Australie : la grande traversée vers l'est


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Oceania » Australia » South Australia » Nullarbor Plain
December 8th 2009
Published: December 10th 2009
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Norseman (Western Australia) – Ceduna (South Australia). Plus de 1'200 km à travers deux fuseaux horaires. Pas une ville entre deux, seulement des terres inhabitées et inhospitalières, traversées d'est en ouest par un unique ruban goudronné. Des relais routiers toutes les 200 bornes, pour se ruiner à chaque passage à la pompe (eh oui, le concept et les bienfaits de la concurrence ne sont jamais arrivés jusqu'ici), casser la croûte et faire le plein de glace pour tenir le blanc au frais. The last place on earth where you would like to break down m'a-t-on prévenu. Et bien, on est pas passé bien loin ! Récit et enseignements de cette traversée fantastique.



Dernier jour en Australie occidentale



Ce matin du 1er décembre, en quittant le bourg de Norseman, qui n'est guère plus qu'un carrefour ponctué de quelques maisons et de stations essence, j'ai déjà 70 km au compteur. Une mise en bouche pour les 700 autres qui m'attendent jusqu'à la frontière entre les États de Western Australia et South Australia. Un panneau indique Adélaïde : 1934 km. Le prochain approvisionnement en essence, Balladonia, est à environ 200 km plus loin sur la Eyre Highway. L'unique route asphaltée qui traverse ces contrées porte le nom du premier occidental qui a fait ce petit bout de chemin, en 1841. Le soleil est déjà haut dans le ciel. Fenêtres ouvertes, chapeau et lunettes de soleil vissés sur la tête et musique à plein tubes, je commence à prendre conscience des distances à parcourir à mesure que s'égrènent les heures, au rythme des mêmes plages musicales. Deux cd, ça n'était définitivement pas assez ! Les aiguilles sont invariablement bloquées entre 90 et 100 km/h et autour de 2'500 tour/min, tandis que se déroulent les paysages, les caravaniers et les road trains mugissants, dont le déplacement d'air vous envoie valser sur le bord de la route.



Passé le premier relais, je m'offre un milkshake vanille pour rafraîchir l'atmosphère brûlante de ce milieu de journée et pour me donner du courage avant d'affronter le premier point d'orgue de ce road trip : 146,6 km de route sans le plus petit contour, juste en droite ligne. Le plus long segment du genre dans le pays ! Si l'on a pas entre les mains un bolide dont on voudrait tester la vitesse de pointe, on cale le volant avec une corde, on pose le pied de biche sur l'accélérateur et on pique un roupillon pour une bonne heure. Sauf que le danger peut aussi venir du ciel. Et oui, la route sert même par endroit de piste d'atterrissage d'urgence pour les avions en difficulté. Ah ? Reste plus qu'a garder les yeux ouverts.



Sacrés farceurs ces Australiens ! A mesure que l'on roule plus avant dans ce nomansland, on voit de drôles de chose sur le bord de la route. Les arbres d'abord. Certains sont décorés avec une remarquable recherche artistique, chaque arbre disposant d'un thème qui lui est propre. C'est ainsi que l'on peut successivement voir suspendus aux branches des casquettes, des bouteilles, des souliers, des gilets de sauvetage (si si), des tasses à café et même des slibards et des soutiffs ! Tout le nécessaire pour égayer la morne journée du routier. Et ce n'est pas tout. Apparemment, l'endroit semble avoir aussi inspiré certains nostalgiques en quête d'une dernière demeure pour leur caisse. On peut voir plusieurs épaves retournées sur le toit, toutes portes ouvertes, émerger au beau milieu des buissons. Mais la palme, je la décernerais à un autre puriste : celui qui est venu déposer un frigo à plus de 600 km de la ville la plus proche. Chapeau, beau geste, fallait le faire.



Welcome to South Australia



J'attaque la deuxième journée de route un brin fatigué par une nuit sans beaucoup de sommeil. Une douche salvatrice et un café bien amer au dernier relais routier avant la frontière me remettent d'aplomb, du moins pour quelques heures. Le passage en Australie du sud se fait sans le moindre contrôle, en dépit de la quarantaine sur les fruits et légumes que chaque État impose à ses voisins. En fait, les autorités ont déplacé le check-point à Ceduna, à près de 430 km de là, le premier endroit où les conducteurs se voient offrir le choix de deux routes asphaltées. Au fond, c'est bien vu, pourquoi se coûter à aller contrôler les véhicules au milieu de nulle part, du moment qu'ils passeront forcément par Ceduna.



C'est là, juste après la frontière, que l'on entre à proprement parler dans la plaine de Nullarbor. Les latinistes en herbe auront compris ce que cela signifie. Il n'y a en effet plus le moindre arbre sur près de 200 km, juste une espèce de garrigue verte offerte aux rafales de vents alternant avec des paysages de savane mordorée rappelant l'Afrique. Je crois au mirage lorsque, sur le contour d'une colline, mes yeux se posent sur le bleu de l'océan. Quoi, déjà ? Je ne m'attendais pas à le voir si proche. La côte, formant une gigantesque baie semblant s’incurver sous les assauts des vagues venues des quarantièmes rugissants, est appelée ici the Great Australian Bight. C'est une vaste réserve marine qui dévoile de spectaculaires panoramas de falaises désolées et déchiquetées ; une bonne occasion de se dégourdir un peu les jambes quelques minutes.



L'après-midi voit arriver progressivement le retour des arbres, puis des immenses propriétés clôturées, des champs de blé et des troupeaux de moutons. Assoupi par le rythme tranquille suivi tout au long de la journée, je sursaute lorsque, à la sortie d'une station service, le van me fait un freinage d'urgence tout seul, alors que je tentais de passer en seconde. Immobilisé sur la chaussée, je dois le pousser sur le bas-côté. Il se passe plusieurs minutes avant que la situation ne se rétablisse d'elle-même. Tout semble normal, comme le concluent aussi deux jeunes préposés à l'entretien des routes, sortis de nulle part pour venir me prêter assistance. Loin d'être rassuré, je repars encore plus tranquillement qu'auparavant.



Tout ira bien pour cette fin de journée. Je passe les contrôles de quarantaine à Ceduna et roule encore 100 km sur une route fréquentée presque uniquement par des colonies d'oiseaux colorés volant à hauteur de pare-brise. Tous survivront à mon passage. Nous avons donc plié cette grande traversée vers l'est en deux petits jours, un de moins que ce que j'avais initialement prévu. Fatigué, je ne songe ce soir-là qu'à prendre un jour de repos sans toucher le volant. J'allais être exaucé, en définitive bien malgré moi.



Renoncement



Se rendre ou non à Uluru, là où pulse le coeur rouge de l'Australie : le mythique Ayers Rock ? Ça a été la question girouette de ces premières semaines. Ne figurant d'abord pas sur la feuille de route, puis envisagé, voire même, à un certain moment, acquis comme une quasi certitude, c'est finalement en sortant de ces deux jours au volant que la décision s'est forgée : l'Ayers Rock attendra le prochain voyage. 1'200 km, au bas mot, pour s'y rendre, à travers le désert, la poussière et la chaleur, ça j'aurais pu parfaitement l'envisager, dans un de ces moments où l'âme du guerrier de la route refait surface et où l'odeur de l'essence raffinée devient la plus addictive des drogues. Le problème aurait plutôt été d'en revenir. Un retour obligatoire par la même route, ennuyeux, inenvisageable. Bref, j'ai finalement décidé de renoncer à ce tentant aller-retour d'une bonne semaine, pour égrainer celle-ci tranquillement le long de la côte... et puis, il faut bien se réserver quelques objectifs pour les prochains voyages, non ?



Streaky Bay : de l'art de tromper l'ennui



Boum ! Après le signe avant-coureur survenu au sortir de la plaine de Nullarbor, le petit monstre vert s'est immobilisé pour un moment dans le paisible village de Streaky Bay. Passage au garage du coin, où le verdict est tombé : boite à vitesses fusillée ! Je le savais : j'aurais dû faire mécano ! Fusillée ? A vrai dire, il me serait aussi possible de continuer comme ça, mais sans garantie aucune et avec le souci que le problème survienne à nouveau à chaque fois que je touche l'embrayage. Alors, plutôt que de traîner cette épée de Damoclès au-dessus de moi jusqu'à la fin de mon séjour australien, j'avais opté pour la coûteuse (et lente, ça je le découvrirai au fil des jours) option du changement de la pièce. Après de multiples aléas m'ayant fait passer par tous les états, la pièce promise n'est finalement jamais arrivée. Ça simplifie le choix ; il ne reste plus qu'à huiler le tout au maximum, être plus doux qu'un agneau en passant les vitesses et voir jusqu'où cela peut me mener.



Ce qui, en définitive, a été le plus frustrant, c'est l'attente, l'incertitude et leur corollaire : pour la première fois depuis mon départ, le sentiment de ne plus être libre. Paradoxal, et d'autant plus décevant, alors que précisément je voyais, peut être à tort, l'étape australienne comme un bouffée de pure liberté au volant de mon propre véhicule. Non, de l'achat à la revente en passant par l'entretien, ce sont aussi des contraintes, certes différentes. Bon, cela ne devrait cependant pas suffire à remettre en question la suite immédiate du voyage, toujours le volant entre les mains, mais ça m'aura remis les idées en place et ouvert les yeux. J'aurais dû choisir le vélo !



Alors la question à deux dollars qui m'a taraudé ces derniers temps : qu'est-ce qu'on peut bien faire durant six jours dans un hameau de 1'000 habitants à peine, juché au sommet de la côte ouest de la lointaine péninsule de Eyre (oui, encore lui) ? Et bien, on ne fait pas grand-chose les premiers jours, chaque matin presque persuadé de pouvoir repartir et beau déçu l'après-midi en apprenant que la décision sera reportée au lendemain, la faute aux délais de commande de pièces, aux imprévus ou au week-end. C'est fou ce que ça paraît ennuyeux et inutile les week-end, quand on ne bosse pas. J'ai eu vite fait le tour du village, ses trois rues, ses deux magasins et ses deux églises, arpenté vingt fois la promenade au bord de l'océan, testé méticuleusement les trois toilettes publiques et les cinq bancs ombragés mis à disposition par la municipalité, nargué les mouettes en dégustant mes chocapic au petit-déjeuner, pesté contre les rafales de vent et béni l'étrange absence de sandflies, bravé six fois la loi interdisant le camping en ville en pieutant dans le van, taillé le bout de gras avec les vieux au café du coin, infiltré incognito les douches du camping,... Puis, lorsque le problème fut à peu près fixé, la solution presque posée et le délai globalement estimé, je pus prendre les mesures qui s'imposaient pour vaincre l'ennui et me faire une amie de l'immobilité forcée. Cela m'a donné le temps de fignoler cette entrée, de finir le vieux conte épique chinois que je trimballais avec moi depuis Pékin et d'entamer conséquemment (plus de deux cents pages, un record pour moi en si peu de temps) The Shock Doctrine, un bestseller économico-politico-explosif qu'un voyageur m'avait offert dans le train entre la Mongolie et la Chine, de graver de nouveaux cd musicaux, de préparer mes envois postaux de fin d'année, d'écrire quelques pages pour un futur jeu de rôle et de profiter de la parade de Noël locale, lors d'un dimanche ensoleillé. Avec le recul (beaucoup de recul), je me dis que ça n'a finalement pas été si mal de ralentir le rythme durant cette petite semaine, contre nature mais riche d'enseignements.


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11th December 2009

Salut le Cow-Boy Sibiste ! Je sens que tu as eu de la peine à faire la photo de la sibi sans te marrer ^^ Croisé "Ourson éloquent" ? Et Bufort T. Justice ? Ou alors plutôt Umungus ? T'as pensé à trocker ton van contre une monstre camion? ^^ ou une harley? ça doit être de la bonne ça :D J'espère que ton..... HIVER ce passe bien :) Allez bonne suite dans la découverte des terres de Mel !
11th December 2009

Van, on compte sur toi !
Le petit van vert doit être sympa avec notre aventurier... qu'allons nous devenir ? Il nous faut la suite du voyage, si bien contée .....
13th December 2009

Ahhh l'Autrsalie!!! Ca fait plaisir de relire ces nom de bled que j'avais oublié. T'as du te faire la fameuse route "route droite la plus longue d'Australie" avant de te lancer à travers le nullarbor... Si tu vois le "Capt'ain" salue le bien de ma part, il doit être quelque part sur la côte est s'il est toujours en vie.
16th December 2009

contente que tous les oiseaux sont tjs vivants après ton passage, c'était pas gagné d'avance :)
18th December 2009

lol eh oui, on ne rigole pas avec ca ici ! C'est pas comme chez nous ou ils sont bien éduqués, les oiseaux volent tres bas sous ces latitudes :D Depuis que j'ai fait une victime en Afrique du sud l'année derniere, je me méfie :)
21st December 2009

he he salut les précurseurs ! Et oui, j'ai suivi un peu votre route mais dans l'autre sens. Si je vois encore clair apres Nouvel-An (pas gagné), j'ouvrirai grand les yeux a Sydney, si je vois passer le Captain, je lui lance un coup de klaxon, promis :)

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