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Published: December 7th 2016
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Sous la
pluie, sous le
vent, sous les
doutes,
Souleymane Diawara, on décide de prendre une
variante plutôt que par les
crêtes. Pourquoi? Lis le récit précédent, ou alors je t’explique en 2 mots:
Orage, Crêtes, tonnerre.
« Ça fait trois. »
Bon, t’as compris. Dans un souci de
prudence, on prend une variante pour rejoindre un village plus bas et de là remonter jusqu’à notre prochaine étape: Le col di Verde.
On croise une femme qui nous dit de nous méfier. On raconte que ce chemin est le piège des
sangliers, que selon la légende, les sangliers attendent patiemment les randonneurs égarés.
Sans la croire, nous continuons notre chemin et tombons sur plusieurs grottes lugubres où des choses ont jonché le sol d’os, de terre, et d’autres matières informes formant un tapis blanc, rugueux et inquiétant. Des yeux nous fixent. Des formes semblent se rapprocher de nous.
Non, tout ça est bien sûr faux.
La dame qu’on a croisé nous a dit de faire attention car elle a vu des sangliers sur le sentier descendant vers le village de
Cozzano.
Effectivement, en descendant vers le sentier, on voit un sanglier, posey dans sa
tanière, tranquille, comme un coq en pâte dans la terre, qui nous regarde passer avec une expression que pourrait avoir ton vieil oncle du fin fond de l’Auvergne.
Mais, le sanglier ne dit rien et reste à l’abri de cette
pluie importée directement de la mousson en Asie.
Et moi? Et moi je suis tombé en esclavage (
Pierre Bachelet)…
Et nous, nous passons notre chemin.
Le sentier descend le
long d’un petit chemin. Ce petit chemin qui sent la noisette, bien qu’il sente plutôt la terre et
la nature trempée à ce moment précis, s’engouffre sous des arbres.
Il n’y a pas assez d’arbres pour nous protéger de la pluie.
Et
quelle pluie mes aïeux!
Le sentier se jette dans un torrent. J’exagère. Le sentier se jette dans un petit torrent. Je n’exagère pas.
Pire, il devient
un petit torrent. Plus le choix,
on marche dedans.
On dirait que ça te gêne de marcher dans la boue, on dirait que ça te gêne de dîner avec nous!
Excités par la nature énervée, nous nous mettons à courir dans ce petit courant d’eau, filant comme des courants d’air.
On
20160914_071243
Première nuit, à la belle, un délice est comme des enfants sous la pluie. On saute presque à pieds joints dans des flaques d’eau, comme dans le générique de
Mimi Cracra, comme toi, petit, avec ton vieux survêt jaune en coton, des pièces cousues sur les genoux et des grosses bottes en plastique.
T’étais pas habillé comme ça? Moi si, jusqu’à ce que je porte un pull
Mickael Jordan et des chaussures avec des fausses bulles d’air. La classe.
On
dévale le ruisseau comme si on faisait de l’hydrospeed debout sans l’hydrospeed avec peu d’eau.
« Pas de l’hydrospeed du tout quoi. »
Nous avons la
texture d’une éponge restée dans l’évier trop longtemps, mais étrangement, ça ne nous dérange plus.
On
rigole même en courant, on est
contents, heureux comme des papes, comme quand tu bouffes du
Coeur de lion, nous nous sentons
vivants.
On
remonte parfois, le chemin n’est pas parfaitement balisé, on fait au (I gotta) feeling ( that tonight’s gonna be a good night).
Après de l
‘eau, de la boue, des pierres, des feuilles, de l’eau, des arbres, des montées, des descentes, de l’eau, de la terre, du sable, des kilomètres, une dizaineje pense, on arrive
au village de Cozzano.
On y croise Xiaoxue, je ne sais pas comment ça se prononce précisément, Chiu, Chieu, Chiouyeu, Shiryu?
C’est une chinoise vivant en France, qui fait le GR20 seule et que j’avais croisé sur le bateau en venant. Balèze nom d’un petit bonhomme!
Nous allons tous au
gite d’étape pour nous essorer, parce qu’on fait bien 20 à 30 kilos de plus,
manger 2-3 amandes et demander au chef du gite quelles sont les possibilités pour rejoindre le Col di Verde.
La sentence est irrévocable comme dirait
Denis Brogniart. Il y a
3 solutions, toutes plus sympas les unes que les autres.
A ce moment, je le vois comme ça:
Soit on prend une
navette comme des grosses feignasses, soit on fait de l’
auto-stopcomme des grosses feignasses crevardes, soit on
marche comme des gros idiots présomptueux, limite mégalos.
Oui, parce que j’ai oublié de mentionner que d’ici, à pieds, c’est
18 kilomètres de route en montée légère. Mais 18 kilomètres quand même. Quand t’es à tordre, que tu ne manges pas, que t’es fatigué comme après 3 tournois de foot, c’est plus compliqué 18 kilomètres de montée. Non? Oui?
Oui.
La navette ou le stop ça ne me tente pas, je me dis que je suis là pour en chier, que je dois relever mon défi de traverser la Corse du sud au nord, sans utiliser autre chose que mes
jambes et mes bras aussi. Je suis
borné, très. Oui, mais surtout, je suis
formaté.
Nous décidons d’en baver, et
nous allons en baver, tu peux me croire.
Nous prenons la route.
Xiaàxue prend une navette ou disparaît à la manière d’un David Copperfield.
Je vois bien que mon Rémi (a Frye) a les genoux qui commencent à siffloter.
18 kilomètres de goudron, c’est pas forcément terrible et je comprends que ça n’ait pas forcément d’intérêt quand le défi de base est de faire le GR20 et qu’une partie n’est pas praticable.
Il lève le pouce. Une voiture passe, puis une seconde. Un van s’arrête. Il monte au Col di Verde.
Rémi grimpe dans ce carrosse. Le Kid et moi avons quelques secondes pour réfléchir.
Je suis catégorique, je ne monterai là-haut qu’en jambes. Pas en voiture, en jambes, oh!
Je motive le Kid, facile à motiver, puisque
c’est une machine créée pour le sport, ce bougre de sosie du gars d’
Homeland.
Rémi prend
nos sacs avec lui. Le van s’en va.
On envie presque Rémi en secret, comme quand ton pote rentre en taxi en fin de soirée et que tu sais que tu vas galérer pour rentrer en train 3 heures après, saoul comme un cochon.
Mais c’est souvent marrant ces moments de la soirée non?
Sans sac, on va pouvoir faire parler la poudre, nom d’un cowboy! Enfin, on va juste pouvoir
marcher ou courir sans le poids d’un enfant sur le dos.
Merde, j’ai oublié mes batteries de caméra et mes clopes.
« Tu pourras t’en passer. »
Ouais c’est vrai, ma caméra est chargée à fond.
On traverse quelques
petits villages, mignons , on croise
peu de gens, si ce n’est des villageois, 2 randonneurs semblant sortir du sol, des chiens, des chevaux, de beaux chevaux, et des voitures qui descendent pour la plupart.
La route est jolie.
« Du goudron quoi. »
Ouais, et sur
18 kilomètres. Le van salvateur de Rémi passe dans l’autre sens longtemps après avoir remonté notre
ami. On se rend compte de
la distance à parcourir.
Il s’arrête, nous propose de nouveau de nous remonter. Pas le van hein, c’est pas un
Transformer, il ne parle pas le véhicule, c’est le conducteur qui nous propose.
Proposition que nous déclinons.
Il nous dit que nous sommes
fous. Je lui mets une grosse gifle dans le visage, en lui disant de mieux me parler, oh.
En vrai, nous lui
sourions et repartons.
C’est très long, donc nous décidons de
courir. Au bout d’un certain temps, c’est très dur, donc nous décidons de ne plus courir. Nom de nom!
Après quelques
illusions et désillusions à propos de la distance restante à parcourir, la faute aux estimations optimistes ou pessimistes des gens croisés,
nous arrivons au col. Tinninninnin! (Musique de Zelda, quand Link trouve un objet)
Enfin! Après
plus de 3 heures de montée sur goudron.
Il va bientôt faire nuit.
Merci le Kid pour ce moment de bravoure (connerie?) qu’on a partagé.
Nous retrouvons notre Rémi(lla Jovovich),
sec, chaud.
Le refuge a une belle salle avec une
belle cheminée. Parfait pour manger des nouilles et, gourmand que je suis,
une boite de filets de maquereau.
Il y a aussi des cuisines, des douches chaudes, des dortoirs, un stand où ils vendent des trucs, un train fantôme, un spa, un élevage de faucons. C’est faux pour les 3 derniers trucs.
Avec Rémi, on se raconte nos heures l’un sans l’autre. Il me présente un type.
L’unique gars qui a fait les crêtes aujourd’hui et qui a cru y passer.
LE MOINE. Le type est un
ancien moine, vrai de vrai. Mais un moine qui aurait sa place dans un film de Guillermo Del Toro. Tu vois ou pas?
Le genre de Moine, qui, en cas de fin du monde, a un crucifix ET un fusil à pompe et qu’explose les méchants en leur sortant des grosses punchlines avec insultes et tout.
Au nom du père, je vais vous démonter la gueule petits bâtards abjectes.
Le Moine est porté par
une foi, un pouvoir qui lui donne un mental en Acier 440. Il a traversé l’Irlande, plus de 1000 kilomètres à pieds, est resté 36 heures dans une tente sans sortir, à cause d’une tempête, ne se nourrit que de pâtes de fruit et
surtout, il a fait
les crêtes seul, aujourd’hui.
Monsieur le Moine.
Il demande s’il peut continuer le Gr20 avec nous, le cas contraire, il souhaite arrêter l’aventure ici.
J’en n’ai rien à foutre de son histoire! Déjà avant qu’il poursuive avec nous, je veux le connaître, je veux tout savoir de lui.
Mais non! Bien sûr qu’il peut venir, c’est avec plaisir. Il a suffit d’un échange pour savoir qu’il avait plus de
bon que de mauvais en lui.
Et puis, il a une bonne tête. J’ai le pif pour ça.
Enfin, une bête de plus dans le groupe ne peut être qu’un moteur.
Le Kid n’est pas contre. Le Kid a
éliminé tout négatif étant petit, on dirait. Prenez exemple sur lui.
C’est décidé, nous continuerons
le GR20 ensemble jusqu’à la fin ou jusqu’à la fin du groupe.
« Tout le monde se bat, personne ne se barre, le premier qui se dégonfle, je le descend personnellement. » (Rasczak, Starship Troopers)
Nous serons le Club des 4.
« Déjà pris. »
Les 4 fantastiques?
« Inculte! Pris aussi. »
Ah ouais et celui là: Les
grosses bi…
« Le Moine, le Kid, l’Ami et moi. C’est parfait. »
Demain, une
grosse étape de 30 kilomètres nous attend.
J’ai hâte de voir ce que ça va donner
à 4.
Rémi et moi restons près du feu
à échanger et à parler de nos vies, comme des potes, comme si nous n’étions pas fatigués, comme si nous étions chez nous, tranquille, un dimanche avant le match de foot du soir.
Allons dormir.
Je mets mon
réveil très tôt. Je préfère ne pas te dire à quelle heure, tu verras la prochaine fois.
Comme ça, je te tiens en haleine.
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