techniquement t’es toujours là, mais tu te dis que ce rêve n’est vraiment pas marrant.



Donc en gros, la mamie a le temps d’y passer trois fois avant d’avoir son ECG qui ne pourra pas être interprété tout de suite (ah moins que les infirmiers interprètent les ECG dans ce bled… !?) et s’il est négatif de toute façon on ne pourra pas lui faire son dosage de tropo et si c’est un infarctus de toute façon on ne pourra rien faire…



Tu te ressaisis, après tout ce n’est pas ton problème la manière dont les gens fonctionnent ici.



Et puis, tu me diras que si la mamie n’a plus envie de vivre, c’est son choix. Oui, sauf que tu lui as suffisamment parlé à la Zaza pour savoir qu’elle a plein de projets, qu’elle veut bientôt aller voir sa myriade d’enfants et de petits enfants et peut être s’installer en métropole pour être près d’eux, pas du tout le discours de quelqu’un qui en a marre de la life !





Donc, reste à la convaincre et tu t’en doutes, ça va être chaud bouillant…



Comme évidemment tu n’y arrives pas, tu rappelles le 15 pour qu’il te passe un médecin qui parle Tahitien…5 bonnes minutes s’écoulent encore…et la mamie semble convaincue.



Elle appelle son petit fils qui bosse sur l’île dans le transport de touristes par bateau. Ah, les choses avancent :

Mamie Zaza : -« Alllllllooooo…Yorrrranaaa…comment ça va ? Et la famiiiiillllle ça va biennnnn ? »



Non, là, tu craques. Tu lui prends le téléphone des mains, tu as le petit fils, tu lui expliques que sa grand-mère peut clamser dans l’heure et qu’il doit un peu se bouger les fesses nom de Dieu !



Le petit fils : « Ah oui, pas de problème, je termine avec mes clients là et j’arrrrrrive . »



No comment.



30 minutes après il arrive effectivement. Zaza refuse qu’on la porte et parcourt seule les 500 mètres qui la séparent du quai…



Tu ressens un gros gros soulagement quand tu la vois partir sur le bateau (tiens au passage tu te dis que tu aurais pu l’accompagner au cas où, et que tu as fini par baisser les bras un peu comme tout le monde là bas…)



Mais ne t’inquiète pas, elle reviendra chez elle le lendemain sur ses deux pieds avec un rendez vous en cardiologie à Tahiti dans la semaine…et personne ne saura quel diagnostic a été retenu finalement.



Seul point positif : le jour de ton départ, elle te dit qu’elle reprend ses médicaments pour le cœur.



Toubib en Polynésie, un poste qui fait rêver beaucoup de monde, mais qui ne doit pas être évident !!



No futur for you



Quelques jours après, à Rangiroa où tu loges dans une pension de backpackers, « chez Olga », tu rencontres Philippe, un demi comme on les appelle ici, moitié tahitien, moitié français métropolitain.

Philippe adore la Polynésie française, il connaît les deux cultures et comme il est prof, il explique plutôt bien.

Il t’apprend que la grammaire tahitienne est sommaire : pas de futur, pas de passé, seulement le présent !



Ah ben d’accord, fallait le dire avant !

C’est pour ça que tout est si lent et que le moindre pépin se transforme assez vite en grosse galère ?



Donc en gros si tout part en sucette, pas la peine de vouloir presser le mouvement, vu qu’on ne peut pas parler de l’instant d’après, et de l’instant d’avant, çela n’a pas de sens.



Tu sens que tu vas te faire traiter de Popa ( les non tahitiens d’origine, qu’ils habitent ici ou non) plein de préjugés mais tu ne peux pas t’empêcher d’imaginer la scène à l’hôpital : ton patient fait un arrêt cardiaque, tu commences la réanimation cardiopulmonaire et demandes à l’infirmière d’apporter le chariot de réa :

- Pas de prrrrrrrroblèmmmmmme. Je finis la prrrrrrrrise de sang de mon patient et j’arrrrrrive .



Ouais, ça doit demander un petit temps d’adaptation d’être interne ici…



Tu apprends aussi que le rapport à la douleur des locaux est très différent : quand un Tahitien te dit qu’il commence à avoir mal un Popa est déjà à 10/10 sur l’EVA, du coup dans les hôpitaux les toubibs ont vachement de mal à prescrire correctement les antalgiques aux locaux !



Et puis tant qu’on cause médecine, t’as remarqué aussi (dur de passer à côté) qu’après 30 ans presque tous les tahitiens sont obèses (c’est un des plus forts taux au monde).



C’est vrai que la bouffe est particulièrement grasse ici avec des sauces bien énergétiques partout (du coup même les plats de poisson sont gras !), des boissons sucrées ,que les mecs picolent beaucoup, que les mamans ont tendance à gaver leurs enfants mais tu te dis qu’il doit y avoir une petite prédisposition génétique associée…



Tiens, tiens, ça fait déjà trois sujets possibles de futur thèse de médecine cette histoire ; et ici, en endocrino, ce n’est pas le taff qui manque…



Ok, Ok, je t’entends déjà m’engueuler à nouveau : « t’es en vacances, etc…, etc… ». Oui, mais tu te souviens qu’il faut faire des paliers de décompression pour éviter les bulles d’azote ?





Philippe t’apprend un autre truc confirmé par plusieurs personnes dont un travailleur social : la prison de Tahiti est une des plus surpeuplée au monde avec plus de 12 détenus par cellule de 4 (313%!d(MISSING)’occupation selon un article de Marianne de Juillet 2013). Du coup, les condamnés doivent attendre leur tour !



Ils font tranquillement leur vie patientant 1 mois, 6 mois, 1 an jusq’à ce qu’une place se libère…et aucun n’essaye de s’enfuir apparemment. Un beau jour, on les appelle : ça y est mon gars, ta place est libre…et ils viennent tranquillou !



Carpe diem.



Il n’y a jamais eu de rébellion dans la prison non plus ce qui te surprend.



Alors oui, parfois un détenu s’évade, mais on le retrouve…au bar du coin où en tous cas pas très loin.



Une nouvelle prison se construit et devrait être achevée d’ici 2 ans, ce qui n’est vraiment pas un luxe !





Philippe t’apprend aussi que la langue polynésienne contient peu de mots sauf pour les poissons, la mer et les éléments.

Par exemple là où en français, on parle de loche marbrée juvénile, adulte, femelle ou mâle, en polynésien tu auras 4 mots différents.

Etre poissonnier où pêcheur ici, ça ne rigole pas du tout !



Quand tu réalises tout ça, tu te dis que, même si en Polynésie les habitants sont Français et parlent ta langue, tu es dans un autre pays et que ça doit demander du temps d’arriver à comprendre la manière de fonctionner des locaux et de s’intégrer !

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9th July 2014

le retour
Décidément j'adore ton journal de bord! C'est un peu devenu mon «plus belle la vie»! Merci pour ce partage et prends aussi soin de toi. Big up sinon pour la fin des études!!!! Biz
24th July 2014

Là franchement j'ai du changer de culotte tellement j'ai rrrrrrigolé. Je faisais les dialogues à haute voix devant le PC Pascal comprenait pas ce qui m'arrivait...."Laisse tomber tu peux pas comprendre.."
25th July 2014

merci pat
Coucou pat, Ton comment m a fait super plaisir! Je suis content de te faire te bidonner
25th July 2014

merci pat
Coucou pat, Ton comment m a fait super plaisir! Je suis content de te faire te bidonner. Plein de bises à toi et à tes hommes. Ya Ps : apres ce long moment d interruption je me remets à mon blog dans les jours qui viennent; là tout s est un peu enchaine et je n ai pas vraiment eu le temps... Ps2 : je suis souvent joignable sur viber si ca te dit ou si ca branche les boys...

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