Mon safari dans l'Akagera

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Bon, avant de commencer a discuter de mon safari dans l'Akagera, il faut s'entendre sur un point : bien que situe a la frontiere de la Tanzanie, le parc national de l'Akagera n'est pas le Serengeti. Ceci etant dit, l'expression in the middle of nowhere y prend tout sons sens. N'abritant aucun rhinoceros, pratiquement aucun felin ni elephant, l'Akagera est boude par la plupart des touristes qui lui preferent les tres frequentees savannes du Kenya, de la Tanzanie ou meme de l'Ouganda.
Il faut tout de meme accorder un peu d'indulgence a ce parc rwandais. Il n'a pas beneficie de la meme stabilite politique que ses voisins orientaux. Durant les annees precedant le Genocide, le gouvernement ne possedait ni les moyens ni la volonte de faire la guerre aux braconniers qui s'en sont donnes a coeur joie dans les magnifiques savannes de l'Akagera. Ce fut une veritable hecatombe. Pratiquement tous les gros mammiferes ont ete extermines. Une aubaine pour les gazelles qui ont prolifere en l'absence de predateurs. Voila pourquoi, de nos jours, les habitants du parc sont principalement vegetariens. Neanmoins, petit a petit, les lions et autres carnivores migrent depuis la Tanzanie repeuplant lentement, mais surement le parc qui retrouvera peut-etre un jour sa splendeur d'antan.
Il faut donc apprecier l'Akagera pour ce qu'il est : un decor sublime de savannes montagneuses ou tout modernite semble a des annees lumieres et dans lequel, si vous etes tres chanceux, vous apercevrez un elephant ou un leopard. De mon campement au sommet d'une colline, je pouvais admirer les plaines arides parsemees d'acacias s'etendre a mes pieds, completement desertes Si un mamba noir, un des serpents les plus mortels au monde, s'etait decide a sortir des buissons pour mordre l'un d'entre nous : Tamara, Christine, Sebastien ou moi, qui nous partagions la banquette arriere de la jeep conduite par Kassim, cette personne serait, sans aucun doute, etendue dans un cercueil a l'heure actuelle. Voila le prix du depaysement.
D'un autre cote, les guides se sentent beaucoup moins oblige de respecter les reglements ainsi que les regles de securite lorsque la population de touristes ne depasse pas quinze individus. C'est ainsi que nous avons pu descendre de la voiture pour pister une famille de giraffes a travers la foret (toujours en faisant fi des serpents venimeux ou des quelques lions du parc) ou dejeuner a quelques metres d'un troupeau d'hippopotames, une bete qui, croyez-moi, parait beaucoup plus menacante lorsqu'on la rencontre en personne et que le guide specifie qu'il s'agit de l'animal le plus dangereux d'Afrique en ajoutant "don't wander too far from the car, please". Meme chose pour les babouins, l'un des singes les plus aggressifs. Alors que nous nous trouvions dans le stationnement de l'Akagera Game Lodge, un luxueux hotel a l'entree du parc pour acheter des bouteilles d'eau, l'un d'eux est passe a quelques metres de nous, libre d'aller et venir puisqu'aucune cloture ne ceinture le domaine. Dans une reserve naturelle ou il y a tout de meme plusieurs lions et leopards... et des babouins.
Et qui dit safari, dit aussi camping pour ceux qui refusent, par budget ou par principe, de payer les 250 $ requis pour dormir dans l'Akagera Game Lodge. Le soir, assis autour du feu qui s'eteignait, nous entendions des rires sinitres se reverberant dans les collines. Les hyenes rodaient dans la nuit. Une chance pour nous que ce soient des charognards. Au moment de me mettre au lit, je pensai que nos deux minuscules tentes constituaient notre seul rempart contre tout ce qui errait dans la savanne. Sentiment grisant et inquietant de danger. Est-ce pour cette raison que nous faisons des safaris ? Le lendemain matin, reveillee a l'aube par le discret soleil penetrant dans la tente, j'apercus des zebres broutant dans les collines pres du campement. Scene magique et exotique. Tout comme lorsque je me suis promenee a moins de cinq metres d'une giraffe.
Mais ce n'est pourtant pas le Rwanda que je connais, tout en verdure et en sourires, mais plutot l'image stereotypee du continent africain. Pour ceux qui ont vu Out of Africa, ce devait etre le style de decors dans lequel Merryl Streep et Robert Redford ont tourne ce film culte. Ce n'est pas la vraie vie. La vraie vie se trouve a Butare parmi mes patients et mes amis de l'hopital que j'avais vraiment hate de retrouver.
Laissant Tamara, Christine et Sebastien faire le party a Kigali, je me hatai de retourner a Butare pour arriver a l'hopital mercredi ou une navrante, mais ironique nouvelle m'attendait : la machine de sterilisation etant en panne, toutes les chirurgies etaient annulees. Nous nous sommes donc entraines a faire des operations sur des intestins de vache jusqu'a ce matin ou, miracle, j'ai pu assister le Dr Carlos sur une courte chirurgie. Nous avons quand meme bien rigole avec les internes durant cette tranquille semaine, surtout lorsque le tres religieux Ronald, apprenant qu'au Canada, la plupart des personnes de plus de vingt ans buvaient et s'adonnaient au "unprepared sex" (son expression pour designer le sexe en-dehors des liens sacres du mariage), a leve les bras au ciel en s'ecriant : "Oh God, have mercy on your misguided child, Isabelle!". Depuis ce jour, il ne cesse de me repeter que je dois me preparer a ma vie eternelle pour ne pas bruler en enfer.
Je leur ai aussi beaucoup parle de l'Akagera qu'aucun d'eux n'a visite, des images que j'en ai rapporte ainsi que de mon coup de coeur : l'aigle pecheur. Je crois que cet oiseau noir gigantesque, a la tete et au poitrail blanc, pourrait devenir mon animal favori. Majestueux et fiere, il s'elance du sommet d'un arbre enracine a flanc de colline, deployant ses puissantes ailes pour tournoyer au-dessus des lac a la recherche de poissons. Et lorsqu'il plonge, rapide et precis comme une fleche, il cree a peine une discrete ondulation a la surface de l'eau. Maitre des airs et des eaux, il represente bien l'Akagera, sauvage, solitaire et tout en contraste.

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Comments

[Mélanie Bouchard]

Je pense que je serais morte de peur
Dormir dans une tente au milieu de la savane... T'es mon héroïne