Banaue, Philippines (Ne Dérangez Pas le Shaman)


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Asia » Philippines » Banaue
April 5th 2017
Published: April 5th 2017
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2 -3 avril



"To be or not to be"

Hamlet



Au réveil, je fais mon check-out au Z Hostel et prépare ma sortie de Manille.

Mon plan est de partir vers le nord de Luzon, à la recherche de montagnes, de rizières et d'air frais.



C'est au coucher du soleil que se fera mon départ.

Night Bus.

C'est la meilleure façon de se rendre à Banaue paraît-il (on prononce Ba-Na-Wé).



C'est un vieux filippino au visage en gaufrette qui me cueille à l'hostel.

Uber encore une fois: c'est l'un des sourires de la réception qui me l'a appelé.

C'est que j'essaye d'éviter les taxis à Scam City.

Souvent, leurs chauffeurs sont soit malhonnêtes, louches, complètement fous... ou une petite pincée des trois.



Mon chauffeur jusqu'à la station de bus s'appelle Jewel (c'est Bijou ça).

Il a été chauffeur privé pour un cheikh indécemment riche à Ryad en Arabie Saoudite.

"He was married to miss Universe 1971. Sometimes i was driving his Ferrari" qu'il m'avoue.

"You came back to Manila for your family?"

"No, qu'il me répond. Came back to have wife. In Arabia, you need to buy wife"

"Ah. Ok." (fair enough).



On est dimanche et le traffic a baissé considérablement dans les rues de Manille.

Malgré cela, je n'arrive pas plus à comprendre la labyrinthique capitale au couchant.

Les portes de la voitures sont verrouillées.

On ne débarre pas les portes, jamais avant d'arriver à destination.



Bijou me débarque à un coin de rue bruyant.

Deux gros bus toussotent sous un réverbère prisonnier d'une pelote de câbles électriques.

La lumière ambrée au milieu de l'entremêlement de fils m'apparaît comme une grosse luciole figée dans une toile d'araignée.



Beaucoup de monde entourent les bus, dont beaucoup de backpackers nerveux qui semblent avoir perdu leur point de repère.

Je ne suis donc pas le seul à ne pas savoir où je me trouve.



La porte du bus numéro 1 s'ouvre dans la cohue, et je me fraye un chemin jusqu'à mon siège réservé.

Une filipinette (!) bien âgée bois un café instant à mes côtés.

À quelque part au courant de l'interminable route en zigzag, ce sera sur elle que je m'endormirai

pour cette dure nuit de 9 heures au travers d'invisible campagne.



...



Quand l'engin s'arrête enfin à destination, tous les passagers finissent par reprendre leur souffle.

Drop Zone.

Il est dans les environs de 6 heure du matin.

Je sors du bus en souriant à mon oreiller improvisé de cette nuit.

Je me frotte les yeux. Je suis barbouillé.

Le paysage montagnard autour de nous est callé dans un opaque voile nuageux.

Il mouillasse sur Banaue.

J'ai des souvenirs de Sapa au Vietnam qui me reviennent en tête.



Le long des routes coincées des montagnes, des cabines en tôle ouvertes servent de shops aux locaux.

Éclairage aux néons et au gaz dans le brouillard.



Les filipinos du village nous ignorent à notre passage.

Ils ont l'habitude des touristes à Banaue.



Étouffé par le monoxyde de carbone, je m'installe à une auberge accroché à la rue principale.

Devant le balcon arrière, des chaumières à toitures rouillées semblent vissées dans le décor abrupte et touffu de la montagne.

Ici et là, des cheminées soufflent des colonnes de fumée qui se mêle à la douce bruine matinale.

Il ne fait pas froid aujourd'hui à Banaue.

Il fait frais. Un frais de cotton ouatté.



Déjà, quelques traits de rizières cicatrisent le paysage en pente.

Un trek s'impose,

et ça sera pour demain ça.



...



Dans les environs de Banaue, une ethnie particulièrement agressive (Bontoc) avait l'habitude d'attraper les autres clans dans le but de couper des têtes... et de les ramener fièrement au village en guise de sanguinolents trophées.

Quelque chose de follement sadique là, pas du truc de chochottes là.

Des têtes saignantes sur des pieux, de la sorcellerie et du massacre.

Head hunters: les "chasseurs de têtes" qu'on les appelait.

Ça semble relever de la fiction tellement ce qu'on me raconte sonne exagérément gros.

C'était voilà plus d'un siècle ça.

Avec l'arrivée des espagnols et du catholicisme, le paganisme des tribus s'est tranquillement éteint.

"Aimez-vous les un les autres" qu'on leur a dit.



Mais il reste que c'est à faire frémir ces histoires de tribu Bontoc qui peuplait la région.

...



C'est Tahmina, une londonienne rencontrée au GreenView Hostel de Banaue, qui initia le projet d'aller visiter cette étrange collection d'artéfacts Bontoc.

Voilà: c'est qu'un passionné des Chasseurs de têtes passa les 37 dernières années à accumuler des objets sacrés, trouvailles achetés aux descendants des Bontoc de la région.

Il les présente maintenant aux touristes.



Tahmina et moi sommes donc là, seuls dans ce musée privé un peu plus haut dans la montagne, avec un jeune gardien qui faisait clairement une sieste avant notre arrivée.

On est rapidement frappé par une forte odeur de vernis dans les salles de collection.

"There's a weird smell here" que je lance rapidement à Tahmina.

"It's the black statues (Bulul), que nous confirme le gardien endormi. The Bontoc use those statues for sacrifice".

C'est que l'endroit est saturé d'étranges sculptures noirâtres à grosses têtes de martiens.

"So you painted the statues?" que je demande au gardien.

"No, qu'il nous répond. The smell is the smell of blood and smoke on the statues" (!!)

Voilà. Ça nous donnait assez cruellement le ton de la visite.

Et le pire était à venir...



D'un côté, des objets de sorcellerie complètement effrayants, des baguettes couvertes de plumes et d'ossements d'oiseaux...

et puis de l'autre, une série de lances, de pendentifs en os et de cercueils en pierre...



C'est à foutre la trouille cet endroit.



Curieusement, je nous surprend, Tahmina et moi, à parler tout bas comme si on avait peur de réveiller quelques anciens esprits maléfiques.



Au fond de la pièce, de grotesques trophées de chasse pendent à un mur comme des cadres.

Des simulacres de crânes humains reliés à des mâchoires de porc hantent l'endroit.

"So it's copy of trophy?" que je demande au gardien du musée alors que je frotte l'un des crânes comme on caresse un chaton pour le faire ronronner.

"No. It's a real human skull" qu'il nous dit....



Alors voici donc: j'ai un crâne humain dans les mains en ce moment même, comme Hamlet, et le flatte en le fixant dans les orbites dans l'espoir de peut-être rendormir les mauvais esprits.

Dodo Sorcier, dodo.



Il ne faut pas déconner avec la sorcellerie.

Surtout quand ce n'est pas du toc... et qu'on vous laisse manipuler les vieux objets porteur de malheur.

Il ne faudrait surtout pas déranger le Shaman.



...



Le lendemain matin, au déjeuner, Tahmina m'avoua avoir mal dormi.

Moi aussi j'ai mal dormi.

Brûlements d'estomac.

Mais ça n'avait rien à voir avec la folle expérience de la veille.

Non.

Probablement pas.



Etienne X



Note à Moi-Même:

Ne pas acheter le collier fait d'une colonne vertébrale de serpent et de crâne de singe en guise d'amulette.

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5th April 2017

Ton blog est facinant
Je suis la cousine de ta mère, j'ai lu ce blog et crois moi c'est digne d'un roman, souvent je commence à lire des blogs et je me tanne mais....je me voyais en voyage avec toi ( je le ferais pas trop peureuse) tu m'as fait passé des frissons, je les imaginais cuire..... enfin j'attends avec impatience ton prochain blog. Amitié Lisette

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