Liban, troisième jour. Tyr, Sidon.


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Middle East » Lebanon » Tyre
July 6th 2014
Published: August 7th 2014
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Sud Liban

Sidon (Saïda) Tyr (Sour)

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Affiche du Hezbollah
6 juillet, troisième jour. Tyr & Sidon.







13:31, Sidon, café.

Au programme de cette troisième et avant dernière journée au Liban : le Sud avec Tyr, et Sidon. Levé aux premières lueurs, je prends mon premier « service » pour me rendre à Cola. Les services sont un moyen de transport très courants au Liban. Ce sont en fait des espèces de taxis collectifs : le chauffeur ramasse et dépose des gens les uns après les autres à l’endroit de leur choix. C’est assez avantageux car, en plus d’être convivial, le prix de la course est divisé par le nombre de personnes qu’il y a dans la voiture. Au début, c’est assez déroutant surtout que tout le monde parle arabe, mais « Cola » est une station assez importante pour que je sois compris.

Cola, hub des véhicules qui partent vers le Sud, est un bordel sans nom, où je n’entends parler qu’arabe et où tout part dans tous les sens. Je finis par trouver un minivan qui part pour Sidon. Il n’est pas plein, donc on ne part pas, ce qui me donne le temps de m’assurer du prix de
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Murs criblés de balles
la course avec le chauffeur. Quand il voit le gros billet que je lui tends, il me dit qu’il n’a pas la monnaie, et m’envoie vers un homme en plein milieu du carrefour. Je lui donne mon billet de 50 000 livres, et il commence à me rendre des billets. 10-20-30-40. Je compte au fur et à mesure. Voyant que le compte n’est pas bon, je lui fais comprendre avec insistance. Quand il me regarde droit dans les yeux en me disant « Hey, relax », je réalise alors que je suis complètement paranoïaque. Avec le recul, je me rends compte que je suis quasi constamment dans l’anticipation d’une arnaque, et que je ne veux tellement pas me faire avoir, que je peux être parfois un peu pressant et vindicatif. Sauf que concrètement, personne n’a jamais voulu m’escroquer. Nouveau syndrome : la parano du touriste.

Je m’excuse avec un sourire gêné, et regrimpe dans le minivan qui s’est rempli entre temps. L’ambiance est vraiment sympa : il y a de la place pour une douzaine de personnes, mais on est généralement seize ou dix-sept. Et alors qu’on s’élance à fond de train sur l’autoroute toutes fenêtres ouvertes, et serrés comme des sardines, je respire avec bonheur l’air frais de l’aventure.

A peine arrivé à Sidon, je cherche (et trouve !) un bus pour Tyr. Moins d’un quart d’heure plus tard, on fonce vers le Sud ; je commence à attraper le coup de main. Après une bonne demi-heure de route et quelques checkpoints, nous voilà à Tyr. Toujours ce petit moment d’angoisse mêlé d’excitation en sortant seul du bus qui nous dépose on ne sait où dans la ville : qu’est-ce qui m’attend ?






Tyr (Sour) :

Fondée au IIIème millénaire avant l’ère chrétienne, la ville connait cependant son âge d’or à partir du Xème siècle avant J-C. Construite à l’origine sur une île, Tyr la phénicienne était la reine des mers. Ses commerçants entreprenants sillonnaient la Méditerranée, et ont répandu l’alphabet phénicien. Sa richesse, elle la tenait de ses colonies dispersées sur les rivages de la Méditerranée, mais surtout de son industrie de la pourpre. Aussi fut-elle le point de mire des grands conquérants de l’Antiquité, parmi lesquels le babylonien Nabuchodonosor et le macédonien Alexandre le Grand.







Ce qui m’attend est légèrement différent de ce qu’indique la brochure touristique. Encore une fois, l’ambiance est pesante et tendue, mais pas de la même façon que la veille. Contrairement à Tripoli où c’était du style patrouille américaine à Falloujah où tu t’attends à des coups de feu ou à un attentat suicide, ici, c’est plus le genre fief du Hezbollah. On est dans le Sud-Liban, sur le plateau du Golan, c’est-à-dire à quelques kilomètres seulement de la frontière avec Israël. C’est d’ailleurs de cette région que viennent les roquettes du Hezbollah qui frappent le nord de l’Etat juif. Un peu partout, on peut voir des portraits de jeunes hommes portant un turban pour la plupart sur les grands panneaux de la ville. Une inscription arabe accompagne la photo, ainsi qu’une kalachnikov. J’en déduis que ce sont très certainement des martyrs morts pour le jihad.

Le décor est rapidement planté : juste à côté du rondpoint où le bus nous dépose, j’aperçois un magasin dont les seules inscriptions en anglais sont « street warrior ». Un bref coup d’œil et, encore une fois, fusil d’assaut et grenades sont en vente libre. Je jette un coup d’œil sur un toit qui attire mon attention : des blocs de béton, des sacs de sable et des barbelés en font un nid parfait pour un sniper ou un street warrior. De nombreux murs sont également criblés de balles.

A peine sorti du bus, des « taxis » me hèlent, mais un homme les éloigne comme des mouches d’un revers de main, et me demande (en anglais !) où je vais. Les seules infos que j’ai proviennent de la minuscule carte sur le dépliant de Tyr, qui m’est d’une utilité toute relative. Je la lui montre, et pointe El Baas, l’endroit où se trouvent les ruines. Il m’annonce avec un sourire que l’on est à El Baas. Désemparé, je lui montre la photo des ruines, et il me prend alors par le bras pour que je le suive.

Plutôt réticent (paranoïa du touriste !), je m'exécute néanmoins. Après qu’il m’ait indiqué la route, il me demande d’où je viens. Il baragouine alors quelques mots en français, et éclate de rire en me serrant la main de façon amicale. Une oasis de bonheur au milieu de ce désert menaçant.

Je poursuis sa route, et retrouve rapidement mes esprits quand je vois un casque bleu sur un char blanc de la FINUL (Force Internationale des Nations Unies au Liban) en train d’observer la zone. Je finis par arriver devant l’entrée des ruines, et pars à la découverte de ces vestiges du passé en faisant détaler les gros lézards qui se dorent au soleil.

Le site est assez grand, et comporte une grande voie orientée d’Est en Ouest qui conduisait vers la ville. Cette voie, construite à l’époque romaine, puis byzantine, à l’emplacement même de la digue d’Alexandre, était bordée de portiques et coupée par une porte monumentale aussi appelée arc de triomphe à trois baies. Elle était en outre jumelée à un aqueduc qui amenait, des sources de Ras el Aïn, l’eau destinée aux besoins de la ville.

De part et d’autre de cette voie s’étend une vaste nécropole qui comporte une grande variété de construction et d’enclos funéraires, ainsi qu’un nombre impressionnant de sarcophages de matériaux, de types et de décorations divers. La date de l’ensemble se situe entre le IIème, et le VIème siècles de l’ère chrétienne. Absolument seul, le temps s’arrête, et moi qui ne me savais pas fan d’architecture romaine et byzantine passe un moment privilégié au milieu de toutes ces ruines, avant de revenir à la réalité, plus terne.

Je trouve rapidement un bus, et arrive à Sidon après avoir croisé deux portraits de Bachar al-Assad sur la route.







Sidon, à 48 Km au sud de Beyrouth, est l’un des sites les plus prestigieux de la côte libanaise. Son histoire ancienne demeure pourtant enveloppée de mystère, non seulement par manque de fouilles archéologiques systématiques mais encore parce que son patrimoine a été en partie pillé et dispersé par les chercheurs de trésors et les amateurs d’objets d’art du 19ème voire du début du 20ème siècle.

Aussi, le visiteur d’aujourd’hui se doit-il de faire un effort d’imagination pour tenter de retrouver par-delà les quelques restes subsistants, de la gloire de la ville sainte de Phénicie. Capitale du Liban sud, Sidon, Saïda en arabe, est un centre commercial très actif qui n’a pas totalement perdu l’atmosphère des villes côtières traditionnelles. Dominée par une citadelle et ouverte sur un port, le troisième du Liban, elle continue, comme par le passé, d’être entourée de jardins potagers, de bananiers et de citronniers. Et tandis que ses vieux quartiers gardent toujours leur charme médiéval, ses rues principales sont bordées de boutiques modernes où s’accumulent toutes sortes de marchandises et de pâtisseries.







En passant devant la Grande Mosquée, je me décide à y entrer. Je suis fasciné par les mosquées, mais n’ose jamais y entrer, de peur de gêner, ou de ne pas savoir quoi faire au milieu des croyants.

Je me décide enfin : j’entre, fais quelques pas, et oups, première erreur !, me fais houspiller par un vieux qui médite à l’entrée. J’ai marché sur le tapis pourpre avec mes chaussures. Comprenant ma bévue, je les retire aussitôt, et hésite devant les deux portes qui s’offrent à moi. Je vois quelqu’un qui sort de l’une d’elle et lui demande si je peux visiter. J’ai de la chance, il parle très bien anglais… et est adorable. Il me propose de le suivre et me demande d’où je viens, si je suis musulman. Il sourit quand je lui réponds que non, et m’emmène dans une espèce de salle de bains avec une dizaine de sièges et de robinets.

Il commence alors le rituel des ablutions : d’abord les mains, en frottant bien fort sur les poignets, puis la bouche (bain de bouche, puis on recrache, surtout en période de ramadan !), puis le nez : on inspire l’eau puis on l’expire, les avant-bras en insistant bien sur les coudes, le visage, les cheveux, la nuque, et enfin les pieds. Le tout, trois fois. Il me regarde avec un sourire, et me dit « à toi maintenant ! ». Scrupuleusement, je reproduis les gestes que je viens de voir en me trompant une fois ou deux dans l’ordre (important !) des parties à laver.

Une fois terminé, je me sens super frais et propre (l’équivalent d’une douche imprévue en ce milieu de journée brulante), et le suis dans la salle de prière. Très grande, couverte de tapis pourpre et or, elle est quasiment vide et n’abrite qu’une dizaine de fidèles. Quatre ou cinq vieux lisent le Coran tout au fond, cinq ou six prient, et un dort dans un coin. Devant mon air étonné, il me dit que les fidèles viennent souvent ici se reposer pendant le jeûne.

Il m’emmène alors tout au bout de la pièce où un vieux monsieur accroupi lit le Coran. Il me le présente comme le cheikh je-ne-sais-plus-quoi, imam de la Grande Mosquée. Ce dernier me serre la main : « que la paix soit sur toi ». « Bah écoute, sur toi aussi mon pote, aleikum salam ! ».

On s’éloigne, et mon guide qui a envie de bavarder, commence à discuter : apparemment très peu de français viennent ici, et encore moins en bus. Il me dit que je peux prendre des photos si je le souhaite (je trouve quand même ça un peu gênant au milieu des vieux qui se recueillent), et m’indique les principales attractions de la ville. Apparemment, il faut éviter la vieille ville. « Pourquoi, c’est dangereux ? ». « Non, mais tu pourrais te perdre ». Je finis par quitter les lieux, non sans l’avoir remercié avec effusion. Des rencontres comme celles-ci ou comme celle de ce matin, font du bien à la réputation des Libanais, qui était assez basse dans mon estime. Je généralise, je le sais bien, mais voir autant de gens fermés et durs, c’est assez frappant.

Avant de rôtir, je me recouvre de crème solaire, balayée par mes ablutions. Il vaut mieux, parce que sous le soleil de midi, la chaleur est assez insoutenable.





15:48 Sidon, plage.





Je passe le long de la mer, et croise les ruines d’un château… dans la mer, construit à cet endroit par les croisés pour protéger le port. La plage qui borde la ville m’appelle à grands cris, mais je remets ça à plus tard. Je continue de longer la côte, croise le port, m’attarde un moment à regarder les pêcheurs, et tombe nez à nez avec trois pélicans tranquillement posés sur une table devant la jetée.

Mes pas me mènent naturellement vers les ruelles marchandes et l’intérieur de la ville. De fil en aiguille, ou plutôt de ruelles en ruelles, je m’enfonce dans un véritable labyrinthe où les allées sont de plus en plus étroites. A tel point qu’au bout d’un moment, la lumière du soleil ne passe plus (alors qu’il n’est que 14h). Enormément de gens habitent ici, et le souk dans lequel je me balade n’est que le premier niveau ; le deuxième est au premier étage des maisons aux pierres ocres et aux volets boisés.

Plus je m’enfonce, plus il fait noir, et plus les rues sont resserrées. « N’allez pas dans la vieille ville, vous pourriez vous perdre ». La réflexion que je trouvais hyperbolique sur le moment me semble tout à coup très pertinente. La peur commence lentement à monter. Les seuls touristes que j’ai vus depuis trois jours sont en tout et pour tout un groupe de voyageurs français très bien encadrés par un guide libanais. Si concrètement, je me fais enlever au coin d’une ruelle noire et perdue, quelle marge de manœuvre j’ai ? Absolument aucune. J’en reviens presque à regretter l’absence de soldats fans le souk.

Avec le recul, je vois que je suis un peu... comment vous dites ? Paranoïaque. N’empêche qu’à certains moments, j’ai eu peur. En vain, car la seule chose (que j’ai trouvée violente) qui me soit arrivé, c’est qu’un enfant de six ans me tire dessus avec son pistolet en plastique. Si une milice ou un parti fanatique lui en met un vrai entre les mains, je ne suis pas sûr qu’il fasse la différence, mais c’est une autre chose.

Je suis la lumière et réussis enfin à sortir de ce souk. C’est dommage car, à part l’angoisse, je l’ai trouvé magnifique. Tout d’abord, les rues étroites aux volets boisés et aux tentures qui s’agitent au vent ont un cachet indéniable. Ensuite, l’alternance constante entre le noir quasi-total en dessous des porches, et la lumière éclatante du soleil qui arrive à percer est assez déconcertante. Enfin, parce qu’il propose absolument tout, et notamment de la nourriture. Les odeurs font tourner la tête, et les pâtisseries me font baver.

Alors que je me remets de mes émotions dans un café autour d’un jus d’oranges pressées, je me dis que cette réaction de peur était idiote. Le fait d’être absolument seul, et de ne pouvoir compter sur personne me fait exagérer les choses. Autant, à Tyr ou à Tripoli, il y a des photos que je n’ai pas osé prendre, et des ruelles où je ne me suis pas risqué (et c’était à mon sens justifié), autant là c’est beaucoup plus sûr. De toute façon, le meilleur moyen de ne pas avoir peur de remonter sur un cheval après une chute, c’est d’y retourner immédiatement : c’est reparti.

Si je suis toujours sur le qui-vive, je savoure un peu plus le charme indéniable de l’endroit. Je renonce aux avances des pâtisseries avec beaucoup de regret (je ne préfère pas risquer de tomber sur une cacahuète embusquée), et achète trois cigares marocains à un vieux monsieur très aimable. Je continue mes emplettes, et jette mon dévolu sur quelques beignets aux épinards et un jus de mangue frais à un vendeur adorable.

Je mets ma collecte dans mon sac, et fonce vers la plage pour un festin bien mérité. A l’abri des regards affamés et assoiffés, je me délecte de ces merveilles, avant d’aller plonger dans l’eau (oui je sais, c’est pas bien). Tiède et transparente, elle est agitée par de gros rouleaux dans lesquels je plonge et replonge allègrement.

Posé sur ma serviette, musique dans les oreilles, je laisse mon esprit se perdre. A un moment, je réalise quand même : je suis, tout seul, sur la plage de Sidon, au Liban, voyage complètement fou que j’ai décidé et organisé tout seul. Je souris. Moi qui aime me rabaisser, je suis pour une fois fier de moi. Et en m’allongeant sur ma serviette… je me dis que ça vaut totalement le coup.

Je suis réveillé par les appels à la prière des muezzins des deux mosquées derrière moi : j’étais tellement bien que j’ai fait une petite sieste improvisée. Retour rapide en bus, à Cola d’où je retraverse la ville pour rentrer à Saifi, où je constate que mon chargeur me lâche et tombe en panne. Génial.

Je suis KO et je n’ai pas faim, mais je me force quand même à aller faire un tour. En effet, je n’ai jamais vu la ville de nuit, et c’est déjà mon avant-dernière soirée à Beyrouth. Je fais un détour par les « souks » de la ville, que je n’ai pas encore visités, mais je suis très déçu. Je réalise que ce sont en fait les allées avec boutiques de luxe et grandes surfaces sur lesquelles j’étais tombé en sortant de l’aéroport.

Je rentre à l’hôtel dans des rues plus bondées que de jour (ça doit être l’effet ramadan), en saluant la grande mosquée bleue qui étincèle fièrement.


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