La vie quotidienne a Butare


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Africa » Rwanda » Province du Sud
August 12th 2008
Published: August 12th 2008
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Ce fut un heureux hasard ou destin qui choisit de m'envoyer, entre toutes les villes du Rwanda, a Butare. Parmi toutes celles que j'ai eu l'occasion de visiter, elle demeure mon coup de coeur. Bien que la deuxieme en importance apres Kigali et le centre intellectuel du pays puisqu'on y retrouve l'Universite nationale, il y a regne une ambiance de petit village chaleureux. Il est rare que j'y marche sans rencontrer un connaissance qui me salue. Autour du centre-ville delimite par le marche et les deux hotels pour les touristes incapables de se priver du luxe occidental, s'etend, d'un cote le mignon quartier de Taba avec ses bungalows et ses jardins multicolores et de l'autre la fameuse universite qui donne tout son dynamisme a la ville. Et avec ses deux rues principales larges et bordees de hautes facades carrees, Butare possede un style particulier que l'on ne retrouve nulle part ailleurs au Rwanda. En m'y promenant, je pourrais presque m'imaginer dans une ville du Far West tout droit sortie d'un album de Lucky Luke.
Presque a tous les jours, je me rends au marche pour acheter des fruits ou simplement pour le plaisir de flaner dans le dedale des allees sombres ou les jeans Guess usages cotoient les tissus traditionnels aux couleurs chatoyantes. Si je m'y rends en portant moi-meme le pagne (je vous rassure, il ne s'agit pas de la si sexy couche a la Tarzan, mais plutot de la jupe faite de tissu traditionnel qui se porte comme un pareo), alors toutes les vendeuses rient et me complimentent.
La meme gentillesse se retrouve partout. Tous les habitants de Butare sont tres souriants, aimables et accueillants, comme tous les Rwandais d'ailleurs. Cela faisait seulement deux semaines que j'etais arrivee a Butare et deja je devais ceder ma chambre a Uruhongore, le logement ou je vivais, aux nouveaux etudiants arrivant pour le mois de juillet que Rachel, la gerante rwandaise de l'endroit, me proposait de partager sa chambre. Nous nous connaissions a peine et, pourtant, elle m'a laisse loger gratuitement chez elle pour le reste de mon sejour ce qui fait que je n'ai finalement rien depense en matiere d'hotel pour tout le voyage. Meme lorsque j'ai du passer pratiquement toute une semaine au lit pour combattre les feroces bacteries s'attaquant a mon systeme digestif et expliquant le delai dans la mise a jour de cette page, Rachel fut un modele de sollicitude, m'apportant de l'eau, des bananes ou simplement son soutien.
Heureusement, je me suis finalement retablie et j'ai pu recommencer a m'alimenter, pour ma plus grande joie et celle d'Immaculee, la cuisiniere du buffet ou je vais tres souvent souper. En fait, j'y mange tellement souvent que j'ai maintenant droit de sa part a la triple bise que les Rwandais reservent a leurs bons amis. Ce buffet n'est pourtant en aucune facon different ou meilleur que tous ceux qui pullullent a Butare et forment la base de l'alimentation rwandaise. Son seul avantage reside dans le fait qu'il se situe tres pres de ma chambre. On y retrouve la meme nourriture que partout ailleurs : riz, pates, bananes bouillies, feves rouges, viande de boeuf tres coriace, frites et patates douces que tous empilent dans leur assiette debordante. Je m'etonne a chaque fois que les si minces rwandais reussissent a remplir leur estomac de pareilles montagnes, mais, puisqu'il s'agit d'un buffet; je suppose qu'ils veulent rentabiliser leur investissement. Chaque repas dans ce type de restaurant coute pres de deux dollars.
Et pour ceux qui trouvent ce regime lassant, les alternatives ne sont pas tres variees : des brochettes ou de l'akabenze (viande de porc, specialite de Butare) accompagnes de bananes frites, le fameux "Chinese restaurant" (ne me demandez pas comment un Chinois est atteri au fin fond du Rwanda pour ouvrir un restaurant) que nous reservons aux grandes occasions ou alors un detour par l'epicerie europeenne tenue par deux freres arabes ou l'on peut se procurer des samosas et autres patisseries, mais ou les seuls produits reellement europeens consistent en du papier hygienique et du nutella. Je visite donc souvent Immaculee dans son restaurant du motel Ineza, compensant la monotonie du repas par la joie de revoir une amie.
Souvent, le vendredi soir, je sors danser dans l'une des deux discotheques de la ville : le Safari Club ou le Melo-Twist avec des amis et obligatoirement plusieurs garcons. Les nuits sont chaudes a Butare, ne debutant jamais avant minuit et se terminant rarement avant l'aurore. Il faut donc se munir de plusieurs chevaliers protecteurs pour le moment ou les hommes en superiorite numerique et ayant ingurgite trop de bieres commencent a se montrer trop insistants avec les jeunes filles sans defense. Heureusement, je connais plusieurs personnes tres respectueuses et empressees a tenir ce role, ce qui me permet de fouleur les planches regulierement jusqu'aux petites heures du matin au son de hip hop americain, de Bob Marley et de chansons pop africaines.
Parfois aussi la fin de semaine, quelqu'un amene un ordinateur portable et nous regardons des films ou alors nous allons a la piscine de l'hotel Credo, l'unique en ville. Apres Un dimanche a la piscine a Kigali, nous avons Un dimanche a la piscine a Butare. C'est aussi populaire, mais sans le cote glamour et tragique des Milles Collines.
Alors, entre toutes ces activites et le stage a l'hopital de district que j'ai debute il y a quelques semaines, je n' ai aucun temps pour m'ennuyer. D'autant plus que le travail dans ce nouvel hopital ne manque pas. Les medecins sont debordes et, dans certains departements comme la maternite, les patientes s'entassent deux sur le meme lit avec les nouveaux-nes emmitoufles entres elles dans des couches de couvertures. Et malgre le fait que ce lieu grouille de personnes en tout genre, meme des dizaines de prisonniers en costume rose, ce qu'on y retrouve en plus grand nombre ce sont les mouches. Infatigables, elles semblent toujours s'agglutiner autour du plus faible des malades, chatouillant dans l'indifference generale ses levres et ses yeux. Dans les salles de chirurgie ou tous leur livrent un guerre sans merci, il faut toujours en ecraser quelques unes avant de debuter l'operation.
L'ambiance la-bas s'est revelee tres differente du CHUB et dois avouer que je m'ennuie un peu de mes sympathiques chirurgiens, mais, a Kabutare (le nom de l'hopital de district), j'ai retrouve le meme devouement ainsi que la meme energie qui les animaient.
C'est don ainsi que se deroule mes journees a Butare, entre l'hopital et les amis, dans une lente monotonie tres relaxante, mais jamais ennuyante. Bien que physiquement, je commence a etre extenuee, je me sens apaisee, liberee du fardeau et des obligations que la complexite de la vie nord-americaine exige. Ici, la simplicite et le calme contrastent avec notre mode de vie exagerement exigeant ou nous sommes constamment soumis a un exces de stimulation, ou tout nous pousse a aller plus vite.
Il ne faut pourtant pas croire entierement au portrait idyllique que je viens de tracer. Ici aussi, rien n'est parfait et, sous ses dehors d'enfant sage, Butare dissimule plus de misere qu'il n'y parait a premiere vue. Nous recevons regulierement des patients ayant ete battus dans la rue, parfois meme a coups de machette. Et les mendiants sont monnaie courante. L'autre jour, j'ai eu un choc en voyant un adolescent assis par terre dans la rue, manifestement endormi. Un passant l'a secoue pour le reveille, mais il n'a pas reagi. Je m'appretais a aller voir s'il n'avait pas un probleme plus serieux qu'un manque chronique de sommeil lorsque le meme homme lui assena un violent coup de pied. Sursautant, je vis neanmoins le jeune garçon s'effondrer mollement sur le sol dans une position grotesque me rappelant une poupee de chiffon. Quelques coups de pied et aucune reaction plus tard, l'angle pour le moins anormal de son cou et de ses bras laissaient peu de doute sur son etat et les badauds s'en detournerent.
La mort l'avait saisi furtivement dans la rue, alors que, epuise et la sentant peut-etre ramper vers lui, il s'etait assis dans la rue pour se reposer, n'ayant probablement aucun autre refuge. Plus que le fait de voir un cadavre ainsi expose, ce fut l'apparente indifference des gens qui passaient leur chemin en l'ignorant qui me choque. Mais cette realite n'est pas rwandaise, ni meme africaine. Les gens reagiraient exactement de la meme maniere au Canada.
Ce fut neanmoins encore un rappel, si besoin etait, que dans la vie quotidienne si calme et sereine soit-elle des habitants de Butare, la mort ne s'eloigne jamais bien loin.



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