Doolin and Dingle, Irlande (ou Quand l'Été est un Automne)

---

15 juillet 2012

"Une belle journee en Irlande est une journee sans pluie" Anonyme



Retour a Galway pour reprendre rapidement le bus vers Doolin, petit bled de pecheurs dans le compte de Clara, encore plus au sud du Pays.

La route sinueuse est asphaltee mais beaucoup trop etroite. Mon bus ralentit drastiquement alors qu'on croise les autres bus bondes de retraites qui mangent des biscuits sodas. C'est le top confort dans ma navette dois-je dire mais j'ai l'estomac mit a rude epreuve avec ces tournants et ces retournants.

Je ferme les yeux, concentre sur les mouvements brusques de l'engin.

Gulp!

La salive me manque. Mais la randonnee acheve.





On arrive finalement a la destination finale.

Je suis le seul dans le bus (...mais combien de temps ai-je dormi au juste?) Surprise! Je suis a l'entree des falaises de Moher, site touristique incontournable de l'ouest de l'Irlande... sur les cotes atlantiques, au milieu de nulle part!

Il n'y a que des champs, des betes et du vent autour de moi.

Et un stationnement ou les voitures s'entrecroisent comme des abeilles.

Et pis des touristes aussi.

"Next bus to Doolin in four hours" que semble vouloir me dire le chauffeur avec son accent anglais de patate-chaude-en-bouche.

Bien.

Alors voila comment je me suis retrouve aux falaises de Moher sans reelement le prevoir.





Le paysage est a couper le souffle ici. Les falaises abruptes plongent d'un 300 metres avant de se mouiller en dents de scie dans l'Atlantique. Les goelands et les macareux partagent les crevasses en commerant bruyemment de balcon en balcon. Le souvenir des maritimes me revient. Normal: a 3000 kilometres devant moi se baignent les berges de la Nouvelle-Ecosse.

Je m'approche.

Je fige.

Le vertige se trouve au bout de mes pieds.

Demi-tour.

C'est ma bravoure qui en prend un coup.







Je rembarque finalement dans le bus vers Doolin. Le chauffeur a la barre de l'engin est le meme qu'a mon arrivee aux falaises. Sa patate-chaude-en-bouche ne s'est pas refroidit.

"What?" que je lui demande et redemande plusieurs fois, avant de comprendre qu'il ne me chargera pas pour le "retour" a Doolin.

Bien. Deja qu'il m'avait charge le tarif etudiant au depart de Galway... tout plein d'economies, on aime ca!





Doolin: on cligne des yeux, et on passe tout droit!

Vraiment.

C'est un voisinage plus qu'un village cet endroit. Un ranch, deux restaurants, une auberge, un pub et un camping... bref, un batiment pour chaque lettre.

Doolin.





Il y a absence totale d'arbre ici.

Rien.

Vide.

Pierres et tourbieres, paturages et marecages uniquement.

Apres ma douche, je me rend au pub tout pres de l'auberge (ca va de soit) pour m'injecter une Guiness et me nourrir d'un "Irish Beef Stew" au coin du feu. Je suis surpris. Le "Irish Beef Stew" ne se fait pas qu'en cannage finalement.

Le violon folklorique planne dans le pub. Les archets fendent l'air comme des fleurets en combat. Et la foule leur repond bien sur, tappant du pied en cadence de parade militaire. Ambiance festive. Il fait chaud ici. Impossible de dire par contre ce qui nous rechauffe le plus ce soir. Serait-ce le feu dans l'atre ou les violonnistes qui brulent les planches?





Note a Moi-Meme:

Le soleil ne se couche pas avant presque 22h30 ici. Ca fait de longgggues soirees!





16 juillet 2012

Mes plans a Doolin tombent litteralement a l'eau alors que la mouillasse cogne a la fenetre embuee du dortoir a mon reveil.

Fuck.

Pas question de rester ici et de tuer le temps a l'auberge ou au pub, ou encore pire, d'affronter les elements et me lancer dans le creux campagnard a velo dans la tourmente.

Non merci.

Je me convaincs donc que la journee serait parfaite pour faire du kilometrage: direction Dingle, avec un transfert a Limerick et un autre a Tralee... pour un total de six heures de bus.

Pour alleger la promenade, j'ai la brillante idee de gober quelques "Gravol" qui sommeillaient au fond de mon sac-a-dos fatigue.

Et Vlan!

Ca me frappe quasi instantanement: somnolence aigue. Je suis un zombie baveux. Je n'arrive meme plus a garder les yeux ouverts tellement je suis assomme par les minuscules pastilles oranges. Mon lecteur MP3 joue ma musique au raaaa lennnn tiiiiiiit alors que le ronronnement du bus me berce jusqu'a perdre completement conscience.........



Je transfert de bus a Limerick de peine et de misere, m'aggripant un muffin aux bleuets a 2 euro avant de reposer mon derriere au chaud dans l'autre bus.

Deux autres heures encore a faire, et puis encore un transfert de bus a Tralee alors que la somnolence est a son apogee. Non mais c'est bel et bien en vente libre ces cachets? Ouch.

J'ai effectivement pas eu mal au coeur de tout le trajet... normal, j'ai ete dans le coma pendant six heures!



20h00. On me debarque enfin a Dingle, petit village portuaire charmant accroche a des nuages beaucoup plus sombres qu'ailleurs.

Ouaip. Je crois que c'est ici meme qu'on les tricotte ces nuages noirs... et qu'on les envoie dans tout le Pays.



17 juillet 2012

Une epaisse brume englobe Dingle a mon reveil. J'ai l'impression d'etre enfonce dans la mousse de Guiness alors que je m'eloigne de mon auberge pour me trouver un espresso.

Le cri affame des goelands se perd dans l'absence de paysage. Mais meme si mes doigts disparaissent dans la brume lorsque j'etire le bras, je peux quand meme deviner la presence de l'ocean tout pres. Ce vent frais et sale ne dement pas. Et fort aussi. Et pourtant, la brume n'est aucunement ebranlee. Le combat est inegal. La brume joue definitivement dans une autre ligue.

Meme si le decor est invisible, je me lance tout de meme dans une randonnee de velo sur la peninsule de Dingle.

Je chevauche une becane a la "mamie-va-t-au-marche", au guidon qui tente sans cesse de me glisser des mains comme si je retenais un canard mouille de s'envoler. Et puis a chaque moment ou j'ecrase le frein, j'ai la curieuse impression que j'agresse ma monture. Kwwwwakkkk! Qu'elle crie alors. Je dois vous l'avouer, je me suis deja senti beaucoup plus en securite sur un velo qu'aujourd'hui. Les vehicules roulent vite et le brouillard etouffe toujours autant la cote. Je suis le seul qui s'est aventurer sur la peninsule en velo aujourd'hui.

Il fallait une bonne dose de folie pour s'y lancer j'imagine.

L'eclatement des vagues sur les recifs se melent au grincement de mon pedallier. Les moutons taches de rouge ou de bleu comme au sortir d'une partie de paintball levent la tete, pret a se sauver au premier mouvement brusque. J'essaie tant bien que mal de communiquer en leur belant mes intentions pacifiques mais leur regard incertain veut tout dire: ils ne reconnaissent pas mon accent quebecois.

Plus je m' avance sur la peninsule, plus la brume semble s'eloigner. L'ocean se fait enfin voir et les paturages s'eclaircissent. Les paysages sont splendides. Bucoliques. (Premiere fois que j'utilise cet adjectif. Quel mot affreux!)

Je passe par des patelins comme "Murreagh An Mhulrioch" ou "Fahan Fan", rappelant les racines gaelic de l' Irlande.

Tout est calme. Je savoure chaque instant... quoique la randonnee semble s'etirer un peu plus que prevu.

Le vent se leve et prend le dessus sur la brume. Une pluie fine et froide comme des aiguilles remplace bientot la brume et vient me fouetter le visage alors que le vent ne cesse de s'acharner sur ma calotte. Arggggg.

Je deplie ma carte humide alors que mon plaisir semble avoir deserte ma becane pour aller se proteger de la pluie. Le salopard! Il se trouve probablement dans un pub a l'heure qu'il est. Argggg.

Je rejoins finalement Dingle, detrempe comme une debarbouilette laisse dans le coin de la douche.

Au final, le total de la promenade fut de six heures de velo grincant.

Il fallait une bonne dose de folie pous s'y lancer j'imagine.

Plutot heureux d'avoir enfin boucle la boucle.

Epuise, j'entre dans un pub pour me commander un cafe chaud... damn, je le savais! Mon plaisir etait bel et bien la, le salopard, soul et jasant a deux Korennes en vacances!



18 juillet 2012



La pluie s'abat encore sur Dingle ce matin. Et puis ca cesse, laissant un ciel couvert de plomb.

Apres avoir donne un coup de main a un amical couple de francais (que je salue en passant...), je reprend la route pour rejoindre Killarney, deuxieme ville la plus touristique d'Irlande.

Tout est encore gris. Le soleil semble ne pas se rendre jusqu'ici.

En Irlande, l'ete est un automne.



Etienne X

---

Comments

[Raymond Paquin]

Superbe!
Salut Étienne. Ton journal de voyage est, encore une fois, sublime. Je goûte la bruine et je sens la Guinness. À moins que ce ne soit le contraire! Un autre voyage dont tu te souviendras longtemps. Continue, nous croyons y être! Amitiés...