Trekking in the Simien Mountains (ስሜን ተራሮች), Ethiopia (Le Sommeil des Épouvantails)


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March 14th 2019
Published: March 14th 2019
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9 mars

« L'éléphant connaissant la mesure de son derrière, n'avale pas les troncs »

Proverbe Éthiopien



(Toujours à Gondar)



Un 4X4 blanc s'arrête devant le L-Shape Hotel.

Le jour se lève à peine et j'y prend place accompagné d'un couple de retraités néérlandais complètement fous (à 70 ans, les deux arrivent tout juste d'une virée au Soudan en backpackers), de trois jolies médecins en stage, de deux maîtres de stage éthiopiens qui roucoulent maladroitement et d'une grecque polyglotte qui glottera plus qu'il n'en faut durant les prochains jours.

Bob Marley chantonne Buffalo Soldier alors que le camion s'éloigne du Royaume de Gondar pour rejoindre les territoires plus au nord de l'Éthiopie.



Notre plan consiste à s'aventurer dans les montagnes du Simien pour un trek de 3 jours et 2 nuits au creux du réputé Parc National.

Au départ, j'avais planifié y passer 4 jours... mais le groupe auquel je devais me joindre n'arrive plus à bouger de leur lit paraît-il. Intoxication alimentaire, les pauvres, ils ont tous mangé de la viande au meilleur restaurant de la ville hier soir malgré le fasting dans tout le Pays.



Assis dans le 4X4, j'observe le paysage qui s'assèche dans les plaines. Quelques arbres en chapiteau invite les troupeaux de chèvres à s'étendre dans leur ombrage, elles qui n'ont pas à craindre de finir en méchoui pour au moins les 40 prochains jours.

Le long de la route, une foule déambule avec leurs bêtes, protégée du soleil par des voiles blancs ou bien des couvertures carrelées qu'elle referme comme un chausson, ne laissant apparaître que des visages brunâtres.

Le matin, il y a migration vers les pâturages, pour faire demi tour, le soir venu, vers les villages invisibles derrière les montagnes qui s'élèvent fièrement dans le fond du décor. Quelques groupes de femmes aussi, accompagnés parfois d'ânes, s'éloigne sur le trait piétiné dans les champs, attachés à des bidons d'essence vide qu'elles rempliront au puit le plus près. Plusieurs kilomètres plus loin, des attroupements autour d'un muret de pierres laissent deviner le puisard, là, au milieu de la sécheresse, au confluent de tous les chemins.



Le 4x4 atteint finalement Debark, village désordonné de paysans où se situe l'entrée vers le Parc du Simien.

On y rencontre Belaybaye, jeunôt presque bilingue amharique-anglais: c'est lui qui nous guidera durant nos prochains jours de trek.

Comprendre et parler anglais promet un monde d'opportunités ici: Belaybaye (qui demande de se faire appeler "Bell") était jadis un petit berger morveux qui vendait des tricots en harcelant les touristes dans le Parc.



On accède ainsi aux montagnes alors qu'on nous parachute sur un chemin poussiéreux rasant déjà des précipices de plus de 500 mètres d'altitude.

La chaîne de montagnes aux allures de Grand Canyon se voile au loin par un ciel sec, brouillé par le sable.

Nerveux, je longe déjà des corniches rocailleuses aux gorges inatteignables, inaccessibles mêmes aux regards.



Derrière notre groupe, deux Scouts (Rangers) nous suivent de près, avec leurs visages sévères

et puis armés de carabines aussi, qu'ils portent en biseau dans leur dos comme des carquois.

Plus rassurant qu'inquiétant, le rôle des Scouts semblent davantage un rôle dissuasif que celui de protecteur d'un danger potentiel.



Alors que notre groupe s'arrête pour prendre d'époustouflantes photos, les deux épouvantails, se retirant sous un bosquet, se mettent à marmotter en caressant leur armement. Durant tout le trajet, les Scouts resteront derrière nous comme des ombres, cois, avec leurs pensées perdues au fond des abysses.



Sur un plateau au loin, des pillons sont en mouvement sur un tapis de foin. Bell nous dévoile ses secrets: une horde de singes gelada fouille la terre à la recherche de racines à se mettre sous la dent. Touffue, la crinière des mâles disparaissent presque dans l'herbage ensoleillé du champs.

Bell s'avance vers le lunch des primates... jusqu'à ce qu'on puisse tous s'immiscer doucement dans le clan simien.

Je fige comme un gamin: je pourrais étirer le bras et agripper la fourrure des singes tellement je suis assis dans leur assiette.

Nous sommes tous abasourdit par l'expérience. Je me sens tellement privilégié d'accéder de si près au banquet des primates.

Dans les buissons, les deux épouvantails roupillent.



On rejoint finalement le campement de notre première nuit (Sankaber), perché à une altitude de 3250 mètres.

Nos tentes occupent un terrain plat dans les montagnes. Le ciel de nuit voûte son impressionnante voie lactée.

Enfermés sous la toile de leurs abris, frontales allumées, les trekkers des différentes agences reprennent leur souffle

en chuchotant dans le ventre des lanternes.

Dans la pénombre d'une pente, deux antilopes (walia ibex) curieuses frôlent le campement.

Bell, les cuisiniers et les porteurs semblent eux, danser autour d'un feu réveillé par de l'huile à friture, cachés derrière le mur circulaire de l'abris communal.

Ils sautent en tapant des mains, faisant lever le sable du sol de la hutte.



Sous la calvitie du feuillage d'un arbrisseau, les deux Scouts se tirent une bâche sous laquelle ils s'endormiront

peut-être. Muets, les épouvantails devront dormir à la belle étoile.



10 mars



Aujourd'hui, notre route doit nous mener au Geech Camp (à 3600 mètres), plus loin et plus haut dans les montagnes du Simien.

L'altitude se fait maintenant gravement sentir: j'ai le cerveau qui cherche à gagner de l'espace derrière mes globes oculaires. 

Le décor s'assèche de plus en plus et le criant soleil s'efforce à percer mon écran de crème solaire.

De courts troncs qui s'effarouchent à leur sommet comme de petits palmiers apparaissent maintenant à cette altitude.

Ce serait le tableau du Mont Kenya ou du Kilimanjaro paraît-il.

Un peu partout dans le sol, des terriers fait au vilebrequin abritent des rongeurs que se délecteront les rapaces qui auréolent le ciel

ou bien les loups éthiopiens aussi, qui en feront d'excellents tartares.



Atteignant enfin le campement de Geech, mon crâne serre la vis. Essoufflements. J'ai l'impression de m'être réveillé après une grosse cuite historique au whiskey. Heureusement, on redescendra tous d'un cran en altitude demain en fin d'après-midi.

Le décor vide se perd bientôt dans la nuit froide et venteuse des sommets. Des corbeaux aux becs étrangement courbés en serpes semblent enrhumés

alors qu'ils croassent comme des cochons en sautillant autour de nos tentes. Ronflements: c'est tout ce qui se laissera entendre dans le néant des montagnes du Simien à cette hauteur.



Encore une fois, les Scouts, adossés à une demie-lune en pierre, installeront leur couchette sans toit dans la grande froidure de la nuit.

Je suis frigorifié alors que le vent vient hanter le sommeil des trekkers... mais surtout, alors qu'il vient épouvanter les épouvantails sans mot sous leur bâche.



11 mars



Le réveil se fait péniblement. Je titube vers un recoin du campement pour me brosser les dents alors que les Scouts me regardent passer, yeux rougis par l'inconfort de leur semi-sommeil.

Il fait frais avant le levé du soleil. Je rejoint, sous la hutte communale, Bell et son équipe qui dorment à même le sol de l'abris.

On me refile un café dans une tasse craquelé alors que je m'installe à l'orée du matin. Dès que le soleil fait son apparition, d'un coup, je passe du polar à la crème solaire.

Mon mal de tête s'est quelque peu amélioré.

J'avais prévu le coup: dans le creux de mon sac, des "Acetazolamida" acheté au Chili tentent d'exorciser présentement mon mal de l'altitude.



La marche aujourd'hui reste calme et moins exigeante qu'hier. Après une soudaine montée (jusqu'à 3926 mètres), nous voilà qui redescendons jusqu'à un plateau où de petits bergers morveux essaieront de nous vendre des tricots comme l'avait fait Belaybaye à son jeune âge.

"Don't give to the kids" nous dira Bell: à cet âge, il n'y a que l'école qui peut leur garantir un meilleur avenir.



Au bout d'un champs où des troupeaux se sont rassemblés, un chemin de gravier se courbe. C'est là que notre 4x4 blanc nous attend.

Nous reprenons la route ainsi, sale et puant, reculant le temps jusqu'au point de départ de notre trek.



De toute évidence, après avoir passé trois jours et deux nuits avec le même linge en montagnes, on aura tous besoin d'une bonne douche et d'un matelas.

Particulièrement les Scouts.



De retour sur Debark, on me dépose à une pension un peu lugubre sur une ruelle sablonneuse, parallèle à l'artère principale du village désordonné. Enfin, l'altitude a lâchée son emprise sur mon crâne, et ma prochaine nuit de sommeil, certainement, permettra à mon cerveau de reprendre sa forme initiale.



Demain: de longues heures de bus à prévoir.

Direction: Aksum, presqu'à la frontière de l'Érythrée.



 Etienne X


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