trekking Ha Giang Vietnam Jour 2 de marche


Advertisement
Vietnam's flag
Asia » Vietnam » Northeast » Ha Giang
December 30th 2010
Published: December 30th 2010
Edit Blog Post

C'est parti. Après quelques centaines de mètres sur la route goudronnée, nous obliquons vers un chemin. La montée est rude, il fait chaud, quelque chose comme 36°C. De temps à autre un air de vent agite les palmiers et sèche un peu la sueur qui s'empresse de perler à nouveau quelques secondes plus tard. Le regard est attiré par les éclats de micas dont le sable rouge est parsemé, ils reflètent et amplifient les rayons filtrant des nuages et en renvoient une lumière intense et irisée. A la première halte, nous découvrons ce magnifique sourire qu'arborent souvent les jeunes filles et les femmes vietnamiennes. Celles-ci appartiennent à l'ethnie des Mongs bariolés que nous retrouverons un peu plus loin au cours de notre voyage. D'autres pauses désaltérantes permettent de mieux apprécier la beauté des paysages, de détailler ces plantes nouvelles comme le gingembre ou le kapokier, d'admirer de près l'intrigante fleur de bananier.

Après quelque deux heures trente de montée, nous parvenons à un col derrière lequel se niche un village. Si les constructions s'intègrent si bien aux tonalités des paysages avoisinants, c'est que les matériaux de construction sont 100% naturels : les feuilles de palmiers et de bananiers pour le toit, les bambous pour les clôtures souples et basses, les essences de bois des forêts alentours pour les solides piliers et les planchers.

Des petits enclos aux formes variées délimitent les espaces de cultures légumières, à l'abri des animaux domestiques ou des prédateurs. Des poules et des canards picorent en toute liberté, de petits cochons noirs mais aussi des buffles se tiennent dans l'ombre des bâtiments.

Le sol de la maison d'accueil est en terre battue. Il y fait sombre mais bien plus frais qu'à l'extérieur. Il semble que tous les enfants du village se soient donnés rendez-vous ici justement.

Les petites filles sont déjà coquettes : elles portent souvent des colliers de perles ou d'argent. Hormis ces bijoux, les autres fantaisies que l'on peut voir se situent au niveau des sandalettes en plastique. Au- dessus du modèle de base en plastique blanc, vous trouvez celles avec incrustations de papillons roses ou de fleurs stylisées jaunes ou bleues...

Le pique-nique se déroule sur les nattes colorées. Les mangues bien mûres sont particulièrement appréciées. Après la séance photos ou aération des doigts de pieds selon les priorités, nous repartons. Le soleil s'est levé et renforce encore les contrastes des camaïeux de verts des arbres ou du riz, et l'ocre rouge de la terre. Sur ces paysages gorgés de lumière règne une atmosphère de calme et de paix, renforcée par ces tableaux idylliques : les buffles en train de paître ; cette famille se promenant abritée derrière une ombrelle.

Voici qu'apparaît l'arbre mythique de la route des épices : le cannelier. Ses feuilles ressemblent un peu à celle du laurier mais son écorce ne s'enroule pas comme dans mon imagination.

Nous poursuivons notre route au travers de ces rizières patiemment sculptées et cultivées, nous observons quelques travaux des champs, des femmes surtout. Les rizières sont irriguées ici par les eaux des moussons. Chaque plateau surélevé sert de réservoir et l'eau s'écoule par un réseau de brèches ou par des rigoles de bambous grâce à la gravité. Nous passons à côté d'une maison isolée où le grand-père nous fait le salut militaire. Une petite turbine abritée par des feuilles de bananier tourne dans le courant d'eau situé à proximité. Cela permet d'alimenter une ampoule ou deux.

Le soleil rougeoie et commence à décliner lentement. Les derniers feux donnent à cette végétation touffue et verdoyante un charme fabuleux. Ce disque rond et pâle accroché au ciel et ces lianes luxuriantes du premier plan impriment ma mémoire et me font penser à un tableau du Douanier Rousseau. Un peu plus loin un hameau. Puis le chemin se prolonge en dalles de béton... un village plus conséquent apparaît, annoncé par quelques vélomoteurs pétaradants sur lesquels de jeunes hommes se dressent fiers comme des coqs. Sans se donner la peine de sourire, ils vous regardent droit dans les yeux, mi-méprisants, mi-indifférents. Nous repérons une rivière en contrebas pour nos ablutions futures.

Puis nous nous installons à l'étage d'une belle maison sur pilotis composée d'une première pièce aérée où les cuisiniers s'activent déjà pour le repas du soir, puis d'une salle tout en longueur au plancher en lattes de bambou sur lequel sont disposées nos nattes pour la nuit. Des ouvertures rectangulaires font entrer la lumière et seront fermées la nuit par des volets de bois. Il faudra également installer les moustiquaires aux piliers de bois qui soutiennent la maison. Avant que le soleil ne disparaisse nous filons nous glisser dans l'eau tiède. Ce bain réparateur ferait presque oublier la fatigue de cette première journée de marche. La profusion du souper achève de nous fortifier : frites à l'ail en apéritif puis rouleaux de printemps, porc grillé, salade de fleurs de bananiers, bœufs aux oignons, cristophine et pour faire glisser le tout, le fruit du dragon (Thanh Long) à l'écorce rose foncé et à la chair blanche piquetée de graines noires.

Après quelques palabres, chacun se prépare pour la nuit, la première sous cet habitat. Des hôtes insoupçonnés se sont invités sous le balcon : un concert impromptu de coassements sonores se prolonge des heures durant. Le jour filtrant des volets de bois nous réveille les uns après les autres. Le carburant est prêt. Parfumé au citron ou au jasmin, le thé fera partie du rituel quotidien. Les gourdes remplies et les jambes fraîches, nous jetons un dernier regard sur l'architecture simple et confortable de notre abri et sur les hibiscus d'un beau rouge vif. Notre départ est hâté par le retentissement d'instruments de musique (un gong ?) au loin : un cortège funéraire s'avance à travers les rizières. Par discrétion, nous devons nous éloigner. Nous sommes parmi l'ethnie des Tay. A l'école, tous les enfants sont sagement alignés, un calot blanc sur la tête. Nous retraversons le village de Tân nam, puis la rivière aperçue la veille pour nous élever à travers les chemins pentus. Pas un souffle de vent ne vient renouveler l'air pesant, saturé de poussière ocre rouge.

A chaque pas, une découverte. Tout ce que nous connaissons déjà transformé, prêt à consommé est ici à l'état naturel : ainsi les arachides, ces frêles feuilles en forme de trèfle ou le teck, cet arbre aux fleurs blanches et au port majestueux tant exploité pour construire nos terrasses ou nos salles de bains... Nous reconnaissons le jacquier et ses gros fruits boursouflés, aperçus sur un marché. Là, en face, nous indique notre guide, c'est la forêt sacrée au sein de laquelle personne n'est autorisé à couper du bois car c'est le repaire des esprits. Il nous raconte également la survivance d'une étrange tradition. Avant de construire une maison pour s'installer, un jeune couple doit demander l'avis du chaman sur l'emplacement choisi. Celui-ci lance alors trois grains de riz à l'endroit désigné. Si le lendemain les grains n'ont pas été attaqués, cela signifie que les esprits sont favorables. Une grande solidarité et une bonne entente règnent en général au sein des villages : ainsi en cette occasion, de nombreux villageois participent à la nouvelle construction.

Nous rencontrons un papa et son jeune enfant, tous deux très souriants; des jeunes filles déménageant des vêtements sur une palanque. Puis, une femme gardant des buffles tout en cousant un panier annonce un second village où nos porteurs achèteront de toutes petites bananes. Un peu plus loin, nous saluons des femmes qui piochent vaillamment le sol pour déterrer un tuyau d'eau qui fuit. Toujours ensemble, toujours avec le sourire.

Juste avant de quitter le village, nous rencontrons une adorable vieille femme. Elle arbore fièrement ses 72 printemps et un large sourire qui laisse apparaître la noirceur des gencives frottées au bétel depuis si longtemps. La séance photo semble lui plaire particulièrement et le village retentit de son rire de petite fille. On ne peut nommer le bétel sans évoquer la légende qui s'y attache. Ainsi au temps du roi Hung, vivaient deux frères Tan et Lang qui se ressemblaient étrangement. Ils perdirent leurs parents très tôt et vinrent alors trouver le sage taoïste de la famille des Luu comme le veut la tradition. Le maître avait une fille de leur âge qui voulut épouser le frère aîné, Tan. Peu à peu l'époux se détacha de son jeune frère. Lang en souffrait. Un incident survint, aggravant encore sa peine : rentrant un soir des champs, Lang pénétra le premier dans la maison où régnait l'obscurité. Sa belle-sœur le prenant pour son mari l'accueillit à bras ouverts. Tan arrivant sur ces entrefaites en conçus d'injustes soupçons. Lang, n'en pouvant plus, s'enfuit un matin de très bonne heure. Traversant bois et fourrés, il arriva sur le bord d'une rivière. Epuisé, n'ayant point songé à emporter quelques vivres, il se laissa tomber sur le sol et se mit à pleurer. La nuit tomba, une rosée froide imprégna son corps et il mourut sur la berge. Les génies, le voyant mort de tant d'amour, le changèrent en un rocher. Le remords envahit le cœur de Tan et une inquiétude lancinante s'empara de lui. Un matin, n'y tenant plus, il laissa sa jeune femme endormie et partit droit devant lui. Pas la moindre trace. Il marchait, sans repos. Epuisé, affamé, il parvint au pied d'un rocher solitaire. Il le gravit, espérant de là-haut apercevoir quelqu'un. L'escalade eut raison de ses dernières forces et il mourut en embrassant la pierre de ses bras. Les génies le changèrent alors en un arbre droit et svelte.

Seule à la maison, l'épouse de Tan se désolait. Elle acquit bientôt la certitude que Tan était parti à la recherche de son jeune frère. Alors, elle se mit elle aussi en quête du fugitif. Elle marcha longtemps, longtemps. Un soir, vaincue par la fatigue et la faim, elle parvint à un rocher isolé que surmontait un arbre. La jeune femme embrassa le tronc de l'aréquier et mourut dans cet ultime effort. Alors les génies la transformèrent en une plante grimpante, la liane à bétel. A quelque temps de là, une terrible sécheresse s'abattit sur le Vietnam, brûlant toute la végétation. Seuls l'aréquier et la liane à bétel survécurent. Le roi Hung se rendit lui-même sur les lieux pour constater ce prodige. Emerveillé, il fit cueillir une noix d'arec et des feuilles de bétel qu'il mâcha. Il en trouva la saveur agréable et comme un jet de salive tomba sur le rocher calcaire, il fut surpris de la teinte rouge qu'il vit apparaître. C'est de cette lointaine époque que date l'usage de la chique de bétel et de la tradition de l'offrir pour les mariages, symbole d'une union qui se perpétue jusque dans la mort. L'ensemble des ingrédients est gardé précieusement dans des petits coffrets. Sur la feuille de bétel, il faut déposer une goutte de chaux, la noix d'arec et un morceau d'écorce de jambosier qui servira de gomme à mâcher. Ensuite, la feuille est enroulée et prête à être ingurgitée. Un peu d'eau est nécessaire pour rendre le mélange homogène. Elle sera ensuite recrachée. Le chewing gum est maintenant parfaitement constitué et peut distiller son amertume.

Nous poursuivons notre route à travers rizières, forêts et villages, le rythme de la marche permettant de saisir un instant le pouls de cette vie paysanne. Le personnage du chaman nous intrigue. Quelques bribes sur son compte ont été distillées au cours de la journée. C'est une sorte de sorcier, mémoire des peuples des montagnes, livre ouvert des rites ancestraux et des usages des plantes. La charge se transmet de père en fils depuis la nuit des temps. Nous voulons en savoir davantage mais il nous faudra patienter encore.

Une odeur suave envahit soudain l'atmosphère... c'est celle du longanier : ses fruits ne payent pas de mine avec leur coque brunâtre accrochée à une brindille. Une fois ouverte, s'échappe un globe blanc dont l'aspect et le goût se rapprochent de ceux du litchi. Un délice bien rafraîchissant. Plantation de manioc et leçon de choses : Minh déterre un plant pour nous montrer les tubercules accrochés à la racine de l'arbuste.

Montées et descentes en pente douce se succèdent au cœur de cette chaleur moite et étouffante. Le climat semble particulièrement favorable aux volatiles de tout poil : canards, poules et autres gallinacés pullulent. Leur nombre est impressionnant. En toute fin de matinée, nous faisons halte chez une famille qui nous accueille pour le dîner. Maison sur pilotis entourée d'enclos et d'abris pour les cochons et les chèvres. Toits en palmiers. Nous nous déchaussons avant d'accéder à l'étage. Le parquet est particulièrement beau, d'un éclat poli et doux au toucher. Même composition : deux grandes pièces prolongées par des terrasses. Une jeune fille assise en tailleur coupe des rondelles de manioc destinées à la fabrication d'alcool ou à la nourriture des cochons. Un jeune homme se tient debout de l'autre côté de la terrasse et tranche des tiges de bananiers puis les pilent dans un mortier. Cette bouillie servira également de ration pour les cochons.

La pièce de vie est meublée succinctement : un berceau, deux grands lits, une petite table basse et un meuble supportant à la fois l'autel des ancêtres... et la télévision. Les vêtements, les nattes et tout le matériel sont rangés dans les cases aménagées sous le toit. Grands-parents, parents, enfants : tous vivent sous le même toit. Pourtant, il est bien difficile de leur donner un âge, il semble même que l'état « intermédiaire » entre la jeune femme et la personne âgée soit fugace tant on rencontre peu de femmes que l'on qualifierait d'âge moyen.

Dans la grande pièce, une femme allaite son enfant, une autre tente de lui donner un peu de viande. Si les jouets sont rares, les enfants profitent d'une présence maternelle très forte.

Les nattes sont étendues pour le repas, un petit cochon noir a été égorgé pour l'occasion. Nous assistons à loisir à la préparation des boudins et à la cuisson. Le porc grillé sera agrémenté notamment de pousses de papayes ramassées en cours de route par les porteurs.

Après le repas, c'est l'heure du feuilleton chinois à l'eau de rose, doublé en décalage et par une voix monocorde que le personnage soit masculin ou féminin. Ces épisodes semblent très populaires puisque nous les retrouverons très souvent dans nos haltes.

Advertisement



Tot: 0.129s; Tpl: 0.012s; cc: 13; qc: 37; dbt: 0.1009s; 1; m:domysql w:travelblog (10.17.0.13); sld: 1; ; mem: 1.1mb