Chapitre 3 : Transsibérien part 1 (Moscou-Irkoutsk)


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August 9th 2015
Published: August 25th 2015
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Me voilà maintenant à bord du Transsibérien. Engoncé dans un cube de d’1.8m sur 0.8m sur 0.8 peinant à contenir à la fois mon corps et ma tablette. Depuis trois jours. Cela semble quelque peu spartiate, mais honnêtement, je m’attendais à pire. En effet, on a choisi de traverser la Russie de Moscou à Vladivostok en faisant un arrêt à Irkoutsk pour passer quelques jours au lac Baïkal. Ce qui fait un trajet d’environ une semaine de train, découpée en trois jours et demi et trois jours.

En arrivant tous les deux à la gare de Moscou avec nos gros sacs de randonneurs et nos sachets de provisions, on ne faisait pas les fiers. En effet, les cent soixante-dix heures de trajet s’effectuent en troisième et dernière classe. On finit par repérer notre train où l’on aperçoit une vingtaine de soldats. Contrôle de routine se dit-on… avant de constater avec plaisir qu’ils embarquent avec nous, dans le même wagon.

En troisième classe, ce dernier est délimité en une dizaine de box, abritant chacun six personnes. Les box ne sont pas isolés les uns des autres, ce qui ne permet qu’une intimité très limitée. Le wagon possède deux toilettes, et… il n’y a pas de douches.

Quand on arrive donc dans notre train chargé comme des baudets et soufflant comme des bœufs, quand on voit les soldats s’installer autour de nous, quand on passe les dix premières minutes en ruisselant de sueur, on s’imagine donc les cent soixante-dix suivantes avec un peu d’appréhension.

Pour autant, je ne sais pas si on a eu de la chance, mais c’est finalement moins dur que ce à quoi je m’attendais. Nous partageons notre box avec deux soldats, une mamie, et une personne variant en fonction des escales. La mamie est assez excellente : elle s’assied sur sa couchette et s’enroule dans ses draps, ce qui lui vaut rapidement le surnom de Casper. Puis elle attend. Une heure, deux heures, dix heures, trois jours. Elle interrompt cette attente en grignotant de temps en temps une tomate, nous offrant un bonbon, ou nous taquinant avec des remarques assez cinglantes. J’ai eu droit pour ma part à un « si tu te lèves aussi tard tous les jours, ne t’étonnes pas si tu manques la plupart du paysages à la fenêtre », alors qu’Alexis a écopé d’un « toi, on voit que tu n’as pas fait l’armée » après qu’elle ait jeté un regard dépité à son lit qu’il avait fait à la va-vite.

Les soldats, qui constituaient ma plus grande inquiétude, sont en fait très disciplinés. Ce sont des recrues, légèrement plus jeunes que nous, qui partent faire leur service d’un an en Sibérie. Ils passent leur temps à lire, dormir ou discuter. Quant à nous, nous ponctuons ce rythme très monotone avec des interminables parties de manille, et des films que l’on regarde sur ma tablette. Une à une, les heures défilent, ainsi que les paysages par la fenêtre. Les villes se transforment en villages, les forêts se font progressivement plus denses avant de laisser la place à la taïga, puis à la toundra. Ici un train transportant du bois ou du gaz, là un fleuve, un peu plus loin un village, perdu au milieu de l’immensité.

On roule. Encore et encore. Interminablement. De jour, puis de nuit, puis de jour, puis de nuit, puis de jour encore. Le temps se modifie. Les heures défilent, et avec elles les fuseaux : le soleil se lève maintenant à 3h du matin, et se couche à 15h. Le corps peine à trouver un rythme au milieu de ce voyage interminable, sans internet et sans communications. Et ce même corps est fortement mis à l’épreuve : notre liberté de mouvement est entravée dans la mesure où nous marchons moins d’une centaine de pas par jour, et nos corps sont comprimés dans nos espèces de cercueils où les pieds dépassent et où il est impossible de s’étirer. Notre repas quant à lui est spartiate : un bol de nouilles le midi, des biscuits pour gouter, un bol de nouilles le soir, des céréales le matin. Même chose le jour suivant. Puis on recommence le jour d’après. Cela devient vite répétitif voire écœurant. Pour couronner le tout, l’hygiène est des plus rudimentaires : on se lave les dents, puis on se passe un peu d’eau sur le visage. C’est tout. Pendant trois jours.

Pour autant, je ne peux m’empêcher d’être enthousiaste, heureux et fier de vivre cette aventure, et d’aller me perdre au cœur du plus grand pays du monde dans le plus grand continent du monde. La France, l’Europe, voire la civilisation s’éloigne. Ne reste que la nature qui nous entoure et nous submerge. Et les rails. Ces rails interminables qui tracent notre piste vers l’encore plus sauvage. Je ne peux m’empêcher d’admirer le travail de titan de ces hommes qui ont construit cette piste s’étalant sur des milliers et des milliers de kilomètres. « Ce n’était certainement pas des hommes libres » me répond Alexis.

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27th August 2015

Chouette article ! Hâte de lire le suivant ! J'ai bien aimé les deux autres aussi mais j'avoue que j'ai passé certains passages. Nyao PS : les photos sur Facebook semblent saisir les paysages sous leur meilleur jour.

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