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Dimanche 10 mai, 8h00, dans un petit hôtel d'Irkutsk. J'émerge difficilement, les yeux bon plissés, un arrière goût de vin moldave au fond de la gorge. Ouh pas simple! Hier, c'était le jour de la victoire en Russie, une grande fête patriotique commémorant la fin de la 2e guerre mondiale et la victoire sur les Nazis. Voyageurs danois, anglais, écossais, hollandais, suisses et personnel russe de l'hôtel, nous sommes tous sortis pour voir le feu d'artifice et nocer jusqu'a 4h du matin à grand renfort de bière, de champagne russe et de vin rouge local (pas si mal). La perspective de devoir affronter six heures de bus pour gagner Olkhon Island ne m'enchante guère ce matin. Mais bon, on assume!
Deux heures plus tard, à la gare routière d'Irkutsk, mes deux compagnons écossais, deux Suissesses et moi-même cherchons désespérément le minibus sensé nous emmener sur l'île d'Olkhon. Grâce à Dieu, ou plutôt aux deux filles, nous trouvons notre moyen de transport. On est parti! Étonnamment, la route est en bon état et, au fil des heures, mon cerveau et mon estomac récupèrent. Il est presque 15h00 lorsque nous posons pour la première fois les yeux sur le Baïkal, sous un
ciel gris. Nous franchissons les quelque 2 km nous séparant de l'île grâce à un petit bateau de pêche faisant office de ferry, plus pour les locaux que pour les touristes, encore peu nombreux à cette époque de l'année. Première surprise en atteignant l'île : de gros blocs de glace défendent l'accès au débarcadère, si bien que le frêle esquif doit s'y reprendre à plusieurs fois pour se frayer un chemin. Les touristes, ravis, prennent des photos ; les marins, voyant le bateau tanguer dangereusement, hurlent en russe ce que je suppose être : "Pas tous du même côté, bande de bœufs" !
Arrivés sur l'île, il nous faut encore prendre un autre véhicule jusqu'à Kuzhir, le chef lieu du coin. J'embarque dans un minibus bourré de locaux. En fait, je suis le seul touriste. Un vieux Russe à qui il manque une moitié de pouce s'évertue à faire la conversation tout au long du trajet, entre deux gorgées de vodka et d'une autre préparation pourpre qui m'est inconnue et qu’il n’arrivera pas à me convaincre de goûter. Éclats de rire dans le bus lorsque je tente de bredouiller quelques mots en russe. J'ai visiblement encore des progrès à
faire…
Nous atteignons Kuzhir en fin de journée. La bourgade, qui abrite environ 300 âmes, à les allures d’un village de far-west : vaches et chiens déambulent joyeusement dans les rues poussiéreuses, entre carcasses de Ladas et petites maisons de bois cloisonnées. La poignée de touristes réside chez Nikita, une vaste pension de vacances où l'on offre le gîte et le couvert. On loge dans de charmants petits chalets chauffés au bois par un poêle. Ambiance "datcha" toute sibérienne, d'autant que l'établissement, sans eau courante, dispose de deux "banyas" (1), une institution sur ces terres reculées de Russie. A deux pas, le fabuleux Baïkal, dont les eaux encore partiellement prises par les glaces offrent l'un des paysages les plus somptueux qu'il m'a été donné de voir. Trois bus par semaine pour rallier le continent ; c'est tout vu, je prendrai le dernier.
Les deux premiers jours furent consacrés à la randonnées entre steppes dorées, plages et taïga. J’ai pris congé de Bryn et Francis, les Écossais, qui, après avoir tenté une fraîche nuit de camping, lignent déjà sur la Mongolie. Merci les gars pour ce petit bout de chemin parcouru en votre joyeuse et turbulente compagnie! Le deuxième
jour, j’ai fait équipe avec un baroudeur belge pour une pleine journée de marche. Nous avions le projet de traverser l’île dans sa largeur, d’une rive à l’autre. Tout ce qu’il y a de plus réalisable sur le papier. Seulement voilà, sans carte ni boussole, nous avons dû tourner en rond un moment au beau milieu de la forêt sans vraiment savoir où nous allions. Bien organisés les mecs! Un chien noir, que j'ai surnommé Woolfy en raison de son goût pour la chasse aux vaches et aux écureuils, nous a accompagnés du matin au soir. Le jour suivant, je me suis joint à un groupe en partance pour visiter la partie nord de l'île, plus sauvage encore, à bord d'un minibus russe tout terrain. Là-bas, pas de routes, que des pistes crevassées, des steppes brunies par le soleil et des falaises vertigineuses surplombant les eaux prises par les glaces. Les paysages sont superbes. L'après-midi, nous gagnons Uzury, un hameau niché dans une petite crique de galets gris, entre deux pics plongeant dans les eaux du Baïkal. Les deux Suissesses rencontrées à Irkutsk et moi-même décidons de rester deux jours dans ce coin reculé, logeant dans une famille de paysans-pécheurs.
Ceux-ci disposent en fait d'un petit bungalow particulier pour les invités. L'endroit est charmant et les plats préparés par Natacha, la maîtresse de maison, sont copieux et délicieux. Youri, le père de famille – et même grand-père – bredouille quelques mots clés en allemand ce qui nous permet d'avoir les infos de base pour notre séjour. Explorer les environs est fort agréable : les troupeaux de chevaux parcourent librement la steppe, où l'on ne rencontre pas âme qui vive, mis a part quelques timides marmottes. Seule mauvaise surprise, le coin semble colonisé par une armée de tiques. On oubliera donc le petit roupillon à l'ombre des pins pour cette fois…
Les derniers jours sur l'île, passés à Kuzhir, ont été moins cléments. Un vent froid et furieux s'est mis à souffler, tandis que le ciel changeait d'aspect très rapidement, comme pour rappeler que le climat est, ici plus qu'ailleurs, imprévisible. On s'est donc contenté de récupérer, de bouquiner, de discuter avec les locaux et de tenter de les défier au ping-pong. Nikita, le gérant de notre auberge, est un ancien champion russe de la discipline. Autant dire que même contre les mouflets du coin, ça n'a pas été simple!
Sinon, juste avant le départ, j'ai accordé une interview exclusive à la télévision finlandaise pour un documentaire sur la Sibérie. Si si! Ils étaient surpris de voir un touriste suisse dans ce coin perdu et voulait savoir comment et pourquoi j'étais venu ici. Micros, deux caméras et interview menée par Ville Haapasalo, un acteur finlandais d’origine russe, au look de patron pêcheur, visiblement très populaire en Russie, si j'en juge par les regards admiratifs que lui portaient les gens du coin.
Déjà une semaine passée dans le cœur bleu de la Sibérie et il faut songer à la prochaine étape. Je suis donc rentré à Irkutsk pour organiser tout ça. Le visa pour la Mongolie étant en bonne voie, je devrais quitter la ville le 19 mai au soir en train, pour arriver le lendemain matin à Ulan Ude, centre du bouddhisme en Russie et dernière escale russe de mon voyage.
(1) "banya" : de quoi s'agit-il ? La plupart du temps, les "banya" se trouvent dans une maisonnette de bois comprenant au-moins trois pièces. La première, celle par laquelle on entre, sert de vestiaire et, si elle est assez grande, de lieu de repos avec tables et
canapés. De là, on peut accéder à la deuxième pièce, que l'on peut considérer comme une salle d'eau. On y trouve de grands baquets d'eau froide ; c'est ici que l'on vient s'asperger d'eau et se rafraîchir en sortant de la troisième pièce. Celle-ci comporte un banc à étage en face duquel se trouve un four à bois garni de pierres. On s'installe sur le banc avec un baquet et on gicle de l'eau sur les pierres bouillantes. Montée immédiate de température et grosses suées garanties! Un délice après une rude journée passée au grand air de Sibérie.
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anonymous
non-member comment
Vanskr
Wow ! moi qui suit venu à 6h30 au job ce matin ça sappe tout ça ^^ Je pensais pas que c'était si joli par là-bas dit-on. Excellentes tes photos :) Bonne entrée sur les terres de Gengis Khan. Enraged war? ^^