De Shangri-la / སེམས་ཀྱི་ཉི་ཟླ་གྲོང་ཁྱེར། à Chengdu / 成都市, Chine (Ou De Grandes Enjambées)


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Asia » China » Yunnan » Shangri-La
March 5th 2015
Published: March 12th 2015
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4 mars

(À Shangri-la)



Je sort de mon lit chauffant et m'aperçois rapidement qu'il a plu la majeure partie de la nuit sur Shangri-la.

Comme je me trouve à plus de 3000 mètres d'altitude, et qu'il fait sous zéro, la pluie s'est rapidement transformée en neige.

Je suis surpris de voir le fin tapis blanc couvrir la comateuse vieille ville ce matin.

Je n'avais pas spécialement prévu voir de la neige durant mon périple chinois.

Ça me fait sourire.

Ça ajoute un peu de poésie sur la silencieuse ville figée dans le temps où rien ne semble se passer.

Quand ici, "neiger" est le verbe d'action de la journée, c'est que de toutes évidences, l'inertie mène la ville.



Il ne me reste plus un seul morceau de linge propre dans mon sac-à-dos.

Rien.

Tout ce que j'ai de non souillé, ce sont quelques kleenex essentiels aux urgences.

C'est que c'est impossible de faire sécher son linge ici... sans mettre le feu à toute la ville.

Les cordes-à-linge sont utilisées, en cette période, qu'à pendre les guirlandes de drapeaux en pointes triangulaires des bouddhistes.



Je décide donc de quitter Shangri-la, habillé inévitablement en malpropre, et de rejoindre Lijiang pour y prendre un train et quitter la région.



En route pour la station de bus de Shangri-la, je croise des ancêtres tibétains enveloppés de manteaux matelassés magenta où s'éparpillent de minuscules broderies ressemblant à des motifs de tapisserie rococo.

D'épais chapeaux poilus d'où pendent des cache-oreilles s'enfoncent sur leur tête et viennent encadrer leur visage ridé comme des dessous de pieds.

Leurs yeux rougis par le vent et la prière sont posés sur moi.

Je me demande s'ils arrivent à me voir au travers de leurs cataractes évidentes.

Ou ils sont peut-être en état de transe aussi... parce qu'ils égrainent tous des chapelets en billes de bois comme des Maltesers, en murmurant d'incompréhensible mantras en me regardant.

Prières du matin... qui s'étireront probablement jusqu'en soirée.

C'est une vie consacrée à la méditation pour les vieux sages tibétains.



J'arrive enfin à prendre une place dans un large bus qui part pour Lijiang.

Heureusement, le chauffeur de l'imposante navette conduit mollement

comme un gros hanneton.

Il y a une sacré différence d'avec mon arrivée précipitée à Shangri-la dois-je avouer.

Pas besoin de m'agripper à quoi-que-ce-soit en sacrant cette fois.

Ça me laisse donc beaucoup de temps pour admirer l'immensité du paysage montagnard qui est maintenant couvert d'une mince couche de neige étincelante.

Ça rend le décor presque monochrome.

Il y a de vie que les troupeaux de yaks qui rayent les champs blanchis de leur marche lente et linéaire.

C'est majestueux.

Malheureusement, je ne peux qu'être observateur, enfoncé dans le banc inclinable de l'autobus qui redescend vers Lijiang.



J'ai devant moi l'un des paysages les plus incroyables que j'ai pu voir de toute ma vie, et je n'aurai aucune photo pour le prouver.

Voilà.

Il faut apprendre quelque fois à graver les souvenirs dans notre mémoire uniquement... et serrer les dents de ne pas pouvoir emporter avec nous l'extraordinaire magie que la nature peut parfois créée.

Tant pis pour les photos alors: ça ne rendrait jamais justice à l'éloquence du paysage de toute façon.



Plus on perd de l'altitude, plus l'éphémère neige s'évapore sous le soleil.

Jusqu'à Lijiang.

Ici-bas, personne ne se doutera de la splendeur qui couvre aujourd'hui les vallées des hautes montagnes à l'horizon.

...



À Lijiang, le hasard me fait passer devant un bureau touristique où se vend des tickets de train.

Je me retrouve donc à mimer un "train"... et une "couchette du bas" aux lunettes derrière la vitre du Ticket Office.

Un homme âgé anormalement souriant entre alors dans ma bulle et me mime aussi quelque chose.

J'ai l'impression qu'il veut m'aider... et puis non finalement... me voilà donc dans une session de photos familiales avec l'aïeul édenté.



J'ai un ticket de train de nuit entre les doigts et quitte Lijiang pour de bon maintenant.

Le taxi dans lequel je prend place pour me rendre à la gare roule sur des routes à double-voies parfaitement planes et neuves mais sans le moindre véhicule qui y circule à part nous.

Vides.

On longe des champs où s'enlignent des centaines de condominiums inhabités.

Vides ici aussi.

On dirait que la Chine construit plus rapidement que ce que la population peut présentement s'offrir.



J'arrive en pleine noirceur à une imposante façade aux allures d'entrée d'aéroport.

C'est la station de train ça, grandiose, enflée au milieu de champs sans éclairage.

Des champs non éclairés

et vides.



Je m'achète des jujubes au tamarin et un jus sucré où se figent des morceaux de gélatine caoutchoutés, cubiques et sans goût, un peu comme les condominiums vu sur la route.

Ce sera ma collation pour passer ma nuit dans le train Lijiang/Kunming ça.



Je m'installe sur ma couchette et me met à mon aise.

Je délasse et enlève mes souliers.

Erreur.

J'empeste l'infection, c'est horrible.

Les chinois autour figent en m'ignorant mais je sais que ça me juge.

Et avec raison.

Une jeune étudiante remonte son masque chirurgical et s'enferme le museau pour ne pas s'asphyxier avec les effluves pestilentielles de mes bas sales.

Ça pu tellement que ça goûte.

Je suis gêné. Et mal à l'aise.

Et avec raison.

Je remet donc rapidement mes souliers, en tournant le dos à mes voisins d'alcôve.

Voilà.

C'est ainsi donc que je dormi : avec mes odeurs à concourir, enfermées dans mes godasses, sous une couverture qui a un jour été bien plus blanche.

Je crois bien que c'est la première fois que je dort une nuit complète avec mes souliers

par obligation.



5 mars



Je m'arrête à Kunming d'abord dans l'espoir de faire du lavage (enfin)... mais surtout parce que je dois transférer de train ici.



Bingo pour le lavage, et aussi pour le billet de train.

Je commence à être fièrement talentueux avec mes dessins de couchettes que je montre muet aux bureaux de tickets dans les gares.

Ce sera une autre longue nuit dans le train: 24 heures cette fois, de Kunming à Chengdu.

En trois jours, j'aurai parcouru plus de 1950 kilomètres.

Le territoire chinois est immense. Parcourir de longues distances est inévitable.

Il faut donc faire de grandes enjambées.



Note à Moi-Même:

La tomate est un fruit. Il est donc normal ici de la mettre dans les jus de fruits et non ceux de légumes.



Etienne X


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