Petra البتراء , Jordanie (ou Le Dernier des Touristes)


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Middle East » Jordan » South » Petra
March 16th 2020
Published: March 17th 2020
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13 mars

(Toujours à Amman)



La tempête fût terrible la nuit passée.

Les bourrasques et la pluie secouaient la porte du balcon dans le dortoir alors que les soudaines frappes de tonnerre cognaient aux murs comme des coups de canon.

Heureusement, au matin, le calme était de retour sur Amman malgré les blessures infligées, les arbres fracturés et les panneaux de circulation recourbés dans les rues.



Il est 6h00AM alors que je délaisse une fois de plus la capitale pour miser sur le sud cette fois, en direction de Wadi Musa, ville accrochée à la fameuse Petra, l'une des sept merveilles du monde moderne.

Les passagers se tiennent loin les uns des autres dans le bus (Jett).

Ce n'est pas encore tant la folie du virus ici, mais ça viendra.



Les routes bituminées d'Amman reflètent encore l'orage de la nuit passée, mais dès qu'on s'éloignera du casse-tête urbain, de la grisaille désertique s'effacera toutes traces de tempête, à croire que les cataclysmes ne sont réservés qu'aux Sodome et Gomorrhe.



Au loin sur l'horizon, un trait brouillé pareil à la Mer Morte surligne la fin du regard comme dans une annonce de bière fraîche.

Plus rien ne pousse dans le paysage maintenant.



Ralentissant l'élan des voitures, des camions-citernes gonflés de pétrole d'Arabie vont et viennent sur la longue voie reliant Amman à l'Égypte.

Sur le bord de cette route vertébrale qui s'allonge jusqu'à la Mer Rouge (King's Highway), des pneus éclatés ramollissent à jamais sous le brillant soleil qui a enfin retrouvé son trône, niché présentement à la déverse.

Mais sinon, rien ne se trouve dans le désert pour l'instant, pas même un dromadaire ou quelques sortes de bédouins perdus dans ce vide inhabité.



Entre deux bâillements, le bus climatisé s'arrête à un commerce tenant lieu d'oasis à mi-parcours, au milieu du néant.

Saturé de théières en étain, d'artisanat, de bijoux, d'argenterie et autres babioles à touristes, l'endroit profite de son poste stratégique pour surcharger les voyageurs encore endormis.

Pour reprendre de la vigueur, j'obtiens un petit sablé à la pistache et un espresso court et instantané qu'un semblant de barista me commandera de sa machine Nescafé automatisée de derrière son comptoir.

Cette dose de caféine me libèrera de 3 dinars, c'est-à-dire de 6$ cad.

Le double standard ici est indécent.

Il y a deux prix en Jordanie: celui des locaux et celui des vacanciers.





L'autobus arrive finalement à la gare routière de Petra, tactiquement installée à l'entrée de l'antique cité nabatéenne.

Pour rejoindre mon auberge située plus haut dans les collines (à 20 minutes à pied, en pente ascendante), je me lance dans une jonglerie de marchandage avec les chauffeurs de taxi, faisant ainsi passer ma course de 4 dinars (8$ cad !) à 1 dinar (2$ cad).

À Petra particulièrement, les prix seront aussi gonflés avec absurdité.



Il est vrai que beaucoup de voyageurs passeront en Jordanie que pour accéder rapidement à Petra, le temps d'une courte journée d'exploration à partir d'Amman.

Pour ma part, j'avais prévu y passer trois jours, question de bien fouiller tous les recoins caverneux de la vieille cité.

Mais voilà que les aléas du voyage réorganiseront éhontément mes plans initiaux.

J'y resterai au final peut-être plus longtemps que prévu.

Ouais. Ou peut-être pas.



Notes à Moi-Même:

1- Prix régulier pour l'entrée à Petra: 1 jour = 50 dinars (100$ cad), 2 jours = 60 dinars (120$ cad), 3 jours = 65 dinars (130$ cad)

2- Entendu en Jordanie: "Not many tourist because of Corola virus"



14 mars



Alors que je croyais que la tempête d'avant-hier sur Amman était une exception, voilà qu'ici aussi, la pluie n'a pas cessé d'arroser le décor de toute la nuit.

Tout a débuté par une fine bruine ennuyeuse pour finalement éclore en un orage sombre et saccageur.

Dans ma fatigue capsulaire, au dernier étage d'une simple auberge, j'ai pu m'endormir facilement tout de même, bercé par le tapotement d'une pluie aiguisée sur le verre panoramique de son penthouse divisé en dortoirs.

Le ploc d'une gouttelette m'a malencontreusement sorti des limbes durant ma nuit: c'est qu'il s'est mis à pleuvoir dans mon lit.

Je n'aurais pas pu prévoir une telle surprise en Jordanie, je vous l'avoue.

Heureusement, on m'a rapidement upgradé pour un lit double dans une chambre privée.

Bon, il est vrai que ce ne sont pas les chambres d'hôtel vacantes qui manque présentement à Petra, avec ce foutu Corona virus qui fait fuir les touristes.



Je me lève alors que la mouillasse a quelque peu ralentit son effervescence dans la vallée.

Par les haut-parleurs d'un minaret étreint par un néon vert, un Allah Akbar monotone s'étend dans la brumaille triste du jour.



Malgré la température vacillante, je me lance tout de même dans cette première excitante exploration de Petra.

J'ai un billet d'entrée payé pour deux jours, et on annonce une journée magnifiquement ensoleillée demain.

Aujourd'hui sera donc ma journée d'éclaireur, avant de pouvoir pousser plus loin mes découvertes sur l'immense site archéologique qui fait la page couverture de tous les guides de voyage jordaniens.



Une cinquantaine de touristes passeront la guérite au même moment que moi: c'est très très peu semble-t-il.

La longue route rocailleuse que j'emprunte alors s'allonge vers d'impressionnants rochers rougeâtres, sédimentaires et bariolés dans lesquels un passage étroit, presqu'une gorge, avale les marcheurs et les quelques carrioles payées par les plus âgés.

Je suis l'un des premiers à y accéder aujourd'hui: l'écho de mes pas rebondit sur les parois caverneuses alors que me répond le claquement des sabots métronomes d'une bourrique en retard.

La voie bientôt s'ouvre en fente sur l'emblématique Trésor de Petra, imposante porte à colonnades sculptée sur la façade grenat d'un inaccessible mur en grès.

Des dromadaires et leurs sombres chameliers y attendent les touristes, couchés sur le sable humide des averses intermittentes des dernières heures.

C'est ici qu'a eu lieu la grande finale d'Indiana Jones et la Dernière Croisade, là où Junior serait devenu immortel.



À ce moment même, une bruine compacte apparaîtra sur Petra, sans vraiment s'arrêter jusqu'à ma sortie du site.

Je passerai donc de grottes en cavités, tentant d'éviter les ondées jusqu'au bout de ma marche.



Ayant exploré tout de même quelques coins secrets aujourd'hui, je planifie déjà dans quels lieux je me lancerai sous le soleil de demain: les tombeaux et puis le monastère Al-Deir aussi. Je suis déjà bien excité de ces futures découvertes: le site de Petra a beaucoup de mystères à offrir.



Mais ce sera à mon retour à l'auberge, sous le constant plombage du soir que j'apprendrai l'effondrement de mes plans.

Entre deux gorgées mélassées de café turc, Bel, le tenant de l'auberge, me tirera ces mots:

"I have very bad news for you. First, they close all tourist sites because of Corona virus. Petra now close for one week… and second, the governement close the borders and the airport of Jordan. No one can get in, no one can get out for undetermined time. All tourists gone now…"

Voilà que tomba la nouvelle: c'est que je suis maintenant prisonnier de la Jordanie

pour un temps indéterminé.





15-16 mars



Il fait magnifiquement beau sur Petra.

Le soleil, franc, réchauffe enfin le Pays.

À Wadi Musa, la foule touristique s'est totalement éclipsée.

Il n'y a plus que de sombres visages esseulés devant les restaurants vides, fumant désespérément leur ennui face à cette évacuation hâtive et soudaine des voyageurs.



Le dernier vol direct en allé simple Amman-Montréal de Royal Jordanian vend ses sièges en classe économique à 1500 dinars (3000$ cad).



Je mange un autre shawarma au baba ghanouj à l'auberge vidé de ses invités alors que Bel tente un sourire.

"I'm happy you stay, qu'il me dit. There's one tourist in Petra and he's my guest. Your home here now.

We're gonna survive this fucking virus"



Etienne X


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