Sighisoara, Romania (66 sous ou Comment Conjurer le Sort)


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July 19th 2016
Published: July 20th 2016
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16 -17 juillet

" Qui est-ce qui m'a jeté un sort?

J'perds tout c'que j'aime et même le nord

Hé! On a volé mon contrôle!

Y'a mon corps et y'a ma tête qui oh oh

Je ne veux plus m'endormir non non non non non " Laurence Jalbert



....

Ma recherche pour trouver des vampires est un lamentable échec.

Je n'ai trouvé aucun de ces monstres, ni dans les bars de la capitale, ni dans les châteaux visités jusqu'à présent en Transylvanie.

On en voit pourtant partout sur les tasses à café, les t-shirts et les aimants à frigo dans les boutiques de souvenirs.

Ils doivent bien se cacher à quelque part que je me dis.

Bon, recommençons du début...

...Oh! Mais... je n'ai qu'à retrouver la maison qui a vu naître Dracula voyons!

Voilà! Tout s'éclaire maintenant!

Retournons à la source, aux racines du Mal, là où la figure légendaire a vu le jour (ou la nuit dans son cas).

Mais bien sûr! L'endroit est certainement infesté de vampires, non?



J'ouvre mon grimoire:

Vlad Tepes dit Dracula, né en 1431 à Sighisoara.

Sighisoara: voilà l'endroit où je dois me rendre.

Je suis un chasseur de vampires génial!

...



Je quitte la merveilleuse cité médiévale de Brasov ce matin.

J'embarque dans un City Bus avec une foule de vieillards roumain enfoncés dans leurs casquettes carrelées et portant leurs visages mal rasés neutres comme des masques de cire.

Le bus démarre... et je n'ai pas de ticket.

Le ticket s'achète avant de monter.

Merde. Je feins alors l'ignorance, en espérant qu'un sévère vérificateur ne grimpe pas, par un malheureux hasard, dans notre City Bus plein de retraités.

Dans la ville, le ticket de transport vaut 66 sous.

Je n'ai donc pas payé mon 66 sous.

Bon. J'ai de gros doutes que je risque la prison en Roumanie pour 66 sous tout de même...



On me débarque à la gare de trains.

Personne ne m'accroche à la sortie, fronçant les sourcils pour mon non paiement de ticket.

Ouf. Promis, j'aurai un ticket en main la prochaine fois.



Le prochain départ de train pour Sighisoara est dans plus de 4 heures.

C'est qu'il y a très peu de trains vers ma destination aujourd'hui en fait.

Heureusement, une station de bus (de secours) est annexée à la gare.

J'opte donc pour cette plus rapide option et m'achète un billet de bus longue distance dans le bureau louche de l'Autogara 2.

Un homme sans vie derrière un écran d'ordinateur des années 90 m'imprime un billet long comme une demie page blanche.

L'encre est pâle: il est temps de changer de cartouche.

Mon billet est imprimé en gris, gris comme l'absence de sourire de l'Autogara 2.



Autour de moi, de jeunes enfants basanés parcourent les quais d'embarquement en tirant le bas de pantalon des voyageurs pour quémander quelques sous.

Des hordes de romanichels tournent en rond devant la gare comme des pigeons.

Les femmes tziganes, en robe d'abat-jour cachent des gamines sous leurs sales crinolines.

On voit parfois passer de ces grosses femmes avec des pleurnichards sous le bras, en direction d'une grave fessée.



Une gitane âgée passe alors lourdement devant moi, m'aveuglant de ses tissus criards et exagérément fleuris.

Un foulard jaune et bleu encercle son visage en tire-éponge.

La gitane passe, allant vers la droite... puis revenant et retournant vers la gauche, probablement à la recherche de quelqu'un sur qui jeter son sort.

Des paysans attendent leur bus aussi, à l'ombre d'un pilier, fumant et se partageant un 2.5 litres de bière cheap.

Chacun d'eux s'accroche à leur faucille de bois comme à une béquille.



Mon bus finit par arriver.

30 minutes de retard.

On prend donc tous place dans l'engin, et partons vers les champs.

...



Je débarque de l'autocar.

Une citadelle médiévale, tout près sur la colline centrale, s'accroche au ciel cendré et gonflé de pluie.

C'est le décor d'un film d'horreur des années 30.

Des tuiles terracotta couvrent le toit des chaumières du village de Sighisoara.

L'endroit est moderne, certes, mais du moment qu'on rejoint l'intérieur des palissades de la vieille ville, le temps se met à reculer et on se retrouve d'un coup derrière les cloisons du Moyen-âge.



D'une imposante tour à l'entrée de la citadelle, des fantassins surveillent les passants qui atteignent la bourgade.

Le clocher de la tour à des allures d'aubergine, une enflure noir violacé qui attire davantage les ombres qu'elle reflète le soleil.

Sur les rues pavées, on peut aisément imaginer les calèches des marchands

et puis entendre le choc des sabots sur la pierre des chevaux fatigués des cavaliers en armures aussi.

Sur le coin des rues, des femmes centenaires, leur cheveux noir couverts de foulard de paysanne, vendent des fleurs des champs en murmurant des incantations aux piétons.



À mon passage, l'une d'entre-elles m'a tendu un bouquet fané en m'agrippant le bout des doigts.

Yeux dans les yeux, elle me susurra quelques mots en me soufflant un roumain de sorcière.

Là, à ce moment précis... la gitane m'a, sans l'ombre d'un doute, lancé un sort... car je me suis senti subitement affaibli.

Dans son visage labouré par l'âge, j'ai vu son regard briller, perçant comme celui d'un chat dans la nuit .



Effrayé (ou ensorcelé), c'est là que j'ai flanché: je lui ai acheté un bouquet de fleurs,

66 sous de fleurs,

l'équivalent du prix de mon billet pas payé du City Bus de Brasov.

La vieille dame le savait certainement que je ne l'avait pas payé ce ticket.

C'est bien connu, les gitanes ont d'étranges pouvoirs.



Heureuse de ces 66 sous, la sorcière m'embrassa alors la main, conjurant certainement le maléfice qu'elle m'avait tout juste infligé.

Ouf. J'aurais certainement pu revenir au Québec

changé en crapaud.

...



Le soleil absent derrière les nuages en noir et blanc finit maintenant par se coucher.

C'est la brunante dans la bourgade médiévale.

Sur un bout de parchemin, j'ai l'adresse de la chaumière qui vît naître Dracula.

Je suis si prêt du but: je vais bientôt affronter des vampires.

Je tourne un coin, et puis là, sous le pâle réverbère...

elle est là: la maison de Dracula.

Casa Dracula....

... et c'est un restaurant.

Je suis surpris: je ne savais pas que Dracula était né dans un restaurant.

Au menu: soupe à la tomate, visage de démon fait de goulache et de polenta, coulis et fraises en guise de globules rouges sur le dessert glacé.....

Bon. Voilà qui est décevant.

Et puis aucun suceur de sang aux alentours....

Merde,

c'est que la crème glacée n'a jamais attirée les vampires.



Etienne X



Note à Moi-Même:

Vu dans un resto: 1 meter of beer: 25 ron (+ ou - 8$)

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