Salvador da Bahia - 15 au 21 mars 2012


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March 20th 2012
Published: March 21st 2012
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Salvador, capitale de Bahia, est la 2e ville touristique du pays. De fait, le Pelourinho, la ville haute sur sa colline, est envahie de touristes de jour, et désertique à partir de minuit / 1h00, quand les policiers quittent les lieux. Il est conseillé aux touristes de ne se déplacer qu’en taxi, même pour les petites distances. Pour être rentré à mon hôtel à pied, vers la fin de soirée, j’ai vu comment seuls les habitants les plus pauvres restent dans la rue, en groupe, quelquefois alcoolisés ou bien sous l’emprise du crack qui fait des ravages ici. Ils sont en groupe, et il est des quartiers du centre où les Salvadoriens eux-mêmes ne s’aventurent pas. Je demandais à l’un d’un si je pouvais rentrer de la ville basse à la ville haute à pied, après un concert, soit vers 22h (la ville basse, portuaire et commerciale, est désertée dès la nuit tombée, sauf pour quelques lieux bien précis dont le Musée d’Arts Modernes où avait lieu le concert). « Oui, me dit il, ce n’est pas loin…mais ça s’appelle une tentative de suicide." Salvador, contrairement à Rio, a gardé un taux de criminalité très élevé… J’ai pris un taxi. La population de SDF qui erre dans les rues de Salvador la nuit vit de récupération (bouteilles en plastique, métaux mis aux poubelles etc) et de larcins. Ils trainent immanquablement leurs gros sacs derrière eux. Hommes, femmes, enfants, jeunes et vieux, tous les âges sont représentés. En voyant les enfants de 8-9 ans, je pense toujours aux héros de Jorge Amado, dont les livres (Bahia de tous les Saints, Capitaine des sables) décrivent justement la vie de ces enfants des rues, qui à l’époque d’Amado il y a 70 ans, vivaient dans la ville basse, sur les docks abandonnés la nuit, et montaient pendant le jour pour mendier et voler. Le Pelourinho était alors encore habité par les classes moyennes. J’ai du fait de ces lectures beaucoup de tendresse pour ces enfants en lesquels je reconnais les successeurs des personnages d’Amado, et j’ai payé un repas à deux d’entre eux. Ils savent m’attendrir. Amado décrit leur cinéma et je ne devrais pas être de dupe de tout ce qu’il me disent, mais j’ai décidé d’être bon public.

Par l’entremise d’une agence de tourisme, Bahia Métisse, tenue par Anne, une Toulousaine, et son mari Brésilien, j’ai passé une journée dans une Favela (il faudrait dire « communauté » pour être correct) de pêcheurs, Gamboa. Nous n’étions que trois : Anne, David (touriste de Chicago, francophone) et moi. Anne a organisé la visite sous le signe du tourisme solidaire ; elle rémunère bien le pêcheur qui nous emmené sur sa barque (l’équivalent de 35 euros pour 2-3 heures), et se met d’accord avec la présidente de la communauté pour acheter ce qui manque à certaines familles. Cela va de sacs poubelle à des ingrédients pour préparer un gâteau d’anniversaire pour un enfant.

L’entrée de la Favela se trouve sous un pont de la Rocade qui longe la mer. On descend alors directement vers la rive rocheuse. Les maisons sont évidemment très modestes, mais on sent que la communauté existe ; tout le monde se connait, se dit bonjour ; il vaut mieux, pour une première fois, être accompagné de quelqu’un qui connait du monde, car une présence étrangère intrigue et on viendrait vous demander ce que vous faites là. Les étrangers peuvent en effet être des flics en civil venus repérer les planques des dealers pour une prochaine descente, certains coins de Gamboa étant malheureusement aussi des lieux de trafic de crack. Mais l’impression est positive et amicale. On connait Anne et on sait qu’elle apporte du business à certains. Les enfants sont là (on est samedi, pas d’école), turbulents comme partout. Les gens ont l’air heureux. Le décor est splendide On est très loin de l’idée qu’on se fait en France d’une Favela. Après la ballade en barque, nous mangeons sur la margelle qui borde la mer. Un plat rempli de rougets, du riz et du pirao (purée de tapioca), pour moins de 4 euros par personne (20RS pour trois). Les enfants plongent et font du bruit, les adultes attablés boivent des bières et mangent, c’est gai, chaleureux, simple et franc. On a envie de rester et les gens nous y incitent (« Fica a vontade ! »). On pense aux cités françaises en se disant avec Aznavour que la misère est moins pénible au soleil.

Le tour en barque est intéressant, car Gamboa est situé juste en dessous du quartier résidentiel le plus cher de Salvador, Graça. Les immeubles de luxe se dressent aux dessus de nous. Des ascenseurs descendent les résidents jusqu’aux pontons d’ où ils peuvent se baigner ou mettre leurs jet-skis à l’eau. Sur un simple coup de fil, un stewart du Yacht club de Barra, à côté, leur apporte leur bateau au ponton. La grande vie, à quelques mètres de la pauvreté. Les relations sont pourtant bonnes entre les deux mondes ; en passant à proximité de certains pontons, Franco, notre pêcheur, plaisante avec les résidents qui se font bronzer. Etonnant Brésil, où les différences de richesse sont encore plus importantes qu’en France, mais où des représentants des deux mondes peuvent discuter le bout de gras ! Une forme de fatalisme peut-être…c’est ainsi, et il serait illusoire de penser que ça pourrait changer, alors pourquoi agir selon les principes de la lutte des classes ?

Le lendemain, je vais manger une crêpe à la Marina de la ville basse avec la patronne de l’hôtel et Emanuele, une jolie métisse aux yeux verts qui a su trouver les arguments pour me convaincre de rester quelques jours de plus à Salvador. L’endroit ressemble en tous point d’un resto de Marina qu’on pourrait trouver en Europe…Sur le parking, des Porsche, BMW. De beaux yachts amarrés. Les prix aussi. 20 euros par personne pour une crêpe, un jus de fruits et un café . Si vous avez suivi, nous avons mangé hier un repas complet pour 4 euros. Nous allons après cela faire les courses dans un supermarché (Perini). Là encore, grande similitude avec nos supermarchés, et les prix sont comparables. Bien sûr, les clients font partie de la classe supérieure ou moyenne supérieure.



Salvador est la capitale de la Capoeira, art martial des esclaves noirs, qui ont transformé les gestes de combat en danse. Un soir vers 22h, je suis tombé sur la fin d’un cours de Capoeira et ai passé 30 minutes à parler avec le prof une fois la salle vide. Première vraie conversation en portuguais, hors des conversations de touriste (transport /hotel/ resto). Je comprends pas mal, et nous nous montrons des mouvements, lui de capoeira, moi de boxe chinoise, comparant les points d’impact, les prises.

Nous parlons des rapports entre la capoeira et la candomblé, car Bahia est aussi la capitale du cadomblé ou macumba, la religion africaine du vaudou, peuplée d’Orishas (les Dieux : Oxala ; Xango, Iemanja, Odum etc), de sorts, cérémonies d’initiations avec sacrifices d’animaux. Je crois avoir compris que les adeptes de cette religion peuvent être catholiques aussi, car les Orishas ont souvent leur correspondant parmi les Saints : Oxalà est aussi le Senhor do Bomfim, cad Jésus. Ce syncrétisme, accepté par l’Eglise catholique qui espérait peu à peu phagocyther le cadomblé, lui a en réalité permet de perdurer. Il existe aujourd’hui plus de 1000 terreiros (lieux de culte) candomblé à Salvador, et on peut assister à une cérémonie (ce que je n’ai pas fait) .

Si la religion catholique vit en assez bonne entente avec le candomblé, ce n’est pas le cas de l’Eglise évangéliste, très active dans son prosélytisme (je les ai vus sillonner la favela aussi). Pour eux, le candomblé est l’incarnation du Mal .

C’est pourquoi je suis très surpris quand Zoinho, le prof de Capoeira, me dit que le Maître de l’école s’est converti Evangéliste. La capoeira est la danse des esclaves africains, le macumba leur religion, les passerelles sont fortes entre les deux (certaines danses des cérémonies macumba sont reprises dans la capoiera et vice-versa) . Mais les Brésiliens semblent doués pour s’accomoder de telles contradictions. On est loin du rationalisme européen.


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