Back to Manilla (Crucifixion et Lapins de Pâques)


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April 14th 2017
Published: April 15th 2017
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13 avril

(Toujours à Vigan)

On est jeudi et le weekend de Pâques est à nos portes. La vieille ville de Vigan est de plus en plus occupée par les touristes philippins qui souvent, profitent de l'air climatisée de leur hôtel de jour, puis se lancent en vagues sur les rues pavées, à pieds ou en calèche au couchant.



Mon plan au départ était de rejoindre Pagudpud tout au Nord de l'île de Luçon. Mais avec le weekend de Pâques, tout se complique. Les hôtels et resorts des plages du Nord semblent partout " No Vacancy". Et puis l'hôtel où je loge à Vigan sera overbooké pour les prochains jours aussi. D'un anglais approximatif, le type à la réception, collé à son téléviseur à jamais embrouillé, m'avait bien avertit à mon arrivée: "full for the weekend".

Ça me laisse guère le choix: je vais donc devoir faire la longue route pour retrouver Manille aujourd'hui.



On m'a parlé d'un 8 heures... mais ce sera plutôt un 11 heures de route pour rejoindre le Z Hostel où j'ai logé à ma première nuit à Scam City. C'est long une demie journée de transport, même climatisée. De 10h à 21h, je regarde le décor des bouibouis le long de la voie principale jusqu'au couché du soleil. Je somnole dans le bus presque vide pour Manille. On quitte la capitale pour Pâques, rares sont les vacanciers qui font le chemin inverse.



Au niveau de San Fernando, on se remémore déjà la crucifixion du Christ. Voilà qu'un cortège d'hommes cagoulés, auréolés d'une couronne d'herbes représentant l'épineuse souffrance de Jésus porté en croix, longe la route en bedaine. Dans leur folie religieuse, les cagoules se fouettent les flancs d'une lanière de cuir. Leurs dos saignent. L'irritation est une plaie ouverte brûlante sous le soleil et les flagellations.

D'autres croyants en toge, trainant de la patte un peu plus loin, tirent de longues croix de bois, imitant le supplice du fils de Dieu. Ils seront littéralement crucifiés un peu plus haut sur la colline. J'avais vu à Vigan, des mises en scène de la crucifixion, présentées sous des éclairages de pièce de théâtre. Malgré l'étrangeté d'un tel spectacle interprété par des filippinos, leur foi catholique s'exprimait alors tout en douceur comme un show de fin d'année dans un collège des années 50. Mais voilà qu'à San Fernando, on me prouvait que l'extrémisme religieux se produit aussi chez les catho.

...

Finalement déposé au Z Hostel de Manille (après une course folle en taxi en partance de l'arrêt de bus), je m'écrase dans le dortoir de l'hostel avec un mal de tête acharné. Je pense aux couronnes d'épines des mortifiés de San Fernando. Parfois, s'offrir des lapins de Pâques ne suffit pas à sauver son âme.



14 avril

C'est un peu étrange d'être entouré de foreigns "hangover" au Z Hostel, après avoir passé mes derniers jours avec les locaux à Vigan et dans les montagnes du Nord. Beaucoup de voyageurs semblent perdus. "Somebody stoll my IPhone in a bar yesterday" que m'avoue tristement un Coréen de Baltimore. Et puis un "take care of your belongings" aussi que me dit l'homme armé à ma sortie du guesthouse. Rien a donc changé à Scam City…. bon, à part que les rues soient anormalement vides aujourd'hui à Manille. C'est que les plus nantis ont quitté la ville pour les vacances, fermant boutiques pour la fin de semaine.



Alors que tranquillement s'éteint le soleil, la sécurité publique bloque les rues aux alentours du guesthouse. Au loin, on peut entendre la lourde marche des tambours et des barytons s'approcher de nous comme un troupeau d'éléphants. Vidé du trafic, la rue principale où je suis posté à des allures de piste d'atterrissage. Le long de la voie, les citadins, alignés comme des soldats, attendent l'arrivée de la parade en tendant vers le ciel des chandelles en silence.

"It's a parade?" que je chuchote à une grand-mère fixé là comme une statue de cire.

"No parade. Procession" qu'elle réajuste en faisant son signe de croix.

Il ne faut pas rire de la crucifixion de Jésus.



Bientôt, un flot de fidèles se mettent à défiler devant moi, tenant à bout de bras des mannequins éclairés mettant en scène la dernière journée du Christ. Il y a des prières. On égraine des chapelets sombrement, en "jevousaluemariant" à voix basse. Des femmes toutes de noir-vêtues, endeuillées, pleurent la mort du fils de Dieu.

Invisible derrière la foule, une femme cassée sur un bout de carton sale allaite comme elle peut son bébé naissant qui peine à rester conscient. À la place de prier, certains sont trop occupés à survivre on dirait.



Je décide de m'éloigner de Manille demain matin pour rejoindre Tagaytay (on dit Ta-gaille-taille) un peu plus au sud. Il semblerait que l'endroit est prisé par les familles de la capitale. Je prévois des montagnes, de l'air frais, un lac et du volcan.

La fin de semaine qui s'en vient sera la plus achalandée de toute l'année aux Philippines.

"Expect traffic" que me disent les sourires de la réception du Z Hostel, qui maintenant me reconnaissent et me saluent en m'appelant mister Martin.

"No problem, que je leur dit, i have booked hostel".

J'ai réservé mon lit.

Tout devrait bien aller.



Ou peut-être pas.



Etienne X



Notes à Moi-Même:

1- Il y a du ketchup à la banane ici.

2- Les filippinos aiment: le porc, le karaoke, le basketball, le poulet frit, la pop music et Jésus.

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