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Published: November 1st 2016
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Monument de la renaissance africaine Il est difficile de trouver une fréquence de rédaction. Il ne faut pas assommer ses lecteurs, il faut écrire aussi quand on a quelque chose à dire. Cependant je veux faire mien ce conseil de Raspail donné à Sylvain Tesson : « prenez des notes tous les jours, forcez-vous ». Que je sois dépassé par le travail ou préoccupé par le soleil qui me brûle, je me dois de prendre des notes effectivement chaque jour. Je ne suis pas à Dakar pour me laisser vivre mais pour mener à bien des projets et parfaire ma maturité d’homme.
Qu’est-ce qu’une journée là-bas ? Elle débute à 5h du matin, avec l’appel à la prière. La plupart du temps je reste dans mon lit et me rendors quand je suis chanceux. Je profite cependant de cet intermède pour faire une courte prière. Ouvrir ses yeux sur la culture du pays signifie aussi comprendre la religion pratiquée. Tous les livres sur le Sénégal vous diront que l’entente est cordiale entre chrétiens et musulmans, ils disent vrai. Au CHOM où les deux populations sont également représentées il n’y a pas du tout de communautarisme. Quand la religion ne clive pas nous pouvons
mieux la regarder en face, s’y arrêter et en retenir. C’est ce que je fais quand la voix grésillante du muezzin me sort du sommeil. La voix venant de loin et l’appel ayant ses harmonies propres de fin fond des ténèbres, cela a de quoi remuer un peu nos rêves. Je prie souvent à ce moment là pour la conversion des musulmans. Les mauvaises langues me diront que ce n’est que dans l’espoir de pouvoir dormir le matin. Musulmans convertis, pas de mosquée, pas de muezzin, pas d’appel à la prière…C’est mesquin.
Il y a aussi ces taximen que je vois arrêtés en plein midi. Leur voiture garée le long de la route, une natte en parallèle, ils font leur prière du milieu du jour, en plein soleil. J’aimerais tellement que nous fassions de même, avoir la même action pieuse de l’angelus.
Pour l’heure, je sors de ma moustiquaire deux heures après le premier appel de l’aurore. Je fais un rapide brin de toilette, passe prendre mon sachet repas. Une demi-« baguette », du lait en poudre, de l’eau chaude, quelques sucres et une portion individuelle de beurre « président ». Je rêve du prochain beurre salé que
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Un crapaud... c'est mon escorte favorite le soir quand je sors du bureau, nous faisons un brin de chemin ensemble je m’offrirai à Noël prochain. Je me satisfais du doux à moitié fondu à défaut d’être à moitié salé, déjà heureux d’être nourri. Je suis derrière mon poste de travail à 7h30. Il fait déjà 25 degrés dehors mais j’aime ces heures de travail matinal, l’esprit est frais et le corps disposé à accomplir sa tâche. Tous les matins j’ai le droit à quelques échanges en wolof, consistant toujours à demander comment se passe la matinée, comment ça va, comment va la famille, à bientôt. Les formules sont toujours les mêmes, en une semaine elles sont dans la poche. Cela leur fait tellement plaisir qu’on connaisse quelques mots de leur langue. C’est la moindre des choses quand on est invité de respecter les us et coutumes de notre hôte. De fait le wolof fait partie du patrimoine à Dakar. Le sénégalais est très vigilant au respect que tu peux lui accorder, et il te le rendra. Pimprenelle se promenait hier avec moi. Quelques talibés nous ont pris d’assauts. Ce sont des enfants en guenille qui font la manche. Savoir dire non pour le cœur d’une femme blanche occidentale à ces petits enfants relève de l’héroïsme. Elle leur répond en français,
et elle ne se fait pas lâcher. Je lance alors un « baxna, deedet » : « c’est bon, non ». Les enfants comprennent et nous laissent illico. Au retour de notre promenade même histoire mais le simple « baxna » les faits déguerpir. Ils comprennent que nous en savons plus qu’ils ne le croyaient. Il en est de même pour tout autre sénégalais traînant dans la rue. Ils te laisseront en paix parce qu’en connaissant quelques mots de chez eux ils comprennent que tu n’es pas ici que pour profiter de leur terre, ils ne chercheront plus à profiter de toi. Je décris là un monde un peu idéal, dans les villages artisanaux pour touristes il n’en est pas de même. Mais j’ai appris à n’aller qu’aux endroits où je voyais moi-même les locaux acheter, à quelques exceptions près. Ce n’est qu’ainsi que tu peux payer une paire en cuir 5 euros, là où le centre commercial climatisé te la vend 18 euros, et le village artisanal 15.
Du réveil je suis passé à l’islam, du travail matinal au marché, je ne sais où me mèneront mes prochaines digressions.
Les matinées se vivent en fonction des dossiers
que j’ai à traiter. Travaux de sécurité générale, réévaluation budgétaire, informatisation du système, plan de communication pour soulèvement de fonds, suivi des stocks et des commandes, le travail ne manque pas. Je profite aussi de la matinée et de la bonne humeur de tous pour faire plusieurs fois par semaine une ronde dans tous les services de l’hôpital. Si je ne le fais pas je suis rappelé à l’ordre par le personnel qui s’étonne que je ne sois pas passé. C’est là aussi un devoir de respect à avoir. Peu importe le travail que je peux avoir et le temps dont je dispose, ne pas m’intéresser physiquement et en personne à leur travail est mal perçu, ils se sentiraient dévalorisés.
Le repas se fait à coup de gong : un couvert vient frapper une casserole à l’extérieur et les oreilles attentives savent que le repas est prêt. Sur mes 20 premiers jours de présence ici, je n’ai entendu cette sonnerie artisanale qu’une fois, au début.
Il y a des horaires précis pour le déjeuner. Mais inch allah, les cuisinières font de leur mieux, le repas est servi quand il est prêt. Nous mangeons alors dans une petite pièce
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Les installations chinoises pour rendre les dakarrois plus forts qu'ils ne l'étaient déjà réservée pour le personnel. A 80% du temps le repas se compose de brisures de riz, de poissons et d’oignons. Mais que c’est bon ! La cuisine au Sénégal est toujours relevée, et ils savent s’y prendre pour rendre quelque chose de simple en un plat bien préparé. Il n’y a ni entrée ni dessert, au déjeuner comme au dîner. Mon appétit d’ogre pour le sucre n’a qu’à bien se tenir. Je me contente de l’unique plat servi avec les mains, masshallah.
L’après-midi le CHOM est beaucoup plus tranquille, les consultations ne dépassent pas 13h30. Ceci me permet de faire le point avec le Directeur et de clore les dossiers sans ne plus savoir où donner de la tête. Je commence à parvenir à finir mes journées vers 18h30. Je vais alors courir le long de la corniche et faire quelques exercices avec la foule des locaux. La sueur sénégalaise se répand sur ces barres de fer installées par les chinois. Je dîne plus tardivement et mon plat est alors froid mais au moins suis-je totalement satisfait de la journée effectuée. Le soir on échange Pimprenelle et moi avec les résidents du CHOM, nos lépreux. Quand quelqu’un parle français
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La Corniche Ouest de Dakar se situe juste derrière le CHOM, à cinq minutes à pied et accepte de faire la traduction, les échanges sont plus profonds et l’humour se met en fusion.
La nuit me retrouve, dans ma chambre heureusement climatisée et que je protège du mieux que je peux des vilains moustiques qui ne se gêneraient pas pour me donner le palud. J’entends parler de 3-4 cas par semaine. Sur une petite trentaine de résidents cela ne me rassure pas, mais le breton veille dans sa case. Un matin je me suis réveillé avec 6 moustiques remplis de mon sang dans l’enceinte même de ma moustiquaire. Ce fut une bataille sans merci et je veille mieux désormais à combler les entrées. « Vous ne passerez pas ». Prière faite et voyage littéraire effectué grâce aux auteurs que j’ai emportés, j’éteins ma lampe. Je pense à ceux que j’aime et m’endors dans le ronronnement épais du ventilateur.
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