DM en Ayiti


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Published: May 7th 2016
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Ventilateur = essentiel!Ventilateur = essentiel!Ventilateur = essentiel!

Mon cher partenaire, dans la chaleur des nuits haïtiennes
Bonjour d'Haïti!

Maintenant que j'ai enfin accès à Internet, je me suis dit que je débuterais en vous donnant quelques nouvelles! Mon arrivée en Haïti a été un peu improvisée au tout départ, mais les choses se sont placées relativement rapidement. J'étais supposé rencontrer l'équipe qui organisait mon accueil avant de partir, mais coup de théâtre, j'ai fait un petit tour à l'hôpital pour une pierre au rein gauche quelques jours avant mon départ, manquant du même fait cette rencontre. Après un échange téléphonique (où j'étais sous l'effet de la morphine... je vous laisse imaginer la cohérence que j'avais...!), on s'est dit qu'on s'arrangerait sur place. Par pur hasard, je voyageais avec la Directrice par intérim de l'Unité de santé internationale, avec qui je réalise un de mes stages. Celle-ci m'a donc donné un coup de main en terre haïtienne, qu'elle connaissait déjà très bien. Toujours par hasard (le monde est petit!), j'étais sur le même avion qu'un collègue et ami, Dr Robert Williams, un médecin de famille du GMF Charles-LeMoyne a Longueuil qui fait depuis longtemps des projets à l'international.



Pendant le vol Miami-Haïti, j'ai été intrigué par une femme haïtienne qui se promenait d'un siège
Jolie courJolie courJolie cour

La cour d'un hôtel bien connu ici, le Florita.
à l'autre, en discutant avec certains passagers. Robert m'a fait comprendre qu'il s'agissait en fait d'une personne qui est désignée par la compagnie aérienne pour aider les passagers analphabètes à remplir le formulaire d'entrée. Voilà la première fois que mon esprit partait vagabonder pendant ce séjour... Qui sont ces gens qui, malgré le fait de ne pas savoir lire ou écrire, ont l'occasion de sortir du pays à la découverte de l'étranger? Il s'agit là d'une chance inestimable offerte à une infime proportion des 10 millions d'Haïtiens. Est-ce que ce sont des parents qui ont tout sacrifié pour envoyer leur enfant étudier et faire fortune aux États-Unis, alors que ce dernier leur renvoie maintenant la faveur? Est-ce que ces personnes viennent de riches familles haïtiennes? Ou est-.ce qu'on peut simplement faire fortune en Haïti sans savoir lire et écrire? Bien des pensées, mais vous vous doutez que ce n'est pas le genre de question qu'on pose à un étranger. Je devrai donc me contenter de mes propres hypothèses... jusqu'à ce qu'une conversation pendant mon séjour m'éclaire peut-être sur la question?



Encore une situation intrigante. À mon entrée, on me demande de payer 10... quelque chose. Ça peut être 10$ canadiens, 10$ américains, 10 euros... Bref, 10 quelque chose. Ainsi, on obtient le droit d'entrée. Il y avait une file pour les étrangers et une file pour les Haïtiens. Ainsi, est-ce qu'un Indien devrait payer 10 roupies et un Chinois 10 yuans? Ou est-ce que, à l'instar de pays comme l'Argentine, on demande aux personnes provenant de pays où les Argentins doivent payer un visa de payer à leur tour? Une petite note qui me fait sourire... ce tarif en Argentine s'appelle une 'taxe de réciprocité'. Bien dit, non? Bref, vu l'affreux taux de change entre le $ canadien et le $ américain, j'ai opté pour ce premier. Et voilà l'Haïti s'ouvrait enfin à moi.



Le quartier autour de l'aéroport en est un dangereux, apparemment. Ma mère sera bien heureuse d'apprendre qu'une énorme van de la Croix-Rouge m'attendait à ma sortie de l'aéroport...! Pourtant, les différents établissements des ministères et le palais présidentiel étaient tous situés près de l'aéroport, avant d'être détruits par le tremblement de terre en 2010. Ainsi, dès qu'il y a une manifestation, ça part de la place du Champ de Mars située tout près, et ça dégénère parfois. Plusieurs universités sont
Terrasse de l'hôtel CyvadierTerrasse de l'hôtel CyvadierTerrasse de l'hôtel Cyvadier

Je vais à cet hôtel pour avoir accès au wifi et travailler. Mais quelle vue, non? Et voici Julie, Vanessa et Marie-Guerli, trois fabuleuses jeunes femmes qui sont déjà de retour à Montréal.
situées dans le coin, également. Les jeunes, qui conservent leur grand optimisme et leur sentiment de révolte face à l'injustice dans un monde qu'ils façonneront bientôt, sont souvent les initiateurs de ces mouvements de révolution. Pendant un instant, je me suis demandé comment je me sentirais si, à tous les grands questionnements existentiels du choix de carrière et de la définition de son rôle dans la société, s'ajoutaient tant de contraintes contextuelles (politiques, sociales, économiques)... voire même une fatalité qui bâillonne, qui éteint. Dans le monde actuel où l'information foisonne de toutes parts, 'ignorance is a bliss' ne tient plus pour plusieurs communautés qui comprennent qu'ailleurs, ça peut parfois être mieux. Ailleurs, mon enfant pourrait avoir le choix d'apprendre ce qu'il veut, de lire ce qu'il veut, de parler la langue qu'il veut, de manger ce qu'il veut. En même temps, peut-être que certains jeunes verront plutôt les richesses de leur pays... Un peuple à la joie de vivre, aux couleurs étincelantes, aux riches traditions, à la terre verdoyante et fertile... Un peuple qui a vaincu l'esclavage, le pouvoir colonial français et espagnol... mais le sait-il vraiment? S'en souvient-il? J'ai hâte d'échanger avec les jeunes haïtiens de mon âge pour mieux comprendre cette réalité.



Voilà donc, à peine sorti de l'aéroport, que je me retrouve dans une mini-van de la Croix-Rouge à sillonner les montagnes vers Jacmel. On surnomme cet endroit la ville des artistes. Jacmel est une ville d'environ 25 000 habitants en bordure de la Mer des Caraïbes, dans le département du Sud-Est. Celle-ci est située à quelques dizaines de kilomètres de Port-au-Prince, mais puisqu'une chaîne de montagnes sépare les deux villes, il faut faire un énorme détour dans les montagnes. Le trajet dure environ 4 heures. Sur de minces routes où on trouve que les chauffeurs vont toujours un peu trop vite, on voit des falaises verdoyantes des deux côtés. Il y a aussi des femmes qui marchent depuis des heure avec des tonnes de marchandises en équilibre sur la tête, des enfants qui montrent fièrement le lapin qu'ils ont capturé et qu'ils veulent vendre aux automobilistes, des hommes aux articulations étonnamment solides qui labourent une terre extrêmement pentue, et des petites chèvres, des cochons et des bœufs qui broutent paisiblement les quelques brindilles en bord de route. Ce trajet peut paraître bien charmant... mais met toute personne ayant le mal de transport à rude épreuve. Heureusement, ce n'est pas mon cas. J'ai pu contempler, sourire béat aux lèvres, ces premiers paysages magnifiques qu'Haïti m'offrait sous un soleil ardent. Des panoramas à couper le souffle (et pas seulement à cause de la peur des hauteurs!)



Une fois arrivés à Jacmel, j'ai pu rencontrer ma superviseure haïtienne, Dre Rose-Francesse Pierre. Une femme qui, à première vue, me paraît absolument incroyable. On devine à sa manière de parler aux hauts fonctionnaires de l'État, qu'elle a un bon pouvoir d'influence et une confiance inébranlable. Rien de mieux comme collègue pour ce projet! Les prochains jours ont été riches en rencontres, que ce soit avec des personnes de la Croix-Rouge haïtienne, canadienne, des Amériques, etc., ou encore avec des Haïtiens bien impliqués dans le domaine de la santé. J'ai aussi rencontré deux infirmières fort sympathiques qui ont adoré leur stage clinique de 10 semaines à Jacmel, en Haïti. Elles m'ont fait comprendre plusieurs trucs, comme le fait que j'allais faire ma lessive à la main pendant mon séjour, que l'électricité est en panne la moitié des journées si ce n'est pas plus, que le beurre d'arachides et la salade de choux sont ultra piquants en
Vue du MontanaVue du MontanaVue du Montana

Qu'il fait bon de travailler avec une telle vue...!
Haïti... bref, beaucoup d'apprentissages, mais surtout beaucoup de rires! Elles m'ont amené près de la mer, sur une place publique où les gens se rassemblent pour relaxer en bordure des plages couvertes de déchets. Eh oui... la gestion des déchets est un réel problème ici. Égouts à ciel ouvert où chacun dispose de ce qu'il veut librement, qui se transforment en ruisseaux et qui se jettent dans la mer. Pas surprenant qu'on retrouve autant des condoms utilisés que des chaises brisées parmi les cailloux de la plage. Ces égouts posent problème particulièrement lorsqu'il pleut, puisque les 3 rivières traversant Jacmel débordent à chaque fois et inondent les maisons, déchets inclus. Pendant notre visite de Jacmel, nous étions accompagnés... d'un serviteur de l'hôtesse des deux infirmières. Eh oui, un serviteur. Plusieurs Haïtiens laissent leur famille et leurs amis pour aller s'installer dans une maison d'une riche famille elle aussi haïtienne. En échange, cette dernière lui offre nourriture et un toit... mais ils restent très sévères avec leurs serviteurs. Bien que j'aurais aussi aimé être dans une famille d'accueil, je crois que j'aurais eu un gros malaise avec le fait d'être servi ainsi. C'est d'ailleurs ce que m'exprimaient mes deux nouvelles amies.
Coucher de soleil au MontanaCoucher de soleil au MontanaCoucher de soleil au Montana

Au loin, on voit la Baie de Port-au-Prince
Elles ont eu beau tenter de l'aider dans ses tâches, celui-ci se choquaient lorsqu'elles le faisaient, disant qu'il s'agissait là de son travail à lui. En même temps, ce serviteur dit qu'il est malheureux et envie les stagiaires qui viennent loger chez sa propriétaire. Une réalité bien complexe. L'esclavagisme appartient-il vraiment au passé? Ou cette relation de pouvoir d'un homme sur un autre s'est-elle seulement modifiée au cours du temps pour devenir plus 'acceptable' dans certaines sociétés?



Dans un autre ordre d'idées, j'ai pu m'installer à l'appartement que l'Unité de santé internationale m'avait réservé, à Jacmel. J'habite au 2e étage d'une petite pharmacie de quartier, dans un petit appartement avec four au gaz, un petit réfrigérateur (que je ne peux utiliser pour des produits périssables, vu les pannes d'électricité), une douche, une toilette (avec papier de toilettes, mesdames et messieurs!), un lit et un ventilateur (essentiel!... lorsqu'il y a de l'électricité..). Je suis bien chanceux d'avoir un tel endroit à ma disposition. Cependant, je compte bien sortir autant que possible pour découvrir la belle ville de Jacmel. Un pied-à-terre beaucoup plus confortable que ce que j'espérais! Mes premières nuits se sont bien déroulées. Heureusement toutefois, j'ai une bonne tolérance à la chaleur. Il y a souvent des pannes de courant pendant une partie de la nuit, donc il fait plus de 35C dans la chambre. Je garde les fenêtres fermées pour que les moustiques n'entrent pas. Chikungunya, zika, malaria... Je préfère les laisser dehors! Cependant, je sue beaucoup... alors vous pouvez m'imaginer, en boxers, le dos collé sur le mur à travailler sur mon ordinateur alors que les gouttes de sueurs tombent sur le clavier. Dire que certains paient pour aller dans des saunas...! Je ne me plaindrai pas! Il suffit de bien s'hydrater avec de l'eau traitée, comme diront plusieurs. Mon eau a toujours un goût de chlore, puisque je la traite avant de la boire. Un mal nécessaire...!



Voilà donc un résumé de mes premiers jours à Jacmel. Je me suis habitué à l'endroit, je me suis installé... aujourd'hui j'ai même récupéré un téléphone que je peux utiliser ici, de même qu'une clé USB qui me donnera accès à Internet quand je serai à Jacmel. Aujourd'hui, j'ai refait la route à travers les montagnes en sens inverse pour revenir à Port-au-Prince. On a laissé les deux infirmières à l'aéroport et je suis venu à un endroit qui s'appelle Hôtel Montana. C'est incroyable... un hôtel situé dans Pétion-ville avec une vue inégalable sur Port-au-Prince, et le Golfe de la Gonâve d'un côté, et sur des bidonvilles en montagne de l'autre. Je joindrai quelques photos à ce billet. Je suis ici pour lancer le projet que je ferai avec le Ministère de la santé et le Ministère de l'éducation, pour le RÉFIPS (voir billet précédent). J'y resterai quelques jours avant de revenir à Jacmel, le temps de faire mes entrevues avec les différentes Directions des deux ministères à Port-au-Prince.



N'hésitez pas à réagir à ce que j'écris, c'est un plaisir pour moi de vous lire! Et voici une chanson que j'ai découverte il y a plusieurs années, alors que j'étais loin de penser qu'un jour, j'aurais le plaisir de goûter, sentir et admirer cette si belle Haïti: Sé Pa Pou Dat - Alan Cavé (
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9th May 2016

Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin!
Très intéressant ton blogue. j'en apprends sur Haïti et sur ton mandat. Je suis frappée du fait que ton travail s'apparente à celui auquel j'ai été associé les 20 dernières années avec les tables de quartier de Montréal et les regroupements autour de la petite enfance avec l'initiative Avenir d'enfants. Le but de cette action de planification coordonnée et intégrée est d'obtenir plus d'impact sur les populations. Un rôle de coordination qui devient très stratégique et exige beaucoup de communications et de doigté comme tu le dis si bien. Bon travail et à la prochaine!
10th May 2016

Men anpil chay pa lou!
Portée à plusieurs, la charge n'est pas lourde. Voilà un proverbe haïtien qui en dit long sur la solidarité de ce peuple. Son histoire est riche en leaders qui ont su rassembler les leurs pour gagner ses droits, sa liberté, sa capacité d'espérer... Ça me fera grand plaisir d'échanger sur ces similarités entre ce que tu fais au Québec et ce que j'essaie de réaliser ici, à mon retour!

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