ANDAMAN ISLANDS


Advertisement
India's flag
Asia » India » Andaman & Nicobar Islands
February 28th 2019
Published: February 28th 2019
Edit Blog Post

Le Voyageur serait-il un voyeur âgé…



VOYAGER, C’EST D’ABORD SE SOUMETTRE. Aux événements. Aux lieux. A l’inconnu. Aux comportements. Aux habitudes gastronomiques. Aux conditions climatiques. Aux émotions… A tout ou presque. C’est l’instant de départ, le point de passage souvent obligé, le stress nécessaire (pas toujours souhaité), mais aussi l’adrénaline, les excellentes surprises inattendues (pléonasme) lorsqu’on va voir derrière la façade, et parfois le dépassement de soi. Arriver dans une grande ville en pleine nuit, sans repère, fatigué après 10 heures de bus crapoteux et cahotant, puisqu’il aura bien fallu se soumettre à un trajet, à des horaires, à du retard… Cette ville, dans un premier temps, peut effrayer, saturée de bruit, abords quelconques. L’accueil est endormi, l’hébergement déçoit, la chaleur tarde à s’évanouir, la topologie semble compliquée, l’hôtelier se montre particulièrement administratif et prend son temps, les restaurants sont éloignés, pas vraiment engageants… C’est arrivé à tout le monde, avant de prendre ses repères, tout le monde a été voyageur au moins quelques minutes dans sa vie. Le voyageur passe par la case bizutage, il n’est pas colonisateur comme le montre parfois le touriste. L’Inde n’échappe pas à la règle, loin s’en faut, et, quoiqu’on solutionne, elle domine et soumet le voyageur à ses conditions. Il arrive qu’une nostalgie fugace du pays s’empare du voyageur ; il se rappelle bien vite qu’il y fait moins 12 et que les gens ne s’y aiment pas entre eux ! Cette contre-envie soudaine passe, comme l’envie du fumeur repenti. Un masala chai, et ça repart. C’est entre autres pour ces sensations que le voyageur voyage.



VOYAGER, C’EST ENSUITE ADMETTRE (s’admettre ?). S’adapter. Le fatalisme n’induit pas pour autant la nonchalance et le renoncement à l’affirmation de soi, même si l’on sait d’emblée que la contestation ne modifiera pas l’ordre des choses ni la relative rondeur de la planète. A l’école de la patience, l’Inde offre de nombreux exercices appliqués. Râler fait du bien, c’est dans nos gênes, mais la Nature indienne est imperturbable (quoique remuante). Voir un fonctionnaire travailler sans efficacité, attendre la fin de sa pause, et s’en fiche éperdument de son client, celui qui, après une heure de queue, te renvoie ton passeport en te disant qu’il lui faut une photocopie et celle du visa et que la photocopieuse est à 500 mètres et qu’après il faudra refaire la queue… subir une inflation monstrueuse et les tarifs spéciaux pour foreigners, se trouver dans une queue compacte en pleine chaleur et lutter des coudes pour conserver sa place, remplir incessamment des formulaires sans queue ni tête, voir s’accumuler des papiers écrits à la main qui, sans être consultés, iront saturer les archives, ne plus s’étonner qu’un train soit entièrement réservé, ou annulé, slalomer autour du plastique des plages, parfois plus nombreux que les coquillages… A nouveau l’Inde est championne du contre-repère occidental. Du fait du nombre de sa population et de ses particularités, c’est évidemment à l’étranger de s’adapter, pas le contraire. Et puis, l’indien a toujours beaucoup bougé, aujourd’hui la classe moyenne montante modifie la donne, le touriste est indien avant tout, le voyageur occidental est très marginalisé, même s’il tente d’amadouer son monde à foirce de méditations et de séjours en ashrams. L’évolution du phénomène touristique local se retrouve quasiment partout en Asie me semble-t-il.



MAIS VOYAGER, C’EST AVANT TOUT ETRE. Il n’est question pour personne de porter un turban ou un sari en guise de soumission ou d’admission. Le voyageur (le touriste encore moins) ne sera jamais de la caste. Autant qu’il demeure dans son bon élément, qu’il apprenne et trouve ce qu’il est venu chercher, mais sans bousculer l’écosystème, il n’y parviendra de toutes façons pas, il reste aux abords. Une ville comme Hyderabad, Bhubaneswar aussi, la majorité des villes indiennes certainement, d’abord déroutante, bruyante, populeuse, musulmane… Hyderabad soumet le voyageur. Ce n’est pas perdu pour autant, il faut arpenter, chercher l’âme de la cité, en comprendre les éléments de base, rester ouvert (ou partir). Le voyageur finit le plus souvent par trouver sa place. Il change de quartier, combat sa colère et sa fatigue, atteint une nouvelle sérénité, prend ses repères, va où il se sent le mieux, dans son quotidien et dans ses projets (fuites, rêveries, découvertes, plongeons dans l’inconnu…), dans ses envies. S’il prend conscience et maîtrise la soumission, il efface la déception et réussit son adaptation. Ca marche toujours, ou quasiment. Quel bonheur. Même ici, Havelock, dans les îles Andaman, archipel de sommets de montagnes sous-marines perdu à 700 kms des côtes les plus proches, prometteuses de soleil et paradis. Même ici l’abord peut dérouter, la complication de la prise de billet du ferry, le resort payé cher et finalement basique, la mer retirée très loin… Le voyageur voulait pour un temps les avantages du touriste, voire du vacancier, tout de suite à portée de main, il lui faudra trouver par lui-même. La déception d’abord, puis la prise de pouvoir sur soi, l’acharnement, les découvertes et la réjouissance finale.



VOYAGER, C’EST ENFIN TRANSMETTRE (susciter l’envie). Les grands voyageurs seraient aux oubliettes s’ils n’avaient écrit, filmé, déclaré, émis et transmis. Je ne suis évidemment pas de cette trempe, un voyageur de pacotille, un lecteur de guide qui veut se faire peur à aller dans quelques sentiers perdus, mais pas pour tout le monde. Mes parents m’ont donné le goût du voyage, diversifié mais classique et convenu, l’aléa d’un pneu crevé, pas plus, tourisme amélioré de l’époque. Ma sœur m’a apporté quelques clés, m’a fait enfoncer des portes. Sans le savoir, elle m’a ouvert les voies, les veines de l’ailleurs, a démarré ma transfusion. Je profite de mes quelques années en bonne santé encore, d’exigences et d’enthousiasmes. Aujourd’hui, j’ouvre les yeux de mon fils, je crois qu’il apprécie. Il me semble que le voyage est le domaine dans lequel j’ai le plus d’aptitudes à transmettre. On transmet bien ce qu’on aime, n’est-ce pas ? Et puis il y a ces textes que je vous adresse depuis 20 ans et dont je vous prie d’excuser les redondances.
Le voyage se vit, il ne s’apprend pas dans les livres. Des cours théoriques sur le voyage seraient incongrus. Certains récits de voyageurs peuvent néanmoins être considérés comme des cours par correspondance, ils sont voyages par procuration, au moins dans sa tête, ce n’est pas si mal. Le voyage étant une action individuelle ou presque, voire égoïste, un plaisir pour soi-même, sa réussite et son intérêt dépend de la personnalité et des motivations de l’individu voyageur. Vous comprenez que, bien que je sois souvent critique (on critique ce qu’on aime non ?) et que le cynisme l’emporte parfois dans le style, je reste enfant dans mes voyages. Je les aime vraiment ces voyages…





ITINERAIRES



ANDAMAN ISLANDS
Archipel perdu au milieu de l’Océan Indien (la Mer d’Andaman), très étiré du nord au sud, prolongé par Nicobar qui, proche de Sumatra, a le plus immédiatement subi le tsunami de 2004 parti d’un tremblement de terre dans ses parages. Des îles plates de l’archipel ont été entièrement submergées, des milliers de morts et de disparus (donc finalement morts), de sans-abri. L’éloignement a compliqué les secours. Dans certains endroits, les crocodiles énervés ont empêché les accès. Nulle trace aujourd’hui que dans les mémoires. Le gérant d’une guesthouse me certifie que les îles Andaman n’ont pas souffert de ce tsunami, je n’en crois rien, et la vierge avec sa petite robe orange... Des peuplades primitives (et protégées) se terrent encore dans certaines jungles. Certaines n’ont pas résisté aux envahisseurs, le contact est interdit (apport de maladies, acculturation), mais la tendance est malgré tout à la baisse du nombre. Comme ailleurs, des langues disparaissent avec le dernier survivant de la tribu.
Andaman et Nicobar sont indiens, on ne peut y accéder que par l’Inde, alors que les îles sont pourtant plus proches du Myanmar, de la Thaïlande ou de l’Indonésie. L’Inde rigoureuse a décidé que l’heure serait partout la même sur son territoire. Il est ainsi la même heure à Port Blair, capitale des Andaman, à l’est, qu’à Jaisalmer, une des perles du Rajasthan, à l’ouest. Ces villes sont pourtant distantes de 3.000 kms. Le rythme est donc modifié dans les îles puisqu’il fait nuit noire très tôt (17h30), on ne traîne pas le soir, mais on s’active dès 6 heures du matin.



PORT BLAIR
L’accès aux îles se fait obligatoirement par l’aéroport de Port Blair (le seul aéroport des îles d’ailleurs) depuis l’Inde, deux heures depuis Chennai ou Kolkata. D’autres villes sont accessibles en direct, pour moi c’était d’Hyderabad. Des bateaux cargos font aussi la traversée en trois jours. Le petit aéroport sans fioritudes donne accès direct dans la ville qui a des allures de Caraïbes. Du fait de sa situation, on voit quelques faciès d’Asie plus lointaine, les courants ont forcément fait se perdre quelques peuples, mais l’indien domine nettement. Port Blair étant le passage obligé, il faut s’y occuper :
- Ross Island, en 10 minutes de bateau, la foule qui s’y rend fait peur, on y accède par bateaux de 10 personnes avec autorisation d’une heure trente sur l’île, c’est un peu désorganisé, pourquoi faire simple… Finalement le monde se répartit sur l’île et la visite est sereine. Ancien centre administratif des îles, du temps des britanniques, l’île a été secouée par un tremblement de terre en 1941 et les japonais envahisseurs de la fin de la guerre n’y ont pas fait que du bien. Les bâtiments ont été abandonnés et, dans ces parages de moussons, la ruine est fatale. Comme à Angkor, les banyans se sont accaparés les murs qu’ils maintiennent droit, les cours, les toits. Ville fantôme. C’est ce qui se visite et c’est très bien fait. Emouvant aussi.
- Cellular Jail : les britanniques y enfermaient leurs prisonniers politiques indiens (ceux qui voulaient leur indépendance, tiens tiens…), dans d’épouvantables conditions, sans grand espoir de retour. Propre et bien présenté. A voir pour passer le temps. A oublier si on n’en a pas.
- Corbyn Cove beach : à 7 ou 8 kms de la ville, petite plage bien agréable (400 rps en tuktuk, aller-attente-retour) où un panneau prévient de faire attention aux crocodiles, mais c’est sans doute parce qu’ils en ont vu un il y a des années, ça n’empêche personne de se baigner.



HAVELOCK ISLAND
Tous les touristes qui viennent aux Andaman passent par Havelock, voire y occupent la totalité de leur séjour. Accessible en 2 heures 30 de ferry (510 rps – 6€, ou plus pour les bateaux privés), c’est une île « paradisiaque », mer turquoise, plages de sable blanc (paysages de cartes postales si on en trouvait encore), excellents spots de plongée et vie beaucoup plus chère. Beaucoup d’indiens à l’aise (Blaise) viennent y passer leurs vacances ou leur Honey Moon. Ils n’ont visiblement pas le même niveau de vie que l’indien populaire du continent, occupent les hôtels chers, voire très chers, les saris colorés sont remplacés par les shorts en jean, les jeunes filles des villes me semblent plus potelées que les jeunes campagnardes fines encore dans la stricte tradition . Plus d’occidentaux, beaucoup pour la plongée, jeunes et tatoués. D’excellents restaurants avec cuisine de qualité et inventive. De nombreux resorts en bord de mer sur la côte est. Malheureusement à cet endroit, la marée basse envoie l’eau très loin au-delà des rochers et ce n’est plus baignable pendant de nombreuses heures. Et puis la mer remonte et dépose les plastiques, sacs, bâches et bouteilles que les bateaux ont l’amabilité de jeter par-dessus bord. C’est scandaleux, c’est dégueulasse. Quand la mer monte, j’ai honte ! Mon resort nettoie sa devanture, mais ça revient incessamment. Le Pellicon Beach Resort est très bien avec sa minuscule plage privative, son jardin central parfaitement entretenu, ses bungalows en dur assez vastes, mais bien trop cher pour la prestation (5.700 rps la nuit – 70€), tous les commentaires s’en plaignent, je m’associe au mouvement.
La Thaïlande, pour laquelle le tourisme représente 15% de son PIB, a compris les efforts à faire pour maintenir son attractivité (trop forte pour moi aujourd’hui, mais il faut bien gagner des sous, ce que je comprends). La propreté y est une règle maintenant admise sur ses abords maritimes. Les excursionnistes sont vigilants, et elle n’hésite pas à fermer certaines plages pour une durée indéterminée, le temps que l’écosystème se régénère. L’Inde est loin du compte, même ici, destination touristique par excellence, quel dommage ! Le tourisme représente 6% du PIB en Inde (7% en France).
En scooter, parti dans une campagne verte de bananiers, cocotiers et palmiers, je pile devant un gros serpent de 2 mètres de long (j’ai pris le temps de mesurer), brun clair, qui traverse en ondulant hors des passages cloutés. Ça me vaccine pour la ballade à pieds seul et en tongs que je m’apprêtais à faire pour rejoindre une jolie plage (Elephant beach) retirée, et que j’imagine certainement infestée de crocodiles pour ne pas regretter. Et pourtant, des canadiens rencontrés plus tard m’ont affirmé qu’il s’agissait là du meilleur spot de snorkeling qu’ils avaient pratiqué dans les îles. Il y a une très grande plage à l’ouest, magnifique, Radhanagar, une des plus belles plages du monde disent les prospectus. J’en ai vu tellement que je ne suis plus objectif en rapport avec mes exigences. Les familles indiennes affrètent des cars entiers pour s’y rendre, s’y baignent habillées, l’industrie du maillot de bains féminin doit bien piétiner en Inde ! La plage de sable jaune, sans aspérités, est suffisamment grande pour que les occidentaux y trouvent un coin de calme et s’y dénudent tranquillement.



NEIL ISLAND
Quelle déception de voir partir irrémédiablement le bateau qu’on devait prendre, le prochain départ pour Long Island au nord est dans deux jours. Immédiatement revoir mes plans, mes possibilités, mes envies et mon timing en fonction de l’avion qui décollera à l’heure dite dans quelques jours et me ramènera vers le continent. J’étais sur le quai bien en avance et n’ai pas vu mon bateau arriver (caché par d’autres), les informations des officiels auxquels je me suis adressé ont été contradictoires, « boat not arrived – wait here- boat is gone ». Je n’ai que mes yeux pour pleurer quand je le vois partir. Vexant et vexé. Je ne souhaite pas rester une journée de plus à Havelock, l’île m’a déçu. Je crache dans la soupe évidemment, cette île est magnifique, mais à force d’avoir vu des endroits superbes, de toujours vouloir mieux, je perds en surprise et accumule l’exigence. Tout à fait humblement, il me semble que je cherche encore le privilège de la découverte et du sensationnel, ce n’est évidemment plus possible, nulle part, le voyageur n’est pas forcément un aventurier. Si je l’ai jamais eue, je n’ai plus la force de l’extrême. Je ne souhaitais pas non plus faire le trajet convenu des vacanciers Port Blair – Havelock – Neil Island, et pourtant je dois m’y résoudre, le prochain bateau en partance est pour Neil Island, une heure de ferry (tarif fixe quelle que soit la destination : 510 rps).



Dans cette île où je ne souhaitais pas me rendre, je vais rester quatre jours, parenthèse vacancière. Calme et bungalows de bambous m’accueillent au Break Water Resort (800 rps – 10€), gérant sympa, voisins de bamboo hut toulousains, adorables, quoique sur le départ, mais ils demeurent néanmoins adorables. Petite île d’une dizaine de kilomètres de long à peine, où le temps passe à sillonner les quelques routes en scooter, à prendre son masque et son tuba à marée haute, à contempler les rochers découverts loin à marée basse, à aller se frotter à la populace indienne au coucher de soleil sur la magnifique plage n°1 (les indiens ont viscéralement besoin d’être en groupe) pourtant désertique en journée, à aller de plage en plage nettement plus propres qu’à Havelock, même s’il y a un peu de boulot quand même, toutes différentes, à lire sans discontinuer, à aller à la guesthouse voisine une fois par jour (un des seuls endroits de l’île possédant un accès wifi qu’il facture 200 rps de l’heure – 2,50€) où semblent s’être regroupés les français en fuite, à aller se faire couper les cheveux (le coiffeur n’ose pas me dire le prix, 150 rps – 2€, coupe complète à ras et massage du crâne inclus), à traîner au petit déjeuner... Peu de photos ces jours-ci, c’est beau et simple tout simplement. Les indiens qui représentent 95% de la population en transhumance sur les bateaux ont, sur cette île, leur vie bien à part de celle des occidentaux. Ils se concentrent dans les grands hôtels, vont voir en groupes le lever du soleil sur telle plage le matin, le coucher de soleil sur telle autre le soir, s’agglutinent bruyamment sur la même petite plage. Le reste est pour les blancs becs, quel bonheur, quel calme, même les chiens sont sereins et recherchent une tendresse éphémère sans s’attacher… A sillonner en scooter ou à vélo, ou simplement profiter du hamac…

Advertisement



Tot: 0.064s; Tpl: 0.022s; cc: 10; qc: 19; dbt: 0.0306s; 1; m:domysql w:travelblog (10.17.0.13); sld: 1; ; mem: 1.1mb