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Published: July 29th 2017
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Arrivée à Dublin vers 11h, l’avion avait un peu de retard. Je suis perdu, je n’ai pas de gentille navette pour m’emmener vers un point A. C’est ma première expédition seul en dehors du territoire français. Les panneaux s’accumulent, je ne comprends rien de ce qu’affiche ma tablette. Car oui je suis un homme moderne. J’ai 27 ans et aucune carte dans mon sac. Je vais faire pourtant le tour de l’Irlande à pied, c’est mon objectif. M’étant fait offrir une tablette électronique pour mon noël, ayant travaillé mon tracé avant de partir et téléchargé toutes mes cartes, ce sera elle qui me guidera. Sans smartphone elle sera ma boussole des temps nouveaux : avec une pochette plastique spéciale pour la protéger des intempéries et une batterie solaire pour lui apporter l’énergie. La tablette me survivra deux ans, la batterie un an, la pochette un voyage.
Je m’aventure donc à faire le tour de l’aéroport afin de retomber sur mes pieds. Mon sac est lourd, comme tout sac de démarrant. Il fait beau heureusement mais je me perds dans le dédale de boucles de routes, faites pour désengorger le trafic. Elles ne sont absolument pas pensées pour des pèlerins comme
moi qui en perdent le nord.
Contourner cet aéroport est donc long, j’ai hâte de parcourir ces étendues vertes, de gravir ces sommets granitiques, de sentir les odeurs de moutons et la chaleur émanant de vieux pubs où quelques irlandais se saoulent sur plusieurs générations. Je marche jusqu’à Saint Margaret’s
J’essaie d’arrêter quelques conducteurs sur une route peu passante. Je suis déjà loin de l’aéroport et je n’ai pas l’impression de faire bonne route. Un vieux maçon s’arrête, comprend les quelques mots que j’essaie de sortir dans mon anglais bredouillant. Lui bredouille aussi mais pour d’autre raison. Son fort accent irlandais est aussi inaudible pour moi que les avertissements de l’hotesse irlandaise dans l’avion. Blue bla bli, je préfère me faire comprendre que comprendre, mon ouïe n’est pas encore assez habituée pour distinguer les mots sortis de ces bouches élevées par plus de 800 ans d’anti impérialisme britannique.
Le vieil homme me prend donc, me conduit d’abord sur son chantier où il récupère parpaings et grande planche. Je lui loue mes bras. On file ensuite vers une maison de Dublin où nous faisons manœuvre inverse en déchargeant. Il me dépose enfin au Royal Canal Way. Chemin faisant
il me sert de guide dans Dublin en me présentant les différents batiments, ce palais immense du président, ce parc gigantesque, le plus grand du monde en milieu urbain, offert par Guiness. Au fil du temps j’arrive à mieux le comprendre et nous pouvons ainsi échanger sur sa famille.
Je suis descendu, Dublin dans mon dos, le canal devant moi et ses 120 km d’itinéraire. Je ne traine pas, je dois marcher vite, user mes ressources pour alléger mon sac et muscler mes jambes pour alléger la marche. Je pars souvent tête la première, bille en tête. Cela me permet d’arriver plus vite que les autres malgré ma petite taille, quand ça marche bien. Cela me fait faire des erreurs stupides quand ça marche moins bien. Et quand ça ne marche pas, je dois marcher plus ! En effet, je ne suis pas le long du Royal Canal, mais le long du Grand canal (ou Liffey). Le premier part plein Ouest, le second Ouest Sud Ouest… Ah les boussoles classiques sont plus sûres.
Je me disais : cela ne ressemble pas beaucoup à mes plans. Que fait tel pont ici, telle écluse là… J’avance avec ma tête dure
de Breton, convaincu que le canal est le canal. Le canard, c’était moi. Qui pouvait donc me convaincre ? Le vent léger, la lumière profonde, l’air agréable de sentier côtier, j’étais bien, mais perdu. On ne perdure rarement à être heureux lorsque nous ne savons pas où nous allons. Les plus fortunés ou d’autres grandes vedettes en ont fait les frais : à quoi servent richesses et confort si nous n’avons pas de direction dans notre vie ? Je tombe alors nez à nez avec un Monsieur aux cheveux longs. Jésus m’envoie son homologue aux cheveux gris, un homme que j’avais fui d’abord. Je suis encore méfiant des irlandais alcoolisés le long de chemins perdus. Celui-ci est bon, ne jugez pas et vous ne serez pas jugés. Celui m’explique que je suis sur le Grand Canal, et non pas sur le Canal Royal. L’homme grisonnant me conseille alors de prendre un autre itinéraire m’éclairant du goulot de sa bouteille.
Je dois donc complètement retrouver ma route, j’ai déjà beaucoup marché durant trois bonnes heures. Pour retomber sur mes pas, je prends une voiture. C’est un jeune travailleur qui me prend, rentrant du travail. Il est pépiniériste et accepte de
m’emmener sur la bonne route. Il eut été trop beau que les choses se déroulent aussi simplement. Je le vois faire des grands tours. Au début je le prends pour un fou, inquiet encore je commence par oser lui demander ce qui lui prend des faire des zig zag en pleine lignes droites. Il me répond qu’il n’y a plus d’essence dans la voiture, et qu’il doit ainsi tenir jusqu’à la prochaine station. En faisant tournoyer ainsi la voiture, l’essence restante dans le réservoir peut ainsi mieux atteindre la bouche consommatrice de carburant. Après plusieurs grands coups de volant à gauche et à droite, la voiture comme un cheval usé s’arrête inexorablement. Nous sommes sur une espèce de voie express où les voitures filent bon train. Heureusement la route est en pente ce qui lui permet de mieux ranger la voiture sur le bas-côté, en marche arrière cependant sous le salut des klaxons des voitures.
La chance nous sourit cependant, la station est à 5 minutes à pied. Très aimablement mon chauffeur chauffard m’oblige à accepter quelque chose de plus doux que du gasoil. Il m’offre alors un jus de fruit. Une barre de céréale fera aussi
l’affaire. C’est ainsi qu’il me dépose le plus aimablement au plus proche du Canal Royal, m’y voici enfin. Je suis à hauteur environ de Killucan quand il fait nuit, soit à 80 km de Dublin. Il est évident que je n’ai pas marché tous ces km en 9 heures de temps, j’ai été aidé d’une trentaine de km, ce qui est beaucoup. Il m’en reste 15 à faire encore avant d’atteindre Mullingar. Je rencontre là un curieux, un homme encore très gentil. Je lui dis que je compte aller à Mullingar, surpris par l’heure il sous pèse mon sac, qu’il trouve très lourd. Je lui dis que je suis celte comme lui, alors il n’a pas à s’en faire. Mon accent reste cependant très français. Il m’explique qu’à Mullingar se tenait une abbaye fondée par des moines français. Il fait nuit complète quand j’arrive là-bas, mon seul objectif n’est alors pas de visiter la ville mais de trouver un coin d’herbe où planter ma tente. En sortant un peu plus de la ville je peux enfin planter ma tente. Il est tard, très tard. Il doit être dans les deux heures du matin quand je rentre dans ma tente. Je suis exténué. J’ai poussé l’objectif un peu trop à fond peut-être, mais je dormirai longtemps demain. Pour en être sûr je mets des boules quies, aucun risque de me faire réveiller en plein champs par quelques tracteurs indiscrets. Je n’ai pas déjeuné, pas dîné, grignoter qu’en route. Je suis trop fatigué pour manger, demain je prendrai mon temps sous ma tente.
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