Tagaytay, Philippines (ou Comment Réveiller le Cerbère)


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April 18th 2017
Published: April 18th 2017
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Samedi 15 avril

(Toujours à Manille )



Au réveil, j'embarque dans un Uber qui me laissera à un semblant de station de bus coincée sous un viaduc sale, chaotique et grouillant de vie.

(bon, à part cet itinérant blessé peut-être, qui dort en lambeaux ( mais dors-t-il vraiment?)).



Je ne sais pas comment juger le traffic pour l'instant.

Ça semble calme.

Mais Manille tranquille est certainement bien pire qu'un Montréal à l'heure de pointe.

Présentement, les 107 millions de philippins bougent à travers le Pays pour la fin de la semaine sainte.



J'apparait dans un bus qu'on m'a pointé à la station.

"Tagaytay?" que j'ai demandé (on dit Ta-gaille-taille)

"There" qu'un chauffeur asocial m'a montré du doigt, sans lever la tête.

Alors je suis donc là, dans les marches d'un bus complet qui m'observe.

J'attend un signe du contrôleur de billets.

Mais il m'ignore... alors que je suis debout comme un manche à balai dans l'allée.

Le contrôleur n'a pas eu ses vacances pascales cette année.

Il m'aurait peut-être souris sinon.

"Stay there. Maybe no more bus to Tagaytay" que me lance la dame du banc-avant.



Le bus démarre,

et je fais toujours le piquet.

Je paye finalement le contrôleur... et me dirige à Tagaytay

assis sur mon sac-à-dos

au milieu de l'allée.



Il y a du traffic intense pour sortir de Manille.

Ça freine et ça repart, et ça refreine et ça repart jusqu'à destination (2 heures et demie de route).

...



Tagaytay est sans contredit une destination prisée par les vacanciers de la capitale.

Il y a presqu'absence ici des bidonvilles et des laissé-pour-comptes gangrenant Manille.



Ici, les beaux hôtels et les restaurants des grandes-chaînes polissent le décor à flanc de montagnes de la rue principale.

Au loin, devant les balcons balayés pour l'occasion, le lac Taal brille sous le lourd soleil philippin.

Et puis en son centre, un volcan éteint semble sortir de l'eau comme un iceberg.

C'est pour cette vue que les citadins quittent la ville le weekend.



J'avais booké mon lit d'avance ici, question de ne pas me casser la tête à chercher un endroit où pieuter en cette fin de semaine de Pâques.

Mais surprise, l'hôtel que j'avais supposément réservé n'a pas reçu ma confirmation.

No Vacancy.

Ça complique largement ma paix d'esprit maintenant que mon plan tombe à l'eau.

Passant d'hôtels surchargés à des chambres glauques de derniers recours, je cherche un endroit sain où me poser à Tagaytay.



Heureusement (non sans efforts), je trouverai une charmante auberge hors du centre-ville où loger avec d'autres backpackers fuyant Manille.

En voyage, on passe la majeure partie de son temps dans les transports... et à chercher un endroit bien où laisser son pactole et dormir.



16 avril



Ce n'est que le lendemain matin que l'excursion d'escalader le volcan pourra s'organiser.

Avec un charmant couple de polonais, je quitte l'auberge pour rejoindre, au bas de la montagne, les berges du lac Taal.

Le couple, beaucoup trop long et mince, prend place dans la capsule aux allures de boîte de Kleenex soudée à une bruyante motocyclette.

Pour ma part, on m'alloue la place derrière le chauffeur, assis comme une amazone.

Courbé, je m'agrippe comme je peux après la charpente de l'engin.

Pour rejoindre la berge, ce sera une demie heure de moto, me retenant dans les courbes pour ne pas m'envoler.

Quelques fois, dans les tournants, la roue de la boîte à polonais se lève du sol, juste assez pour nous rendre nerveux.

On est définitivement trop grands et trop lourds pour les tricycles philippins.



Étourdis, on pose pied au bas de la montagne...

et embarquons sans attendre dans un bateau bleu en forme de grain de riz nommé Canada.

"How to go live in Canada?" m'avait demandée une coiffeuse entre deux coups de ciseaux à Vigan.

"Well i don't know. I'm already canadian" que je lui avait alors honnêtement répondu.

Ouais. C'est qu'on aime le Canada ici.

C'est un Pays qui fait beaucoup rêver les filippinos.



Canada, le bateau effilé, file sur l'onde vibrante du lac Taal.

Le vent s'est levé quelque peu.

Des nuages indécis tachent gris le bleu du ciel.

Tant mieux, le voile nous protègera peut-être du soleil lors de notre ascension.

...



Sur le chemin du cratère, on réalise bien vite que la chaleur ne vient pas que du ciel.

Quelques fois, des filets de fumée s'allongent comme des sifflets de bouilloir sous les rochers ou sous les croix posées à chaque palier.

Il y a du mouvement sous le chemin de terre.

La montagne est un cerbère qui dort.



Souvent, durant la montée, des chevaux fatigués nous dépassent, lourdement écrasés par des touristes philippins paresseux.

"Excuse me" qu'on nous lance avec des voix aiguës de fillettes, "excuse me"...

alors qu'un convoi de cavaliers instables nous dépassent en faisant lever la poussière du chemin,

un sable chauffé, presque de la cendre.



L'ascension est relativement facile malgré la chaleur.

Ce sera plus ou moins une demie heure de grimpe pour atteindre les lèvres du cratère.



Il y a une faible odeur de souffre plannant sur le turquoise au creux du bol volcanique.

Il y a certainement un passage sous l'eau toxique qui descend jusqu'à l'estomac de la terre.



De l'autre côté du cratère, on voit l'eau du lac Taal: une eau bleue qui contraste largement avec l'acide verdoyante du fond de la soufrière.

On dirait deux décors distincts curieusement fusionnés dans le même paysage.



"Want to try golf?" que me demande, tout en haut, une femme tout sourire argenté, avec un vieux driver entre les mains.

Inviter les touristes à tirer des balles de golf dans le cratère permettra peut-être à cette femme de nourrir sa famille ce soir.

Je me rappelle qu'à Bromo (Java, Indonésie), on lançait des poulets vivants dans le volcan fumant pour réveiller la bonne fortune.

Différents Pays, différentes religions, différentes moeurs.

...



Le retour à l'auberge fût semblable à notre arrivée au volcan: d'abord la douce traversée en bateau effilé...

puis la remontée cette fois, assis en bretzel derrière le chauffeur d'un tricycle râlant.



La pluie nous a surpris durant le retour par contre.

Collé au chauffeur de moto en camisole, je devais solidement m'agripper

pour ne pas perdre pied et me retrouver hors d'état de fonctionner.

...



Enfin, on se pose à l'auberge.

La pluie n'a pas diminuée.

Bien au contraire: elle s'est confirmée.

Je me retrouve donc à siester sous les grondements de la soudaine mouillasse d'après-midi.



J'ai l'estomac qui bouille comme le cerbère du volcan au coeur du lac Taal.

Il fallait le prévoir: c'est ce qui peut arriver en voyage lorsqu'on devient moins vigilant avec ce qu'on ingère.

Je suis un volcan en éruption.



17 avril



Je reprendrai la route pour Manille avec l'estomac un peu à l'envers certes, mais tout de même plutôt remis sur pied.

C'est le manque de laundry shop à Tagaytay qui me fait quitter les montagnes

(de vouloir du linge propre, est-ce une raison valable pour retourner à Manille?)



C'est que présentement, il n'y a que mon estomac hurlant qui est bien tordu et nettoyé.



Etienne X



Notes à Moi-Même:

1- Truc pour perdre du poid rapidement: boire de l'eau (apparemment) non filtrée aux Philippines

2- Message devant une clinique de médecine louche: Now it's time to circumcize

3- Pas la peine de se raser soi-même ici: les barbiers sont si peu chers.

(70 pesos philippins à Vigan (+ ou - 1.50$ canadien), 150 pesos philippins à Tagaytay (+ ou - 4.50$ canadien ))

4- La barmaid au bar à Manille est payée 400 pesos philippins pour une journée de 9 heures de travail

(ce qui fait 12$ canadien pour la journée)

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