Chapitre 23 : Le Vietnam à moto


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Asia » Vietnam » Southeast » Ho Chi Minh City
December 12th 2015
Published: January 15th 2016
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Le bus que j'ai pris depuis Phnom Penh m'emmène jusqu'à Ho Chi Minh, littéralement devant mon hôtel. Là, j'y fais la connaissance d'Hassan, un iranien d'une cinquantaine d'années, personnage haut en couleurs. Il a un passé de guérillero qui l'a emmené aux quatre coins du monde depuis le Nicaragua, jusqu'en Angola, jusqu'en Suède dont il est maintenant citoyen. Là, il a étudié la philosophie, et a commencé à écrire de nombreux articles, sur la politique, la religion, l'amour etc. Bon, il déteste les juifs et est persuadé que le monde est régi par la franc maçonnerie, mais à part ça, il est plutôt rigolo et très chaleureux.

La ville d'Ho Chi Minh- ou Saigon selon les goûts me plait immédiatement. Elle est beaucoup plus propre que Phnom Penh, mais également beaucoup plus agréable. Il y a de nombreux parcs où les gens viennent faire leur exercice quotidien, que ce soit au moyen d'un ballon de foot, d'un poids à plumes, ou d'une simple promenade. Les marchés sont partout et dispensent une odeur et un spectacle prometteurs.
Les scooters quant à eux sont innombrables, au point que c'en est assez incroyable, mais il y a des trottoirs où l'on peut marcher. Traverser est une autre affaire, qui demande du courage, de la patience et de la détermination.

Je me ballade ainsi pendant deux jours au cours desquels je mets au point un projet assez fou, celui d'acheter une moto pour rejoindre Hanoi, capitale du nord. Sur le papier, c'est génial, et parcourir les 2000km du Ho Chi Minh trail pour traverser le pays de part en part me fait bien rêver. Le truc, c'est que je n'ai pas de moto, et n'en ai jamais conduit.

Qu'à cela ne tienne, je commence à faire mes recherches, et tombe sur Tigit.
Tigit est une start up mise au point par Jonathan, expat british et sa femme Tuyen qui propose aux voyageurs de vendre une moto sûre, et de la racheter à l'arrivée en prenant une petite commission. Ils m'ont l'air sérieux, et je finis par me décider.

1000$ plus tard, me voilà désormais fier propriétaire d'une Honda Wave... Super, il ne reste maintenant plus qu'à parcourir les 2000 kilomètres qui me séparent d'Hanoi. Sachant que je n'ai pour théorie que les dix minutes d'explications de Jonathan, et pour pratique le tour du bloc... ça ne va pas être super facile. Mais bon, maintenant que j'ai la moto, plus question de reculer ! J'attache mon sac à dos à l'arrière au moyen de sangles, enfile mon casque, et tourne la clé de contact. Ça y est.

La première étape est de sortir d'Ho Chi Minh. Plus vite dit que fait. Je m'insère dans la marée des scooters, et commence à rouler. Aux feux rouges, les scooters viennent s'amonceler autour de moi, et sont extrêmement serrés les uns des autres. Quand le feu passe au vert, j'ai l'impression d'être au milieu d'un banc de poissons qui se met en mouvement comme un seul homme. Sentiment unique.

Au bout d'une heure, je sors enfin de la métropole pour me retrouver sur l'autoroute. Je suis déjà un peu plus rassuré; c'est sur que ce n'est pas facile, mais c'est faisable. Je commence à acquérir les bons réflexes : pied droit frein arrière, main gauche frein avant, main droite accélérateur, pied gauche vitesses.
La route est assez géniale et ponctuée de surprises : deux amis sur deux scooters différents qui tapent la discussion en roulant, une vache, un rocher, un bouddha... Rien ne semble plus pouvoir me surprendre.

Je m'arrête régulièrement sur le bord de la route pour consulter mon itinéraire, et suis à un moment rattrapé par un autre scooter qui vient s'arrêter à côté de moi. Persuadé qu'il vient m'aider, j'ai un peu de mal à comprendre qu'il me demande de l'argent. "De l'argent ?" que je lui fais tout étonné. "Drug, drug" me répond-il en sortant une seringue de nulle part. Ah...

La route continue, kilomètres après kilomètres, villages après villages. Les paysages sont magnifiques, mais je garde les yeux sur la route.
Soudain, une voiture émerge à toute allure d'une étroite rue perpendiculaire. Si j'ai acquis le réflexe de freiner, je me rends compte que freiner brutalement n'est pas une bonne idée. Trop tard. Il y a du gravier sur la route, et il n'en faut pas plus à la moto pour basculer. Et moi dessus.

Là, tout va très vite, et je me retrouve projeté sur le sol à une vitesse assez incroyable. Le temps que je retrouve mes esprits, je me rends compte que je suis complètement immobilisé par la moto qui m'est tombée dessus, et incapable de m'en extirper. Heureusement pour moi, le chauffard à la voiture est sorti, et me délivre de mon fardeau. Je me relève péniblement, et commence à faire l'état des lieux: le genoux et le coude sont bien ouverts, quelques égratignures sur les jambes et les mains, mais miraculeusement rien de cassé. Je ne peux malheureusement pas en dire autant de la moto: la béquille est endommagée, un rétro est tordu, et l'avant gauche a pris un sacré coup. Sans compter la flaque de liquide à l'endroit où je suis tombé.

Le chauffard semble paniqué en venant me relever, et m'emmène dans une clinique alentours. Il s'empresse de vérifier que mes plaies sont bien désinfectées et pansées avant de me quitter d'un "sorry" gêné.

Par prudence, je ne roulais qu'à quarante a l'heure, et le choc m'a paru incroyable. Je n'ose imaginer ce qui se serait passé si j'avais poussé jusqu'à soixante ou quatre-vingt.

Puis vient le moment fatidique de remonter sur la moto. J'avoue que la chute m'a fait un sacré choc, et que la perspective de remonter sur cet engin de mort me terrifie plus qu'autre chose. Mais ce n'est pas comme si j'avais vraiment le choix.

C'est donc reparti pour un tour, en étant encore plus prudent si c'est possible. Le rétro en moins n'arrange pas l'affaire, mais la moto semble fonctionner quasi normalement. Ce qui me fait un peu peur, c'est que j'ai pris du retard, et je crains de ne pas arriver à mon point de destination avant la tombée de la nuit. Ce n'est pas pour autant que j'accélère, j'ai retenu ma leçon, mais je zappe le repas du midi, et ne m'arrête plus.

Je m'en sors de justesse en arrivant à Bao Loc alors que le soleil n'achève de se coucher. Ô miracle, j'ai la divine surprise de constater que ma chambre d'hôtel est pourvue une baignoire, et me remet de mes émotions en m'enfonçant dans un bain brûlant... le premier depuis cinq mois !



Le deuxième jour est passé dans les montagnes entre Baoloc et Dalat.
Le début s'annonce très prometteur: des forêts, et de belles routes de montagne dont j'aperçois au loin les sommets dans les nuages. Une heure plus tard, cette vue qui m'enchantait se transforme rapidement en cauchemar.
Avant que je n'ai le temps de réagir, je me retrouve immédiatement trempé, et incapable de voir à plus de dix mètres. Et même en ralentissant à 20km/h ça reste du suicide sur une route trempée et fréquentée par des bus mastodontes qui ne me voient qu'au tout dernier moment. Comme si ça n'était pas assez, des chutes d'eau émanant de la montagne viennent se fracasser... sur la route. Le danger mis à part, l'expérience de rouler au milieu d'un nuage pendant plus d'une demie heure reste incroyable, et les paysages -les rares fois où celui ci se dissipe- sont véritablement époustouflants.

Les rizières transforment le sol en un vitrail étincelant dont les carrés de couleurs reflétent la magnificence et la complexité du ciel qui les surplombe. Elles font ensuite place à des plantations de café, de choux, de thé ou de curry qui s'étendent à perte de vue. L'expérience à moto est vraiment unique, et permet de découvrir véritablement le pays, ses paysages magnifiques, ses petits villages perdus, et ses habitants affairés. La sortie des écoles est particulièrement picturesque avec tous ces gosses en uniforme marchant ou courant en file indienne le long des champs multicolores. Le problème de la moto, c'est que j'ai l'impression que je vais y rester toutes les cinq minutes. La règle du trafic vietnamien est qu'il n'y a aucune règle. Ce qui donne sur les routes (souvent mauvaises) l'anarchie la plus complète où le plus fort a la priorité. Les bus jouent les caïds et manquent à plusieurs reprises de me jeter dans le fossé en m'effleurant littéralement. Oubliés les stops et les priorités, les gens vont où ils doivent aller, et peu importe si ça signifie prendre l'autoroute à l'envers.

Alors que les nuages s'amoncèlent dans mon rétro survivant, j'accélère le rythme pour arriver à Dalat avant que l'orage n'éclate. Manque de pot, c'est le moment que choisit l'un de mes pneus pour crever. Je me range sur le bas côté, ou ce qui s'en rapproche le plus, et regarde autour de moi. Je suis littéralement au milieu de nulle part, en pleine forêt tropicale, et le village le plus proche est à une dizaine de kilomètres. Pas facile de garder son sang froid, surtout quand c'est le moment que choisit l'orage pour éclater au dessus de ma tête.

Well, pas grand chose d'autre à faire que de couvrir mon sac à l'arrière et me mettre en quête d'un garage. La roue zigzague, la pluie fouette mon visage, et le vent me déporte parfois totalement, mais je suis en veine. Au bout de deux kilomètres, j'aperçois une espèce de case isolée sur le bord de la route où une famille semble vivre et vendre des fruits. Je m'abrite un peu, et leur montre ma roue pour qu'ils m'indiquent l'endroit le plus proche pour changer le pneu. La moto est le moyen de transport de référence dans le pays, aussi ne suis-je qu'à moitié surpris quand ils m'annoncent qu'ils peuvent me fixer ça. Je reprends des forces avec une banane, et me relance dans l'averse avec un pneu tout neuf, avant d'enfin arriver deux heures plus tard enfin à Dalat.

Je me rends compte rapidement que mon plan est beaucoup moins idyllique que prévu, et que je suis chaque matin plus terrifié qu'enthousiaste a l'idée de remonter en selle. Sans compter qu'en termes de budget ça va me revenir beaucoup plus cher que prévu. Non sans difficulté, je mets donc mon orgueil dans ma poche, et renvoie la moto par le train à Jonathan, pour poursuivre mon périple en bus.

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