La foret de Nyungwe


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Africa
July 12th 2008
Published: July 12th 2008
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Si le Rwanda ressemble au paradis terrestre, alors la foret de Nyungwe est l'ancetre du paradis et les quelques jours que j'y ai passe m'ont fait voyager dans un passe lointain.
Cette jungle de montagne, l'une des dernieres au monde, se souvient de temps ou l'etre humain n'etait qu'une vague possibilite. Parmi les arbres aux troncs moussus, j'aurais pu croiser Indiana Jones a la recherche d'une relique sacree ou meme le dernier des dinosaures sans en etre le moindrement etonnee. Et pourtant, il ne reste dans cette foret que quelques singes et des milliers d'oiseaux. Le dernier elephant de Nyungwe fut tue par les braconniers en 1999 et son crane, meconnaissable sans ses fieres defenses, trone, rappel nostalgique d'un passe revolu, dans le bureau d'information touristique du parc national. Nyungwe n'en demeure pas moins une jungle exotique avec de magnifiques pistes de trekking serpentant dans des vallees profondes.
C'est principalement pour cette raison que Devi et moi avons decide d'y sejourner quelques jours avant son depart pour les Etat-Unis. Et grace a son charme et sa gentillesse inepuisable, elle a rencontre il y a quelques semaines deux autres americaines, Tamara et Christine, qui font de la rechercher sur les chimpanzes a Nyungwe et qui nous ont proposer de demeurer chez elles pendant notre sejour.
La cerise sur le sundae : elle nous offrait le transport jusqu'a Uwinka, le centre touristique au milieu du parc, dans leur jeep, chauffeur inclus. Ce n'etait pas du luxe. Malgre les competences de Mike, notre chauffeur, en matiere de conduite automobile bien superieures a celles des chauffeurs de matatu (mini-bus locaux), nous avons failli mourir dans un face a face avec un camion arrivant a toute vitesse au detour d'une des nombreuses courbes de cette route de montagne sinueuse. Absolument certaine de voir Christine, assise sur le siege du passager, etre englouttie par le mastodonte foncant sur nous, je fermai les yeux, anticipant l'impact... qui ne vint jamais. Avec une precision frolant le nanometre, Mike reussit a eviter la collision en donnant un brusque, mais parfaitement calcule coup de volant qui nous sauva probablement la vie, mais nous permit egalement de ne pas terminer notre course en heurtant la paroi rocheuse.
Nous arrivames finalement saines et sauves a Uwinka ou le chalet de Tamara et Christine nous attendait avec tout le luxe d'un refuge de montagne : des lits douillets garnis de couvertures de laine ainsi qu'un feu brulant dans la cheminee.
Nous n'allions helas pas tarder a decouvrir que maintenir un feu en vie a plus de 3000 m d'altitude representait une operation nettement plus complexe que ce a quoi nous nous attendions. Nous devions constamment souffler sur les braises jusqu'a se sentir sur le point de nous evanouir. Christine reussit neanmoins le miracle d'y cuisiner un macaroni au fromage en boite (oui, oui, du fromage kraft dans une boite de conserve, je vous laisse imaginer le gout...) que nous avons arrose de Waragi best dry, une infecte liqueur ougandaise au gout d'alcool a friction, coupe de fanta a l'orange. Un vrai regal pour mon premier 4 juillet avec des americaines ! Surtout sachant que la seule nourriture disponible a Uwinka consiste en du pain sec et quelques Primus.
Ainsi sustentees, Devi et moi decidames de nous aventurer dans l'une des nombreuses pistes partant d'Uwinka. Des que nous nous engageames sur le sentier derriere notre guide, j'oubliai que je me trouvais dans un lieu touristique hautement frequente pour penetrer dans un autre univers fait de coins sombres et de plantes aux noms romanesques tel le figuier etrangleur. Durant deux heures, je marchai dans un tunnel de feuillage, comme si la foret de nous permettait le passage qu'a contre-coeur, et se refermait derriere nous. Puis, apres avoir descendu des pentes escarpees, arrivees au fond de vallees encaissees et dominant les cris des singes ainsi que les gazouillis incessants des oiseaux, un discrete cascade se fit entendre. Ce fut deux heures dans un autre monde, un monde sauvage, ancien et inexplore.
Le retour a la civilisation (si l'on ose parler de civilisation a propos d'un endroit qui ne comprend que quelques cabanes en bois sans electricite) vint avec une surprise. Simon, un anglais chauve et aux oreilles decollees, nous attendait pour nous offrir une place dans son 4x4 le lendemain matin pour aller traquer les chimpanzes. Comme nous etions les trois seuls touristes du parc, il avait pense troquer un peu de compagnie contre un transport jusqu'a Cyamugondo, la foret ou se trouve un groupe d'une trentaine de nos lointains ancetres. Devi devant malheureusement repartir tot le matin pour Kigali, ce fut moi seule qui me levai a 3 hrs 30 pour subir les trois heures de cahots requis pour parvenir a l'entree de la piste traversant le territoire des singes. Un point en moins pour la compagnie. J'ai du garder la bouche fermee durant tout le trajet pour eviter que les quelques gorgees de cafe froid ainsi que les quelques bouchees de pain que Simon m'avait galamment offertes avant le depart ne se retrouvent sur le siege de sa voiture.
J'ai tout de meme pu admirer le soleil, enorme disque orange surgissant derriere un pic brumeux, se lever sur les plantations de the a flanc de colline. Et quant a la traque des chimpanzes, nous avons marche durant plusieurs heures dans une foret semblable a Nyungwe, apercevant parfois une ombre noire se mouvant parmi les feuillages. Une fois, j'ai apercu des fesses de chimpanzes alors qu'un enorme male traversait le sentier devant nous. Pas specialement excitant, mais les paysages grandioses, fleurs aux couleurs vives, arbres noueux emmeles dans des lianes moussues, valaient les six heures de route.
De retour a Uwinka, j'ai croise un couple d'Allemands qui m'ont gentimment propose de repartir avec eux pour Butare. Encore un probleme de transport regle en quelques minutes. Mon autre option, en effet, pour retouner chez moi, consistait a faire du pouce en attendant patiemment qu'un matatu daigne s'arreter. Sur une route de montagne, au milieu d'une foret. Les Allemands representaient definitivement un choix plus interessant.
Donc, adieu Nyungwe, adieu Tamara et Christine. Dix minutes plus tard, j'etais assise entre une grosse valise et un sac de provision, contemplant pour une derniere fois les montagnes du parc national de Nyungwe.
Cette petite escapade fut, au bout du compte, un repos bien merite avant de reprendre le travail a l'hopital. Et oui, apres de multiples changements d'avis, de longues negociations, j'ai finalement pu me debrouiller pour faire encore quelques semaines de stage en chirurgie. Je me suis donc presentee lundi matin, a la reunion du departement, tout heureuse et enthousiaste a l'idee de travailler encore avec tous ses medecins tres sympathiques. Une seule nouvelle est venue assombrir la joie des retrouvailles : Damascene, le petit garcon avec des brulures severes, etait mort durant la fin de semaine. Il s'etait envole, comme un petit oiseau, pendant que je marchais dans la superbe foret de Nyungwe. Peut-etre a-t-il survole les magnifiques sommets, se melant au vent et a la brume, avant de partir doucement. En Afrique, plus que nulle part ailleurs, la mort fait partie de la vie quotidienne.

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12th July 2008

Du Fanta à l'orange..
Moi aussi j'en veux! Désolée pour Damascene, on avait senti ton attachement à ce jeune garçon.

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