Liban, premier jour. Beyrouth.


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Middle East » Lebanon
July 4th 2014
Published: August 5th 2014
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4 juillet, 2:54, Liban, Aéroport international Rafic Hariri.



Le trajet jusqu'au Liban a été plutôt mouvementé. En effet, à Bruxelles, j'arrive le dernier, juste avant que l'avion ne décolle. Le vol se passe très bien et vient rassurer mon voisin qui n'a cessé de faire des signes de croix au décollage.

Arrivée à Bucarest, je vous passe l'interminable attente d'une dizaine d'heures. L'appareil a à peine quitté le sol pour Beyrouth que ma voisine de devant fait une crise de panique avant de tomber dans les pommes. Entre l'effervescence et la panique, l'ambiance est plutôt agitée : c'est un rassemblement général de petites abeilles qui papillonnent autour d'elle alors qu'elle reprend conscience. Un passager s'identifie comme médecin et vient l'aider, les hôtesses apportent un masque à oxygène ainsi que force coussins, et, en moins de deux, on lui fait un lit improvisé sur une rangée de sièges. Je retiendrai une scène qui m'a touché : c'est la vision de l'hôtesse de l'air roumaine qui prend dans ses bras l'amie voilée, et non-voilée de la paniquée. C'est assez étrange, et indéfinissable, mais il y a une forte impression d'intimité, de proximité et de complicité entre ces femmes.



03:04



Le premier ressenti est assez difficile alors que, à une table de l'aéroport beyrouthin, je résume dans mon carnet les grands traits de ce début de voyage : j'ai tout simplement peur de quitter l'aéroport et de sortir.

Il faut dire que le contrôle des passeports n'a pas arrangé les choses : le garde m'a demandé trois fois ce que je venais faire ici. "Du tourisme. Eh non, je ne connais personne là-bas". Son étonnement est-il si incroyable que ça ? Avec du recul, c'est complètement inconscient, et je commence alors à le réaliser. Je suis dans un milieu hostile, où les seules personnes qui semblent accueillantes sont les chauffeurs de taxis à l'entrée qui veulent m'arnaquer. Le fait de ne pas parler (et surtout comprendre) un mot d'arabe me paralyse. Je suis complètement seul, et je n'ai que moi sur qui compter. Grisant ? Vu de Lille, peut-être. Ici, c'est assez terrifiant.

Je crois qu'il faut juste que je saute le pas, et que je sorte de ce satané aéroport. Un petit endroit privé, bien à moi m'aiderait beaucoup, mais j'en ai décidé autrement. J'ai cinq heures à tuer cette nuit, à Beyrouth, avec mes bagages, avant de pouvoir atteindre le dortoir dans lequel je suis censé dormir. Allez, j'inspire un grand coup, rassemble mon courage, et me lance.



Je négocie le prix de la course avec un taxi qui me dépose dans une ville qui dort. Seuls les soldats et les agents d'entretien accompagnent le soleil qui se lève dans son effort. Comme j’ai du temps à tuer, je demande au chauffeur de me lâcher en plein centre. A vrai dire, je serais incapable de lui indiquer où j'habite, donc ce n'est pas plus mal. J'atterris juste à côté de la Place de l'Etoile, dans des rues bordées de boutiques de luxe : Vuitton, Prada, Hermès, Chanel, bref la totale. Pas vraiment l'idée que je me faisais de Beyrouth, mais bon.

J'avance vite, et aperçois la silhouette d'un minaret tout au bout de la rue. Long, fin, élégant, fier et puissant. Je m'approche, et découvre un spectacle à couper le souffle. Un second, puis un troisième et un quatrième, la mosquée, de type ottoman en possède plusieurs, surmontés d'un fin croissant d'or. Le soleil qui est en train de se lever la frappe de ses rayons, et vient lui donner une tête dorée étincelante qui souligne avec encore plus d'harmonie le bleu lapis-lazuli de ses nombreux dômes. Je pense que je reste plusieurs minutes à contempler sans bouger l'immense édifice majestueux qui semble s'allumer sous mes yeux à mesure que le soleil monte.

Je finis par m'arracher à ce spectacle, et continue ma route. Je passe par une large place dominée par une statue noire de martyrs, avant de longer le bord de mer, puis la bretelle d'autoroute. J'ai l'impression désagréable de ne pas être à ma place avec mon short, mes deux sacs et mon appareil photo. Dévisagé avec un regard mauvais par la plupart des gens, j'éprouve une sensation plutôt désagréable : aucune agressivité, mais une espèce de tension palpable, de violence latente. En un clin d'oeil, je suis passé des galeries occidentales luxueuses, à un endroit où les chats abondent, et où nombreux sont les gens (des réfugiés syriens ?) à dormir dans la rue, dans une odeur très désagréable.

Alors, que je commence vraiment à fatiguer (j'ai dormi une petite dizaine d'heures depuis trois jours), je repère l'hostel entre deux rues. Manque de bol, il est fermé. Un bref coup d'oeil à ma montre, 7:30 : encore trop tôt. Je continue donc d'arpenter les rues vallonnées, et finis par dégoter une petite échoppe devant l'église Saint-Antoine. Deux petites tables, et, derrière le comptoir, un immense four à pain. Le patron vient me demander ce que je veux. Je ne sais pas si c'est mon air crevé ou mes bagages, mais il est adorable avec moi : il parle un anglais très correct, et a deux fils qui ont fait leurs études en France. Quand je lui dis que c'est mon premier jour au Liban, il semble enchanté et me souhaite chaleureusement la bienvenue. Il me propose des zaatar, espèce de larges galettes de pain, saupoudrées de nombreuses herbes, nappées de fromage fondu, et parsemées d'olives.

Lorsque je rentre à Saifi (mon hostel), je constate avec joie qu'il est ouvert. J'ai de la chance car, bien que le check-in soit à partir de 14h, on me laisse rentrer dans ma chambre. J'y fais la connaissance de mon premier coloc : "Hey, my name is Alexis". "I'm Antoine". Petit silence. "But alors you are French ?". "Quoi, you are not English non plus ?". J'esquisse un sourire en repensant à une scène de la Grande Vadrouille. Pas le temps d'en apprendre plus, car le deuxième coloc sort de la salle de bain. Impossible de me souvenir de son prénom, mais il est italien. En quelques secondes, je pose mes affaires, et m'effondre sur mon lit pour une sieste bien méritée.

Je suis réveillé à 14h par l'arrivée de mon troisième colocataire, un suédois qui me raconte qu'il a été contrôlé pendant plus de sept heures à l'aéroport. Au moins, j'ai échappé à ça. Une douche, et me voilà parti à la découverte de la ville. Deux choses m'apparaissent très rapidement. La première, c'est qu'il fait une chaleur à crever : je repère un 36°C sur le panneau lumineux d'une pharmacie. La seconde, c'est que cette ville est un sacré bordel : les soldats sont partout, et il me faut littéralement plusieurs minutes pour traverser tellement les gens conduisent comme des dingues (la plupart du temps, je me faufilais dans le sillage d'un Beyrouthin téméraire).

Je finis par arriver devant le Ministère du Tourisme. Heureusement qu'il y a une inscription le précisant, car on n'aurait pas vraiment pu le deviner autrement : la porte est complètement délabrée, et les pièces, désaffectées, sont en béton gris et nu. Je profite pour demander à la dame en charge des informations pour mes futures excursions. Véritablement adorable, elle répond dans un français parfait à toutes mes questions, et m'apportent des informations précieuses.

Je m'arrête dans un restaurant pour goûter une fallafel, et repars vers l'Ouest, direction Hamra. Hamra est le quartier jeune et universitaire de la ville. Rénové dans les années 1990 pour l’homme d’affaires libano-saoudien Rafic Hariri, c’est un quartier musulman très moderne où les bars, cafés et librairies abondent.

A force de continuer vers l’Ouest, je finis par arriver sur la côte, que je longe vers le Nord avant de rappliquer vers l’Est. La jetée rutilante contraste avec les nombreux vieux pêcheurs, dont les longues cannes viennent hérisser le bord de mer.

Alors que je poursuis mon odyssée, j’atterris à l’endroit où le taxi m’avait déposé ce matin : la Place de l’Etoile. Je me sens d’humeur plus aventureuse, et, contrairement à ce matin, me décide à franchir le checkpoint pour véritablement atteindre le cœur de la place. L’ambiance y est extrêmement bizarre : calquée sur le modèle de Paris, elle est le point de convergence de cinq rues qui constituent ses branches. A la différence près qu’un checkpoint barre chacune des branches, ce qui donne à l’endroit une atmosphère morte. On sent que ce lieu devrait bouillonner de gens et de voitures, or, aucune voiture ne circule, et les quinze passants pommés sont moins nombreux que la trentaine de soldats armés de M16.

Je rentre épuisé, et tombe sur Alexis. Il me parle du match (France-Allemagne, quarts de finale), et, une demi-heure plus tard, nous allons le voir tous les deux dans un bar. Bondé, il abrite une soixantaine de personnes dans une seule pièce, et je me rends rapidement compte que 95% de la salle est pour l’Allemagne. Après la défaite, dépités, on va quand même manger. Affamé, je me régale d’un poisson grillé aux oignons et au riz, accompagné d’une soupe de fèves et de pois chiches aillés. On ne tarde pas à rentrer à l’hôtel, où je prépare l’excursion du lendemain.


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11th August 2014

First
Je me plonge dans ton récit entre deux lignes de Platon (encore lui parce que j'avance pas du tout xP). Et après la lecture du premier jour, hâte de lire la suite, de découvrir le reste. ^^ Btw, j'ai bien reçu ta dernière carte ! D'autant plus impatient de lire ton épopée jérusalemienne (nique sa mère les "antologismes"). Et à cet égard, https://www.youtube.com/watch?v=HFp614kO658

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