Quand on grimpe avec les grands


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North America » Canada » British Columbia » Squamish
September 18th 2014
Published: September 26th 2014
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Le seul objectif que je m'étais officiellement fixé en partant pour ce voyage était la West Coast Trail. Mais entrer dans les Rocheuses, passer Canmore, et la hauteur des Bugaboos et de Skaha, pour débarquer à 60km de Squamish... Ce serait mentir que de dire que je n'espérais pas grimper. Beaucoup.



Et faut dire que je devais la dégager un peu, cette odeur de magnésie imbibée de sang et de sueur, enrobant des phéromones de peur et d'extase, nimbée d'un mélange unique d'arômes alpines et salines et portée par un vent suave qui ne se respire que bien au-dessus du sol...

Ça doit, parce qu'en finissant une journée de marche et de découverte dans Vancouver en me rendant chez MEC (bah quoi... c'est quand même d'ici que ça vient, c'est un peu comme entrer dans un musée, pour moi!), il ne fallut qu'une rencontre fort simple pour trouver deux amis avec qui je partagerai corde et repas pour la semaine à venir.

Le lendemain, alors que je terminais mon sac pour partir pour ma rando, je reçois un courriel; Changement de plans, on part pour Squamish le soir même!



Je réécrirai sans doute pour mettre en mots le plaisir de la route au bord de la mer, dans mes montagnes et de ce cours d'eau encaissé, splendide. De l'aspect irréel de ces géants de granit sur un fond de voie lactée, ou des feux éphémères des teintes des glaciers au loin lorsque le soleil se cache.



Mais j'avais plutôt envie d'écrire un peu sur certains aspects particuliers de grimper dans l'un des berceaux de l'escalade moderne.

Déjà, c'est impressionnant de voir comment l'escalade, un sport encore un peu marginal par chez nous, fait partie de la vie quotidienne des villes comme Squamish. Les parois sont accessibles de la ville à pied, tous le monde sait de quoi on parle quand on demande des indications pour une voie en particulier... y'a même des boutiques de sport spécialisées pour l'escalade!

Mais c'est vraiment l'accès qui m'impressionne le plus. La ville est construite dans une vallée, entourée de parois impressionnantes... et toutes grimpables. On ne parle pas d'un pan de roche à 45 minutes de marche depuis un sentier perdu à la sortie d'une ville! Je crois que j'aime quand même ce côté plus reculé des accès de chez nous, mais ici, ça reste vraiment plus pratique pour grimper à tous les jours...!

C'est cependant quand vient le temps de parler des voies en soit que la différence se creuse. Une voie en single pitch? Ouais, j'en connais 2-3 secteurs... tu peux sûrement trouver quelque chose si tu vas par là. Sinon, tu peux simplement faire la première longueur des 320498kjnr32i multipitchs dont le premier relais est équipé!

Bref, l'esprit d'aventure et de longues voies est bien ancré ici, et il s'agit d'une étape presque obligée dans la progression des grimpeurs de la région. Un peu différent de chez nous, où ces grands murs sont plus difficile à trouver, et où seule une minorité s'y aventure régulièrement. Ça fait différent, et je me sens à ma place. Reste, on voit aussi l'empreinte que ça laisse; Je me fais regarder assez croche quand je propose d'aller faire des voies plus techniques en single pitch lorsque les journées sont plus courtes (pluie). En général, les gens ne sortent juste pas lorsqu'ils ne peuvent pas s'engager dans 4-5 longueurs...



Vient ensuite l'histoire des cotes. Vous savez, ce truc-dont-on-ne-doit-prononcer-le-grade quand on grimpe ensemble? 😉

En fait, je ne sais pas si c'est parce que le lieu est grimpé depuis aussi longtemps, par autant de gens provenant d'autant d'endroits différents...

Peut-être que c'est parce qu'il y a tellement d'ouvreurs aux philosophies et forces variées. Peut-être aussi que c'est simplement le style de roche, et le style de techniques que ça demande.

Je ne sais pas vraiment.

Mais il existe ici une variabilité si grande entre les cotes, même des voies populaires, qu'il est très difficile pour un nouveau de s'y retrouver.

Par exemple, on a commencé notre parcours par une belle ligne qu'on a montée à vue. Un bon 5.8, peut-être 5.9

Puis, on s'est engagé dans notre premier multipitch en prenant le plus facile de la région: Skywalker, 5 longueurs (5.6-5.8-5.7-5.5R-5.4 je crois)

Sans doute le 5.8 le plus difficile que j'ai fais de ma vie, au point où je croyais que je ne pourrais pas le finir. Après, y'a sans doute des techniques que je dois apprendre, qui sont spécifiques à ce genre de grimpe... reste, ça remet les idées en place!

En comparaison, je me suis trompé dans une longueur plus tard dans la semaine... une séquence engageante, intimidante, dans une supposée 5.8

Au sommet, je me disais: "Ouais, ok, mettons 5.8+, 5.9... définitivement plus facile que Skywalker, mais quand même."

Finalement, on apprendra que c'était supposément une 5.10a... Je ne comprend plus rien.

Tout ça pour dire: C'est vraiment un terrain d'aventure, où les limites sont testées rapidement, et où une bonne connaissance de l'alpinisme au sens large devient presque nécessaire (pour sortir d'une voie si le temps manque, si la météo change, si la cote est plus difficile que prévue...)

C'est ardu. C'est vraiment cool 😊



Mais grimper dans un endroit aussi populaire, et où la grimpe fait partie de la vie de tous, ça force aussi des rencontres intrigantes!

Je pense entre-autres à ce natif de Squamish, qui très humblement et de manière tout à fait respectueuse, me dépasse (je l'ai invité à le faire, il voulait attendre derrière nous) dans Banana Peel (6 pitchs, 5.7-5.0-5.6-5.8-5.7-5.6 je crois) en freesolo. Ou se deuxième, aussi en freesolo, qui finit sa journée et essaie toujours d'attraper une heure de soleil de plus en montant au sommet.

Mais ça donne aussi lieu à des situations vraiment étranges, de celles qu'on voit dans les livres de sécurité... vous savez, dans les exemples À ne pas faire?

Je pourrais penser à la gang de 6 qui faisait des pratique de lead, à monter et redescendre une même longueur pour que tous le monde puisse l'enchainer... au milieu du multipitch le plus populaire, un midi de fin de semaine ensoleillé...

Mais je pense surtout à cette situation, lors de notre dernière journée d'escalade:



Nous arrivons un peu tardivement à notre troisième relais (Juste après la longueur où je m'étais trompé de chemin, comme je l'expliquais plus tôt). Là, une équipe, arrivée avant nous, est immobilisée; la femme a oublié ou échappé quelque chose en bas. Ce n'est pas très clair, mais son chum est descendu en rappel chercher la chose, et elle nous propose de passer devant eux. Incertain, on lui redemande si ça leur va; Nous ne sommes pas rapides. Elle confirme. Nous nous engageons.

C'est la section de la voie qui devient engageante; Les deux prochains relais seront sur protections naturelles, pas d'arbre, et le crux de la voie s'y trouve.

La première longueur s'enchaine assez bien, mais je perd un peu de temps à bâtir le relais; une unique craque verticale, je n'ai que des nuts, et je manque d'expérience. Tout se passe quand même relativement bien, mais le temps de terminer la préparation, le chum de l'autre équipe est remonté, et il s'impatiente. Beaucoup.

Qu'à cela ne tienne, on ne peut plus rien y changer; on va faire de notre mieux pour terminer ce qu'il reste. Je commence donc à assurer mes deux seconds (rappelons que nous grimpons à 3, les 2 seconds montant simultanément). Mais la vitesse ne fait pas l'affaire de notre joyeux japonais, qui décide de commencer l’ascension derrière mes grimpeurs. Voyant cela, je lui cri un premier avertissement:

-"Just so you know men, this ledge is too small for 4 persons. Stop now, or you'll have to wait in the route..."

Et dans les faits, je trouvais la vire pas mal petite, même pour 2 personnes. Alors pas question d'être 4 sur mon relais (sur pros en plus...).

Il entend. Il acquiesce. Mais une minute plus tard, il reprend sa progression et passe par-dessus ma dernière grimpeuse!?!

Heureusement, elle ne se rend pas compte tout de suite de l'ampleur du geste (elle aurait sans doute figée, avec raison), mais si jamais il chute, il nous met tous en danger, et de manière sérieuse.

Il finit par atteindre ma hauteur, et s'installe, visiblement consterné de constater que le relais n'est pas bolté. En sécurisant mes grimpeurs, je prend le temps de lui expliquer la situation, et à quel point ce qu'il vient de faire n'a pas de sens. Je lui propose de bâtir son relais où il est, puis de nous dépasser, s'il le veut. Il semble réaliser que je suis sérieux, et qu'il vient en effet de poser des gestes étranges... mais il ne semble pas bien comprendre l'anglais, ni le français. C'est quand même intéressant, ce que le ton et les yeux peuvent transmettre comme message, cependant!

Finalement, ils resteront derrière, et ils finiront par descendre sur le relais que l'équipe derrière eux aura installé... bien drôle de situation.



Je suis heureux que tout se soit bien terminé. Le reste de la journée fut superbe.

Mais en repensant à tout ça, je réalise à quel point la sécurité, et le parcours de chacun, a une importance différence pour chacun d'entre nous.

Mes nombreuses discussions avec d'autres grimpeurs, et récemment, avec Bachir, ont souvent remis en question les pratiques parfois sur-sécuritaires qu'on nous apprend en escalade.

Et parfois, je dois avouer que j'ai l'impression qu'on en fait un peu trop, en effet.

Mais avec tous ces grimpeurs qui sortent pour la première fois des gyms et s'engagent à l'extérieur sans comprendre qu'il s'agit d'une toute autre réalité, ou simplement, ces autres grimpeurs, comme notre japonais, qui négligent la sécurité dans leur propre pratique, jusqu'à impacter sur les autres grimpeurs autour d'eux, je constate qu'on n'est vraiment jamais à l'abri des actions des autres.

Un peu à la façon dont on doit approcher le vélo, en réalisant qu'on ne contrôle pas les actions des automobilistes, je crois qu'il est important d'implanter des pratiques d'escalade sécuritaires, de bien former les gens autour de nous, et d'oser parler lorsqu'on voit des choses qui semblent ne pas faire de sens. Nous pratiquons des sports dangereux, qui sont rendus sécuritaires seulement par les bonnes pratiques que nous nous imposons.



C'est une belle manière de nous nous le rappeler.

Un peu abrupte, mais qui parle bien plus que tous les livres de techniques qu'on puisse lire.

Be safe, my friends!

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2nd October 2014

attente
La horde de tes fans en attente de la suite de ton histoire sont de plus en plus difficile à contenir ...

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