Le calme et la tempête


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Published: December 22nd 2012
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Déjà 3 mois que je suis en Haiti et pourtant je n'ai toujours rien écrit. Ce n'est pas facile de trouver le ton pour décrire ce qu'on voit ici ; et surtout ce qu'on ne voit pas.

Dans les rues de Port au Prince, c'est le chao. Les égouts n'existent pas, des montagnes de déchets s'entassent à chaque coin de rue, des centaines de personnes vendent leur bric à brac dans des brouettes, des « containers boutique », des petites valises, des marchés de fortune... Les autres cherchent à entrer dans le transport en commun local : les « tap tap », ces pick up sur lesquels sont soudé une armature métallique dans laquelle s'entasse une vingtaine de personne. Le trafic est infernal, non pas parce qu'il y a beaucoup de voitures, mais parce qu'il n'y a aucunes règles et donc au moindre carrefour tout le monde se retrouve coincé et le bruit des klaxons vient couvrir celui des marchands ou juste des dizaines de personnes à chaque coin de rue qui tentent d'appeler un tap-tap.

Les rues sont entourées de constructions en béton rafistolées et de murs à moitiés effondrés. Quand elles sont peintes, les façades sont colorées et les logos des grandes marques soigneusement reproduits. Au détour d'une rue, les habitations deviennent des abris en bois et à l'intersection suivante cela laisse place aux camps de déplacés, qui abritent encore 300 000 personnes à Port au Prince. Devant les camps, on trouve des piquets en bois à vendre et du plastique pour construire sa tente ou la réparer au gré des intempéries.

Et les intempéries il y en a beaucoup malheureusement. Le passage de l'ouragan Sandy m'a donné une vision apocalyptique de Port au Prince. Les routes se sont transformées en rivières de boue entraînant tout sur leur passage et spécialement les déchets qui flottent d'un bout à l'autre de la ville. Des voitures étaient abandonnées aux carrefours, les gens portaient leurs enfants avec de l'eau jusqu'aux genoux et les marchands avaient désertés leur petit coin de route. Ça c'est ce que j'ai pu voir depuis la fenêtre de la voiture, tout en imaginant ce qui se passait au même instant dans les camps, où les gens vivent dans la boue et dans des tentes et où le choléra se propage aussi rapidement que cette rivière de déchets qui coule sur le bas-côté.

A Port au Prince la nuit tombe tôt depuis que le président a décidé du jour au lendemain de changer l'heure, pour faire comme dans les pays développés... A 17h30 on circule en voiture dans un brouillard de poussière, les seules lumières sont celles des voitures, des petits marchands et des feux qui sont allumés tous les 10 mètres pour brûler les déchets, dégageant une odeur de plastique brûlé qui peine à couvrir celle des déchets qui pourrissent à coté.

Les rues sont agitées mais ce sont des gens qui cherchent à aller au travail, à vendre leur camelote, des enfants qui vont à l'école avec leur uniforme bien propre et les rubans dans les cheveux des petites filles. C'est le calme apparent, car la violence est belle et bien là, dans des quartiers hors la loi où même la police n'ose pas s'aventurer, car les rois de cette jungle urbaine, ce sont les gangs.

J'ai mis beaucoup de temps à écrire ce bulletin, parce que c'est difficile de décrire en quelques mots ce qu'on ressent en vivant ici. Parce qu'au final ce que je vois tous les jours, ce sont des centaines de gens circulant comme ils peuvent, vivant avec ce qu'il leur reste, mais qui essaient quand même, se rendent au travail, tentent de subvenir au besoin de leur famille et continuent de vivre, en écoutant la musique qui est omniprésente dans les rues, en dansant, en peignant des fresques toutes plus jolies et colorées les unes que les autres. Dans les rues les klaxons fusent mais on les oublie un peu en admirant le défilé constant des tap-tap, ces chars bariolés de couleurs vives et de dessins en tous genres, portant des citations toutes plus loufoques les unes que les autres. Et au final, dans ce désert de misère on se surprend à sourire.


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23rd December 2012

tristesse
Oui, nous comprenons bien à la fois ta pudeur et l'inacceptable de la situation .... Et ta délicatesse pour essayer de nous faire toucher du doigt ce qui ne peut être décrit . Pas facile de dire et encore moins facile de vivre tout ça .... Et quel décalage avec cette période , de fêtes et de réjouissances chez nous , en ce moment. Bon courage à toi, ne perds pas ta belle énergie, ni ton sourire ... Et merci de nous faire partager ces moments , graves mais si réels . Bon courage encore une fois ! Nous t'embrassons, Odile

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