Lompoul, Sénégal (ou Le Veilleur de Nuit)


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Africa » Senegal » Saint-Louis Region » Lompoul Desert
March 7th 2018
Published: March 15th 2018
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5-6 mars

(Toujours à Saint-Louis)

"L'Occident à la montre, l'Afrique à le temps"

Proverbe Africain



Je prévois rejoindre bientôt Dakar, pour ensuite partir vers le sud, vers le Sine-Saloum.

Mais avant de retourner sur la capitale, j'aurais bien aimé me pauser pour une nuit dans ce campement du désert de Lompoul, à mi-chemin entre Saint-Louis et Dakar, dont mon guide en papier fait mention.

Par contre, ma recherche d'excursion ici demeure infructueuse pour le campement de Lompoul.

Le tourisme est en déclin au Sénégal, et hors des tours opérateurs, les routards se font tout de même rares en Afrique de l'ouest.

Si je veux bien mener à terme mon plan donc, je n'aurai pas d'autre choix que de me rendre au campement par moi-même.



"Pas compliqué" que me répondra Babacar la courtepointe en me griffonnant des flèches et des prix sur un bout de papier.

Pas trop compliqué certes, mais pas sans un peu de jonglerie tout de même.

...



Je me rend d'abord à la gare routière extérieur de Saint-Louis en taxi,

et me fait pointer un taxi-brousse dans le sérieux brouhaha mécanisé du stationnement.

La gare routière a des allures de derby de démolition avant l'affrontement.

Quelque part dans l'arène, l'une des bagnoles bosselées sera mon carrosse pour Kébémer, village de carrefour entre Saint-Louis et Thiès.



"Thiès? Thiès!" qu'on m'aboie alors que j'approche des boîtes de tôle alignées en dominos.

"Thiès avec arrêt à Kébémer" que je précise à un sénégalais au sourire accidenté.

"Oui oui" qu'il me dit, tout en ouvrant le coffre arrière d'un bazou en lui assenant un fort coup de pied.

"D'accord" que je lui répond, en serrant mon packsack entre deux poches de riz dans l'arrière-train du -7 places- grippé.



Comme son nom l'indique, le -7 places- (ou taxi-brousse) accueille 7 passagers... et démarre seulement lorsqu'il est plein.

C'est ainsi que j'y prend place donc, collé à une baudruche plutôt coquette qui sent fort la noix de coco.



Ici encore, l'ombre des orphelins s'immisce dans les espaces vides entre les voitures et la foule, les sans-famille se collant aux fenêtres avec leurs frimousses gluantes, cholériques et chagrinées.



Par l'interstice de ma fenêtre, un vieil homme en papier-mâché essaye de me vendre des coupe-ongles et des Kleenex.





Un passager de plus entre dans notre taxi-brousse: un échassier recroquevillé s'assied derrière, genoux au plafond comme un N majuscule.

Et puis un autre aussi: un paternel en tunique et son mioche en coton-ouaté (l'enfant ne compte pas dans les 7 passagers exigés).

Et ainsi de suite,

jusqu'à ce que le bolide soit plein.



Le chauffeur tire alors sur un cordon caché dans sa portière:

sa porte s'ouvre.

Il prend place et fait démarrer l'engin qui se met rapidement à se racler la gorge en crachotant noir.



Et c'est ainsi qu'on prend la route, après + ou - 1 heure d'attente (seulement) à la gare routière de Saint-Louis.



...



Il fait chaud dans le taxi-brousse.

Plus le mois de mars avancera, plus la température extérieure augmentera sur le Pays.



Quelques arbres à girafes (comme dans les livres) poussent en tic-tac-toe dans le décor aride.

Sous leurs ombrelles, des chèvres et des ânes ont trouvés refuges au dur soleil africain.

...



Après de nombreux arrêts, le taxi-brousse finit par se pauser à Kébémer.

Je me dévisse du reste du groupe et apparaît dans le carrefour bruyant de la ville en m'étirant.



À partir d'ici, je dois trouver un moyen de me rendre à Lompoul village.... à plusieurs kilomètres de route vers la brousse par-là.

Je demande aux villageois comment m'y rendre

alors qu'un groupe d'adolescents énervés m'interpellent et me pointent un camion-grille-pain qui pouffent des sales nuages de diesel un peu plus loin sur la route.

On se met donc tous à courir vers la machine, eux en riant, excités de voir un toubab (un Blanc) hors d'un véhicule privé.



Je m'accroche à la ferraille d'un coup, sans trop me soucier de la légère inquiétude qui tranquillement s'allume en moi.

Taxi clandestin: j'espère bien que je m'élance dans la bonne direction.



Dans l'engin, les adolescents me questionnent en wolof alors qu'on part vers les champs brûlés.

Je souris en sueur: "Lompoul village"

On ne se comprend pas.

Pour la première fois au Sénégal, je sens qu'on m'analyse.

Un jeunot qui semble être le chef de bande me fixe et m'emphase dans le véhicule.

"Donne montre" qu'il m'ordonne, anodin, sous le regard de ses amis.

"Non" que je lui répond en esquissant un sourire.

"Pourquoi?"

"Parce que j'en ai besoin" que je lui lance en haussant les épaules.



"Quelle heure?" qu'il me relance.

"1h36" que je lui répond en posant mes yeux sur ma montre.

Tous se mettent alors à rire sans que je comprenne trop pourquoi.

Je me met à rire aussi.

Je suis le dindon de la farce.



C'est confirmé: il y a effectivement peu de touristes qui se rendent dans les dunes de Lompoul en transport en commun.

...



À partir de Lompoul village, c'est un 4X4 qui viendra me cueillir.

C'est que le campement est positionné hors de la route, au pied d'imposants bancs de sable formant une muraille protectrice pour les tentes maures en toile, rectangulaires comme des fourneaux.



Au centre du campement, un bar fixé sur le sable tient lieu de rassemblement pour les toubabs.

Il y a quelques groupes à mon arrivée.

Pas plus d'une dizaine de personnes au total.

Je me poste alors tranquille sur une chaise longue, pour relaxer un peu dans le tiède vent du désert.



J'ouvre les yeux après moins d'une heure de sieste...

et voilà que l'oasis est gonflé au maximum de vacanciers.

Nous sommes maintenant une soixantaine dans le campement : des familles, des enfants et des groupes scolaires.



Sur le mur de sable derrière le bar, un guide apparaît soudainement, tirant cinq dromadaires près d'un coin ombragé par des arbustes courbés comme des acteurs saluant le publique à la fin d'une pièce de théâtre.

C'est là que les dromadaires s'exposeront, couchés sur un coin de plage aux allures de grande litière.

C'est clairement ici leur salle d'attente habituelle.

Bientôt, les groupes de touristes viendront, tour à tour, s'enjouer devant les bêtes pantouflardes en se payant des promenades en carrousel, riant sous les plaintes caverneuses des dromadaires insoumis.



Pour ma part, fixant la dune la plus éloignée, je me tracerai une route dans le sable teinté par la fin du jour, et m'éloignerai vers l'horizon.



C'est à se sentir tout petit, pieds nus dans le désert.

...



Le soleil finalement s'éteint sur le campement, et le Sénégal dépliera son ciel noir percé de millions d'étoiles.

Il n'y a pas de dévoilement stellaire plus grandiose qu'une nuit passée dans le désert.



Après un repas communautaire, quelques rastas se mettent à enflammer des troncs d'arbre imbibés de kérosène au cœur du camp.

Ils sortiront ensuite leurs djembés pour rythmer le digestif.

Les africaines sortiront de derrière leurs fours aussi, piétinant le désert, presqu'épileptiques autour des flammes secouées par une fraîche brise venant du derrière des dunes.

Les silhouettes des femmes en transe s'étireront jusqu'à disparaître dans la noirceur du campement.



Il y a ici presque communion entre leurs ombrages et la nuit africaine.

L'embrasement est un veilleur de nuit.



...



Je quitte la fête qui tranquillement s'atténue pour rejoindre mon lit de l'autre côté de la dune.

Mon abris s'accroche en croissant de lune avec le reste des tentes secouées par l'haleine du désert.

Des lampes à l'huile éclairent chacune des entrées.

On dirait presque des étoiles,

on dirait presque le reflet du ciel troué de Lompoul.





7 mars



Je me lève mollement de ma paillasse alors qu'un trait de lumière s'étire jusqu'à moi.

Le jour s'entrevoit par la fente d'entrée de la tente.

Il est 9h30AM, et la grande majorité des groupes de touristes ont déjà quitté le campement.

L'horaire des tours opérateurs est réglé au quart de tours.



Je mange quelques miettes d'un buffet laissées par la marée haute touristique et quitte en 4X4, première étape d'une désagréable série de transports en commun me faisant débouler jusqu'à Dakar.

(Je vous épargne ici les péripéties des 6 transferts (!?), des taxi-brousses merdiques et du 2 heures de trafic sur Dakar...)



Je retrouverai ainsi la sérénité de la maison de Martine.

...



Après mes découvertes au nord du Sénégal, me voilà qui m'élancera bientôt vers le Sine-Saloum au sud, et peut-être la Casamance même, serrée entre la Gambie et la Guinée-Bissau.

Ça reste à voir: c'est loin la Casamance.



Etienne X



Notes à Moi-même:

1- Amener une chèvre en voyage? Pas de problème: mettez la sur le toit du taxi-brousse.

2- Vous frappez une chèvre sur la route? Pas de problème: Achevez ses souffrances et ramener la viande à la maison.


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