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Published: October 16th 2016
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« Je suis dans la paix ». Il fait toujours sinon plus chaud ici. 35° degré à l’ombre, 55% de taux d’humidité. Ce n’est pas non plus une grande souffrance, mais quel écart pour Benoit qui est rentré sur notre terre française, celle de « l’oncle de Gaulle » comme lui disait Ahmed. Nous l’avons laissé à l’aéroport hier soir. Je l’enviais presque de prendre cet avion. Je me demande déjà quel homme je serai devenu quand mon tour viendra. Le retour de l’aéroport est étrange. Babacar qui nous conduit, je suis seul avec Pimprenelle. Je lui dit que nous sommes désormais livrés à nous-même. Et que de défis à relever. Elle a bon cœur et moi bonne volonté, nous réussirons à la grâce de Dieu. Dieu occupe notre matinée dimanche. Nous allons à la paroisse de Saint Joseph. Le directeur et son épouse ont la gentillesse de nous y accompagner. Je me sens bien. Je pensais que je fuirai cette culture du gospel. Etant latin et attaché aux vieilles traditions de l’Eglise je regrettai l’absence de forme extraordinaire dans la capitale jusqu’à ce matin. Dieu est venu à la porte de mon cœur comme il était si bien présent dans
les âmes de chacun des fidèles de cette paroisse. Il y a une dizaine de blancs parmi les 500 paroissiens sénégalais. Je ne me sens pas exclu pourtant. Les prières en français, les quelques chants francophones dont je connais déjà les mélodies, la foi fervente qui anime mes « frères », je suis bien à la messe. C’est la maison de Dieu et je ne suis pas à proprement parler un étranger. Ce n’est pas ma culture à n’en pas douter. Ni ma sensibilité liturgique. La moitié des chants sont aussi en wolof. Mais que de grâces. Il y a pour moi autant de cohérence à ce qu’un français aille à la messe en latin et en forme extraordinaire, qu’un sénégalais dans cette église. Ils chantent parfaitement à l’unisson, ils épanchent leur âme à travers quelques gestes discrets encore et surtout la chaleur de leur voix. Je sens tous leurs cœurs vibrer. Cette même vibration que j’ai dans le chant grégorien, dans un kyriale bien lancé, dans une cérémonie bien huilée avec son cortège de clercs et de richesse romaine. Je vibre sans comprendre les paroles de leur chant, mais je sais qu’elles parlent du Christ, de notre rédemption et
de notre joie de ressuscité en Jésus. Je veux en être, je veux être dans leur chorale, le temps viendra peut-être. Est-ce paradoxal, moi qui ne supporterais pas cela en France ? Je ne pense ni me tromper ni me contredire. Cette manière de prier sonne vraie au Sénégal. Et on aurait beau mettre de beaux djembés et des bons chanteurs rythmiques en France, je trouverai encore qu’ils sonnent faux dans nos églises gallicanes. Au breton le son de son biniou et de sa bombarde, au parisien la beauté de ses chorales polyphoniques, au Sénégalais la chaleur de ses rythmes. Les expressions des âmes sont singulières et la liturgie est universelle. Quand chacune s’écoutent mutuellement, la communion se fait sans disharmonie. Quoi de mieux que l’identité et la culture d’un territoire pour permettre à plusieurs âmes de s’exprimer dans le langage liturgique que l’Eglise a la bonté de nous donner ? Chaque jour de cette semaine est une belle leçon qui m’est faite.
Des petites histoires : Pimprenelle a un prénom original, mais il passe bien à côté de sa sœur qui s’appelle Bergamote.
Vendredi j’ai dû faire un petit lexique anglophone pour l’hôpital : nous
attendons une visite de l’ambassade américaine lundi après-midi. Depuis on me demande des cours d’anglais…
Vendredi soir je suis sorti avec Benoit, son dernier. Nous sommes allés dans un maki délicieux. On se joint à quelques expats. Quelques autres nous rejoignent ensuite. Il y en a qui fait rire tout le monde, il a la même chemise que moi, presque la même barbe. Quand il me dit son prénom je comprends pourquoi les regards orientés vers moi étaient de pair avec ces rires. Il s’appelle Renan ! Un Renan et un Ronan à Dakar, dès ma première semaine, ma première vraie sortie, il fallait le faire. Il est bien breton et nous parlons du pays. J’intrigue alors Abas, le géant sénégalais avec la Bretagne. Je lui en apprends plus et quelques mots bretons. Je fais la même chose au CHOM et mes amis wolofs se prêtent largement au jeu. Je discute ensuite avec Mohamed. Né en France, il y est resté 24 ans avant de rejoindre le Mali, le pays de ses parents. Cela fait quatre ans maintenant qu’il s’est installé à Dakar pour enseigner dans une école mariste. C’est un beau missionnaire. Il y a enfin Gas, un
petit filou de Dakar. Il me prête sa moto à la sortie du restaurant. Nous faisons un brin de chemin ensemble, sa confiance m’amuse. Je dois m’arrêter là, Benoit veut rentrer.
Samedi Benoit nous emmène à la pointe des Almadies. Une mer claire, des rouleaux bien dessinés près d’un phare au loin. Une belle assiette de coquillage, nous nous régalons. Nos glanons un peu au marché l’après-midi. Ma barbe a l’air de surprendre les locaux, on veut la toucher. Dimanche Pimprenelle et moi déjeunons au CHOM avec Rose, l’infirmière responsable du service chirurgie, René et un médecin. Nous sommes sous une petite hutte, par terre, et je manque de m’étouffer avec une arête. Je me ridiculise mais Rose s’amuse en me souhaitant bienvenue au Sénégal. Nogoy, la cuisinière avec un cœur aussi grand que le continent qu’elle n’a jamais quitté, paraissait beaucoup plus inquiète. Après m’être entêté à retirer le corps étranger pendant un petit quart d’heure et qu’un wolof me caresse la gorge du doigt en incantant des paroles incompréhensibles, sur les conseils de Rose je dois continuer à manger pour que l’arête passe. Ce qui arrive effectivement. Elle m’apprend alors à manger mon poisson avec
les mains, elle me donne les bonnes techniques pour évincer ces éléments du squelette du poisson qui nous chatouillent. Nogoy s’était assise à mes côtés, bousculée par l’anxiété que j’avais provoquée. Après quelques bonnes discussions chacun retourne à son sacerdoce.
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