Ha Giang Trekking avec Minh Anh Voyage


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December 30th 2010
Published: December 30th 2010
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Les habitants d'Hanoï semblent avoir fait leur la maxime « La vie appartient à ceux qui se lèvent tôt ». En effet, dès le petit matin, les bords du lac se peuplent de sportifs de tout poil.
Les uns sont adeptes du volant au pied ou du badminton et évoluent sur des terrains aux limites insoupçonnées en plein jour. Les autres leur préfèrent ce que nos yeux d'occidentaux apparentent à de la gymnastique : le Taï Shi Chuan. Abscons au premier abord, semblant se diriger vers des ombres invisibles, ces mouvements font en réalité partie d'un art martial, pratiqué autrefois par les guerriers pour développer leurs qualités de concentration, de calme et d'équilibre. Ce combat imaginaire se fait le plus souvent en musique, les gestes accompagnant en parfaite harmonie les rythmes des instruments traditionnels. Un peu plus loin, des jeunes lui ont préféré une séance d'aérobic sur des tempos plus cadencés.

A cette heure, il est difficile de reconnaître le visage d'Hanoï : les trottoirs sont vides, la foule bruissante et klaxonnante n'est plus, un calme étrange a envahi la ville, renforcé par ces centaines de pantins animés d'un même mouvement lent et coordonné.

En fin de matinée, nous nous octroyons une halte au fast food façon vietnamienne : après l'escalade de cinq étages n'autorisant le passage que d'un pékin à la fois, nous nous serrons autour d'une table à la propreté douteuse. Ici le nem a remplacé le hamburger, quelques herbes, la salade.

Puis nous sillonnons le Hanoï historique traversant allègrement les siècles et les croyances.

La pagode au pilier unique constitue une porte d'entrée intéressante dans le monde des légendes. Au XIème siècle, le roi Ly Thaï désespéré de ne pas avoir d'enfant mâle, vit en songe la déesse Quan Am figure bouddhique dont le nom signifie « à l'écoute des lamentations de la vie ». Elle se tenait assise sur une fleur de lotus et lui tendait un jeune garçon. A la suite de ce rêve, le roi épousa une jeune paysanne, eut un héritier et pour remercier la déesse, lui fit édifier ce pagodon en forme de lotus.
Le pilier n'est plus celui d'autrefois : la maçonnerie brute sans ornement paraît anachronique et vulgaire en contradiction totale avec cette évocation du monde des dieux.

Non loin de là, saut à travers les âges pour traverser une immense place vide et austère à l'extrémité de laquelle se dresse un bâtiment qui l'est tout autant. Il s'agit du tombeau de l'oncle Hô comme le nomment les Vietnamiens, gardé nuit et jour. Une ligne de démarcation est elle aussi surveillée. Ce mausolée, dans le pur style de l'architecture communiste à la soviétique, fut construit en 1975 à l'emplacement où, en 1945, Hô Chi Minh, à la tête du PCR fit son discours sur l'indépendance du Vietnam. Devenu aujourd'hui un lieu de pèlerinage, il abrite la dépouille embaumée du « père de la nation ». Ses dernières volontés n'ont ainsi pas été respectées : il souhaitait en effet être incinéré et voir ses cendres réparties dans trois urnes placées au sommet des trois collines du pays.

Nous flirtons avec une autre période de l'histoire, celle de la colonisation avec son architecture aux lignes droites et aux couleurs jaunes. De nombreux bâtiments de cette époque ont trouvé une seconde vie abritant là, le siège du parti communiste, ici le palais présidentiel.

Nous revenons à un culte différent en entrant dans le domaine du temple de Quan Thanh, XIème siècle, niché au nord de la vieille ville, sur les berges du lac Truc Bach. Quelques bancs et un espace arboré préparent au recueillement. Un étudiant crayonne. Ici est célébré Huyen Thien Tran Vu, le génie de la guerre et protecteur du pays. Sa statue, d'un noir de geai, le représente armé d'une épée et accompagné d'un serpent et d'une tortue, signe de longévité.

A l'intérieur du temple, chaque point cardinal est matérialisé par une couleur à laquelle correspond un élément du monde : ainsi au nord réside l'esprit malfaisant associé à la couleur noire ; l'est est le siège du culte des ancêtres symbolisé par le blanc ; l'ouest est le monde des vivants baigné par la couleur rouge ; enfin au sud se dresse l'esprit bienfaisant représenté par le vert.

Journée de contrastes : nous regagnons la clarté et la foule pour rejoindre une autre pagode nommée Tran Quoc et située sur un îlot du lac de l'ouest ou Ho Tay, le plus grand des sept lacs d'Hanoï. Son histoire remonterait au VIème siècle, mais son architecture actuelle date du XVIIème. Elle évoque une immense pièce montée formée de plus de dix plateaux. Ici tous les cultes semblent s'être donnés rendez-vous : vous pouvez aussi bien prier Bouddha et ses disciples, vous recueillir devant les statues des trois déesses symbolisant l'eau (blanc), le ciel (rouge) et la montagne (vert) ou invoquer vos ancêtres. Le trait d'union se fait au travers des couleurs : le rouge et le doré prédominent mais également via les offrandes, pratique commune à ces cultes. Même les bonzaïs des petites cours s'intègrent à cette spiritualité : en effet beaucoup d'entre eux appartiennent à la famille du pamplemoussier et portent des fruits jaunes et découpés appelés « mains de bouddha ». Il n'y aura décidément que le néophyte occidental pour être quelque peu désorienté devant tant de piété et ne sachant plus à quel saint se vouer ! Il pourra néanmoins se consoler en brûlant quelques bâtons d'encens : mais attention, il devra respecter la hiérarchie suivante : un bâton signifiant « je visite », trois bâtons « je prie pour un évènement particulier », cinq bâtons « je prie pour tous ».

Pour achever le voyage dans le temps et les cultures, nous voici maintenant devant le temple de la littérature appelé aussi « Van Mieu ».

Lui aussi édifié au XIème siècle, il accueillit les disciples de Confucius et l'école des mandarins. Un portail majestueux se dresse à l'entrée Sud. Il se compose de trois niveaux : la terre et les hommes, le ciel et la sphère des animaux fabuleux : le phénix (la pureté) - la tortue (la longévité) - le dragon et la licorne. Deux rangées d'arbres séculaires bordent l'allée centrale menant à la porte du soleil et ses quatre piliers blancs symbolisant la ville d'Hanoï. La traversée d'une seconde cour et d'un pavillon nous conduisent devant des bassins de formes carrées bordés de nombreuses stèles dont la base est constituée d'une tortue. La lumière se reflétant dans l'eau les baigne ainsi tout au long du jour.

Ces stèles, au nombre de 82, représentent chacune un mandarin suprême ayant exercé sa fonction de guide du peuple selon les préceptes de Confucius. Ce dernier, philosophe chinois du Vème siècle avant JC est porteur d'une doctrine fondée sur le perfectionnement moral de l'être humain. Quelques éléments pour approcher le contenu de cette philosophie : à la question « Qu'est ce que la bienveillance et qu'est ce que le savoir ? », Confucius répond que « c'est s'aimer soi-même et se comprendre soi-même » et donc « appliquer aux autres ce que l'on souhaite pour soi-même ». Ainsi le mandarin suprême ne gouverne pas pour le pouvoir mais pour guider le peuple afin de le rendre heureux. Quelques paraboles permettent également d'illustrer la pensée de Confucius. Ainsi à l'homme qui pêche mais qui ne prend pas de poissons, l'attitude respectable est non pas de lui donner de l'argent mais de lui procurer des appâts pour qu'il continue son travail. Vis-à-vis de l'homme qui se noie, la position sage consiste, non pas de se précipiter à son secours sans être sûr de ses capacités à nager ou de sa force à pouvoir le ramener sur la rive, mais à lui fournir un moyen de s'accrocher et de l'aider à revenir sur la berge.

Le temple de la littérature fut donc un centre intellectuel et spirituel, dédié à l'enseignement de cette doctrine. D'abord réservé à la famille royale et aux grands mandarins, l'école devint accessible au peuple tout entier, selon le principe de la méritocratie. Pour devenir un bon guide du peuple, les prétendants à la fonction suprême devaient passer un concours très difficile comportant de nombreuses épreuves dont la composition de poèmes, la résolution concrète de conflits et un entretien avec le roi.

Nous contemplons les statues massives de Confucius et de ses quatre principaux disciples abritées par un long bâtiment en bois de fer richement décoré et supporté par quarante piliers. Des offrandes leur sont encore à ce jour déposées. Là aussi les couleurs dominantes sont l'or et le rouge, teintes royales.

Juste derrière les statues, des sons nous parviennent : un concert de musique traditionnelle débute. Les instruments sont pour le moins originaux : sorte de guitare à corde unique, xylophone en bambou, grelots ou encore modèle de la famille des flûtes de pan tenue à l'horizontale et dont les sons sont émis par les battements des mains devant les ouvertures. Sérénité absolue.

Nous achevons cette riche traversée du temps et de la culture vietnamienne par le théâtre des marionnettes sur l'eau. Quarante minutes pendant lesquelles Chu Teu, le narrateur, nous conte à la fois des scènes de paysannerie mais aussi certaines légendes peuplées d'animaux fabuleux. Le spectacle est rythmé par des chants, des instruments traditionnels et par les entrées et sorties des multiples personnages mentionnés par le récit.

Après une nuit à l'hôtel, nous abordons le musée ethnographique, financé en partie par la France. Magnifique réalisation où l'on aurait aimé passer plus que les deux heures accordées... A l'intérieur, la présentation de la diversité culturelle des ethnies est illustrée par de nombreux objets du quotidien, des vêtements, des techniques de tissage, des habitudes alimentaires. Une partie est également consacrée à la vie sous Ho Chi Minh avec une certaine objectivité ce qui peut paraître surprenant. A l'extérieur, les différents habitats des ethnies sont construits grandeur nature : maisons sur pilotis, maisons très longues ou encore très hautes...

Puis nous quittons Hanoï direction le Nord Est du pays. Le long de la route principale se pressent des villes-rues comme si ces lignes droites de bitume véhiculaient le sang nécessaire à la vie. Des artisans de tout acabit étalent leur travail à la vue des automobilistes pressés sous les branches déployées des badaniers ou des flamboyants. De nombreuses briqueteries ont essaimé çà et là délivrant le matériau de construction principal des maisons. Seuls les murs de façade sont recouverts d'un enduit de couleurs vives tirant sur le fluo. En effet, le Vietnamien est doué d'un grand sens pratique : inutile de décorer des murs sur lesquels viendront s'accoler d'autres maisons ! Sur les toits, des bonbonnes métalliques servent de réserves d'eau : la hauteur permet de délivrer une pression suffisante pour la douche.... Entre ces fourmilières, s'étendent à perte de vue, des rizières où s'égrènent vaches et buffles, canards blancs, coqs et poules. Des paysans s'activent à l'irrigation des parcelles : équipés d'écopes à cordes, ils répartissent la quantité d'eau nécessaire à la culture du riz.

Le ballet des deux-roues chargés de marchandises ne s'est pas interrompu.

Premier arrêt au cœur d'un petit marché sommaire où s'échangent vêtements et fruits entre des tas de détritus. Oranges, noix de coco et sa bogue verte, fruit du jacquier, dont l'épiderme est orné de petites aspérités triangulaires et régulières, pastèques mais également de nombreux légumes ornent les étals branlants. Un peu plus loin, halte salutaire pour estomac criant famine. Au menu : pousses de bambous et aubergines au vinaigre, porc grillé aux graines de sésame, morceaux de bœuf et ses oxalis, pousses de patates douces agrémentées d'ail, omelette aux herbes et riz. Pour la digestion, un thé vert particulièrement amer est servi mais il reste plus appétissant encore que l'alcool de riz contenu dans ces bocaux trônant sur l'étagère où barbotent cobras, scorpions ou autre bestiole tout aussi sympathique.

Nous reprenons la route. Peu à peu, le paysage devient plus vallonné. Des champs de thé vert courent sur les pentes douces. Ces arbustes sont régulièrement taillés, les feuilles tendres sont cueillies à la main puis séchées. Le summum du raffinement était paraît-il de faire manger ces feuilles de thé aux ruminants puis de les tuer pour en extraire l'élixir de thé de leur estomac...

Il existe quatre sortes de thé au Vietnam : le thé vert, le blanc, le jaune et le noir. Le thé blanc pousse à une altitude plus élevée. Le jaune est lui, parfumé avec des fleurs de lotus séchés. Les couleurs et la texture de la terre se sont également modifiées : ici le sable prédomine, des carrières sont creusées pour l'extraire et fabriquer des matériaux de construction.

Nous arrivons à Ha Giang où nous rejoignons notre hôtel aux couleurs bleu ciel. Un banian aux feuilles larges et coriaces, d'un vert clair apporte un peu de fraîcheur dans l'atmosphère encore lourde. Un bougainvillier mauve, des bonzaïs de ficus et d'autres arbres sont disposés tout autour de la cour. Le soir tombe, des cohortes de moustiques s'agitent en tous sens. Un peu plus tard, c'est au tour des lucioles : leurs mouvements rapides éclairent la pénombre de points luminescents éphémères. Une jeune fille vient échanger quelques mots en anglais. Son prénom correspond à celui de la bourgade « Giang » ce qui signifie « eau », son frère se nomme « Son » qui veut dire « montagne ». Ainsi certains prénoms font directement référence à des noms communs, souvent d'éléments naturels. Nuit bruyante et sommeil agité.

Une heure de bus nous sépare du point de départ de la randonnée. Nous longeons une rivière bordée de bananiers dont les stipes chargés s'allongent vers les flots, presque à portée de main. Çà et là, des roues à godets tournent sans relâche emportant au passage l'eau nécessaire à la culture du riz. Rassemblement des troupes autour de petites tasses de thé vert, très fort et presque froid. Les porteurs sont là, certains fument la pipe à eau ; d'autres trinquent, un verre d'alcool de riz à la main. Des enfants tournent autour de nous, très intrigués par le matériel sophistiqué que chacun emporte. Deux petits amoureux jouent sur un vélo démesurément grand.


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