Sierra Leone / Coup d'Etat 1997


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Africa » Sierra Leone
September 4th 2010
Published: September 4th 2010
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Après ces jours, ces semaines, ces mois de dur labeur dans des conditions extrèmes, un peu de détente en cette fin de vendredi après midi nous fera du bien...
Pourquoi pas un tennis sur le court du Lakka Cotton Club ?
Mercredi prochain, nos premières plantes partiront pour la France, la tension retombera enfin...
Taper dans la balle jaune à l'ombre des palmiers est un défouloir...
Fin de partie ; petit tour au bar...
L'ambiance est étrange, et le rhum offert par le patron coule à flot... Longtemps... Beaucoup...
4h du mat' ! Pour des sportifs, nous sommes de sacrés sportifs !
Retour à la maison, délicat, par la plage sur le sable encore tiède des rayons du soleil...
6h du matin, coups de feu...
Mais qui va chasser ce matin ?!
A cette heure là, ici ?
Mais qui a une arme à feu d'ailleurs ?
Réveil embrumé...
Le village est debout...
Nos voisins américains aussi...
La sentence tombe :
- "il y a eu un coup d'état cette nuit, les rebelles sont à Lakka ! C'est où, Lakka ?"
- LAKKA ???!! Mais Lakka, c'est le village juste avant le notre ! A 2 km !!!
Branle bas de combat !
Désaoulage immédiat.
5 minutes pour préparer un sac à dos et filler en vitesse se réfugier chez les ricains à 200m...
Trois 4x4 blancs dernier cri estanpillés "UN" sont garés...
Depuis un mois que nous sommes voisins, nous ne nous connaissons pas vraiment...
Ce neo couple au village ne sort pas, vit en autarcie dans sa forteresse verte, un escalier en colimaçon en guise de pied, et une maison en hauteur en guise de parasol...
8 h du matin, les premiers rebelles débarquent au village, la Kalash en bandoulière...
Plutôt sympas, ils nous expliquent gentillement qu'ils tirent un peu dans le ciel.
Par ici, c'est comme ça que s'exprime la joie dans ces moments là, à tirer d'imaginaires esprits qui vivraient par delà les nuages...
Rassurant, la pression retombe quelque peu...
Il y aura juste un couvre à la nuit tombée...
La journée est pleine d'intérrogations, d'aller retour chez nous, de discutions avec nos amis qui viennent s'enquérir de nous...
Décision est prise de rester groupés pour la nuit, nous irons dormir dans la forteresse verte...
Les frigos sont pleins... Des fruits, des légumes, du riz, de l'eau minérale ; ici, on pourrait tenir un siège s'il le fallait !
Nous nous retrouvons à 5, avec nos sauveurs et leur ami en week end chez eux...
Ils ont la délicatesse de m'installer une moustiquaire, des fois que les insectes voudraient me faire du mal cette nuit...
Sur la terrasse qui fait office de toit, la "C-B" braille des infos difformes en continu...
Les mines sont inquiètes...
2h du matin, c'est confirmé.
Débarquent 12 étrangers à la forteresse... Espagnols, italiens, allemands, américains...
Ils viennent de marcher une partie de la nuit dans la mer pour nous rejoindre, en fuite depuis River Number Two, au sud.
Le récit fuse ; hotel attaqué, pillé, brulé... Le patron et plusieurs touristes ont été tués en tentant de défendre ce qu'ils pouvaient...
Une jeune allemande est en état de choc... Au mieux, elle rentrera seule chez elle...
Enfin, comme une délivrance, le soleil pointe ses premiers rayons...
La CB reprends du service...
Nos hotes sont en liaison directe avec leur ambassade, échaffaudent des plans d'évacuations...
Nous sommes maintenant 17 avec nos 3 voitures...
Fuir par la plage, et faire des navettes en zodiac sur le porte-avion américain qui croise fort à propos dans les eaux cotières...
Héliportage...
Convoi par la route...
Les infos qui parviennent font état de combats acharnés sur la capitale, et partir devient chaque minute l'unique solution, la plus sure en tout cas...
La journée est contre l'avis de tous le temps de peaufiner ce petit sac à dos...
De distribuer ce qu'on peut aux amis villageois, vivres, affaires...
Au village, les réfugiés du camp commencent à s'agiter... Nous voir partir, c'est mauvais signe... Ils viennent avec nous ou nous en empecherons !
Si ca tourne mal, ils seront en première ligne, eux, les béninois, libériens, angolais...
Ca se complique sérieusement...
Quelques rebelles passent dans la journée, tout le monde se plaque au sol dans la forteresse.
- Que fait-il ?
- Je crois qu'il pisse sur la plage !
Un des espagnols s'appelle Jesus, nous sommes sauvés !
Tout est bon pour tenter de dessiner un sourire...
Mais c'est la nuit qu'il faut faire attention....
Décision est prise qu'en cas de visites, ce seront toujours les mêmes qui descendront parlementer, histoire de cacher combien nous sommes...
Izo, qui parle couramment Krio, est volontaire...
La nuit tombe. Le frigo se vide beaucoup plus vite que prévu...
Au loin, la capitale est illuminée en permanence d'un gigantesque feu d'artifice de mortiers...
Les déflagrations arrivent en net décalage, comme pour rappeler que dans la nuit revenue, les combats, eux, continuent...
Première visite.
Yeux exhorbités, mains tremblantes, kalash enclenchées. Ils veulent une voiture pour aller en ville...
Palabres...
Une belle chaine hifi est une aubaine...
Deuxième visite.
Izo qui descend du donjon se retrouve avec un lance roquette calé dans le nombril... Elle remonte illico !
Cette fois, il faut partir.
Demain.
Les échanges entre cibistes sont maintenant permanents.
Il faudra récupérer les touristes arrivés il y a 4 jours au Lakka Cotton Club.
Un convoi de quatre autres 4x4 viendra nous appuyer demain matin, puis nous partirons immédiatement en direction de Freetown, la ville libre des esclaves libérés ici à l'abolition...
Izo ne me quitte plus d'une semelle.
Le plan d'évacuation est établi.
Les 4x4 de soutien arrivent, et chacun connait immédiatement sa voiture, sa place.
Il faut faire vite, éviter toute confrontation visuelle avec les réfugiés, de plus en plus agressifs envers nous.
Pour moi, ce sera arrière - droite - première voiture, Izo à ma gauche, sac à dos entre la vitre et ma tete si on tire.
On part, la consigne est claire, si une des 7 voitures est immobilisée, tout le monde s'arrete et... on verra !
Arrivée à Lakka.
Les 2 voitures de queue fillent à l'hotel récupérer les touristes ; nous, on attends au milieu de la route.
A l'horizon, un pic up gorgé de rebelles arrive droit sur nous...
-Bigaaaaaaaaaaa !!!!!
Nous en connaissons un !!!
Il parle avec ses amis, qui comme lui devaient avoir une arme cachée sous une planche, et sont partis se défouler sur la capitale...
Ils vont nous escorter jusqu'au Cap Sierra, l'hotel où nous devons aller.
Le convoi se reforme, et reprend la route avec un rebelle assis sur le toit, les jambes qui pendent sur le parebrise.
On suit le pic up qui avance à 2 à l'heure, peine dans les côtes, zigzague entre les trous de la piste défoncée et, fini par tomber en panne d'essence...
Palabres...
Tant pis, on continue vers la capitale sans vous, on ne peux pas prendre le risque de rester immobiles ici pendant des heures...
L'essence est une denrée rare en ces temps...
La capitale approche et les premiers stigmates visibles avec...
Tout est ravagé, brulé.
Izo tente d'attirer mon attention en permanence à l'opposé de ce que je ne devrais pas voir...
Mais de toute part, il vaudrait mieux ne rien voir...
Seul le supermarché est intact, bien gardé par une horde de militaires blancs qui arborent fièrement la banière étoilée...
Arrivée laborieuse au Cap Sierra, protégé par les Marines.
L'hotel est archi comble, des centaines, des milliers d'étrangers sont déjà là.
On nous alloue un bengalow, plein de vivres et de denrées périssables...
Au large, le porte-avion US est là...
Enfin l'occasion de rassurer nos proches.
Notre hote américaine féminine est au téléphone à coté de nous, avec son mari !
Nous ne recroiserons jamais nos deux voisins ensemble.
Rappatriement des étrangers sur la capitale réalisé, sauvetage effectué, mission terminée.
Les militaires sont paranoïaques, nous faisant tous coucher à plat ventre avant de se rendre compte que les militaires qui viennent à notre rencontre sont des leurs...
Nuit au Cap Sierra.
Au matin, les ressortissants américains nous quittent, ils sont évacués sur leur gros bateau...
Premier contact avec les autorités françaises, dépassées, heureuses de nous voir ici, en vie...
Incapables de nous dire ce qu'il va advenir de nous... Probablement évacués via la mer en Guinée...
Mais ils leur reste d'abord à récupérer quelques membres d'ONG dans le Nord du pays, là où les combats sont les plus forts.
L'hotel se vide et se remplit au gré des évacuations par nationalités, et des arrivées de toute part du pays...
L'hotel se vide et se remplit, au gré des histoires, des anecdotes et du vécu de chacun...
Une journée passe, une nuit, rythmées par les "blagues" de nos amis militaires Marines...
Un avion s'envolerai demain, il faut juste poser son nom sur une liste...
Les autorités françaises nous conseillent cette solution...
Au programme, convois militaires du Cap Sierra vers l'Hotel Mamy Yoko, puis héliportage vers l'aéroport...
Chaque seconde passée sous la protection de cette armée dure une éternité...
Mamy Yoko.
Une longue fille d'attente s'étire jusqu'à l'héliport où un balai incessant à lieu...
Dur de se décider à partir pour de bon.
Enfin, nous intégrons la fille, atteignons notre hélico, surprotégé.
Survol du Loungy Airport, cerné de gens armés.
Aterrissage.
Tirs.
Notre pilote ne descendra donc jamais de son cercueil volant.
Il faut emjamber des rebelles pour rejoindre le terminal gardé par l'armée anglaise.
Shorts, tongs, casques trop grands, lunettes de soleil, vielles kalash recyclées...
C'est donc réellement ca l'armée de rebelles ??????
Ce sont eux qui ont rasé la capitale ????????
Un avion de la compagnie "Corsair" stationnne face au terminal.
Les échanges de tir se font de plus en plus fréquents...
Attente.
Le colonel anglais nous explique que les femmes et les enfants vont monter d'abord dans l'avion.
Sourires.
Pour la première fois depuis le début, je vais etre à plus de 3 mètres d'Izo !!!
Reste donc les hommes...
Le colonel prends la parole :
- il reste 100 places dans l'avion et vous êtes 200...
Quelqu'un part en courant, un deuxième, un troisième...
Courir.
Plus vite que les balles.
Courir.
Etre dans cet avion.
Tout le monde s'engoufre dans la carlingue, la porte se ferme, les réacteurs tournent déjà...
Tout le monde est rentré trouve une place et ils en reste encore des vides...
L'avion roule déjà, et la Sierra Léone se dérobe...
L'armée anglaise vient de perdre le controle de l'aéroport, les frontières sont définitivement fermées, notre colonel rejoint notre pilote et quelques centaines de milliers d'autres personnes qui suivront le même destin...
L'avion se pose sur le tarmac...
Londres
4 h du matin
01 juin 1997.
Il fait froid dehors.
Il fait froid dedans.

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