D'un château, de films d'horreur et d'autres désagréments


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September 27th 2008
Published: September 27th 2008
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Que d’aventures depuis la dernière fois où j’ai saisi du papier et un crayon pour transmettre des nouvelles de mon périple ! Que mon cher petit et calme Rwanda me manque !
Étant repartie, après trois semaines de vacances bien méritées bien que fort peu reposantes dans mon Québec natal, vers une destination toue à l’opposée de l’Afrique, l’Écosse, je ressens cruellement le choc non pas culturel, mais plutôt interculturel. La nostalgie me prend à la gorge chaque fois que je repense à la vie tranquille de Butare. Je recherche avec un soupir le Soleil rayonnant de l’Afrique à travers chaque rideau de bruine écossaise et la joie contagieuse des Rwandais derrière chaque visage gris que je croise dans les rues de pierre austères.
J’ai attendu deux semaines avant d’écrire ces pages parce que je ne voulais pas les noircir uniquement de commentaires négatifs et transmettre une impression injuste d’un pays, malgré tout, majestueux et attachant. Je commence seulement à apprécier son caractère unique et la nature inusité des évènements qui m’ont amené à vous écrire depuis un château de la région d’Aberdeen alors que mon projet initial consistait à travailler à Édimbourg. Après avoir lu ce récit, je vous autorise à penser que la folie ou alors une très grande inconscience ont guidé mes pas.
Étant arrivé à Edimbourg sans anicroche avec mes deux amis fièrement munie de mon visa de travail après deux jours pratiquement sans sommeil passés dans les avions et les autobus et après avoir réussi l’exploit de franchir sans encombre les douanes britanniques, chose que mes compagnons de voyage angoissés considéraient comme pratiquement irréalisable depuis qu’on leur avait farci la tête avec des histoires de personnes coincées aux frontières malgré tous leurs papiers en règle, je trouvai la ville en tout point semblable à toutes les descriptions que l’on m’en avait faite. En se promenant dans les rues étroites encerclées d’édifices gothiques en pierres noircies, de sympathiques petits pubs aux noms évocateurs comme «The Last Drop», dominés par un château médiéval de contes de fée, il est facile de comprendre comment JK Rowling a pu inventer l’univers magique d’Harry Potter confortablement installée derrière sa tasse de thé fumante dans l’un des innombrables cafés du centre-ville. Il se dégage de la ville à l’ambiance animée une impression étrange, comme si, ni vraiment écossaise et encore moins anglaise, elle était surgie tout droit du passé pour le plaisir des nuées de touristes ravis. Un parc d’attraction historique. En fait, Edimbourg est très semblable à la ville de Québec. Une vieille ville très touristique, mais charmante, entourée de quartiers plus populaires comme le quartier St-Jean-Baptiste ou Montcalm. Aucun dépaysement pour moi à Edimbourg donc, hormis le fait qu’ils parlent anglais et que les magasins de kilts remplacent ceux de ceintures fléchées et casques en fourrure de castor.
Et comme elle est la destination favorite de tous ceux qui, comme moi (et ils sont nombreux), ont décidé de venir travailler en Écosse, en plus des étudiants qui rentrent à l’Université, s’y trouver un emploi ne représente pas la chose la plus aisée du monde. Lorsque l’on porte son CV dans un magasin ou restaurant, on voit systématiquement le gérant le rajouter avec nonchalance, voir même dédain, au fond d’une épaisse pile de papiers contenant des candidatures nettement plus qualifiées que la mienne. Et comme j’étais arrivée au Royaume-Uni avec, dans mon compte en banque, à peine plus que de quoi me payer le billet d’avion aller-retour pour le Rwanda, je devais rapidement me trouver une source de revenu. Bref, tout ça pour dire qu’après trois jours passés à Édimbourg, j’avais le sentiment que ce ne serait pas ici que je trouverais mon premier travail en sol écossais. Comment le justifier ? Une simple intuition constitue la seule explication que je puis fournir. Généralement, mes intuitions m’ont toujours mené dans des directions favorables. Cette fois sera peut-être l’exception qui confirmera la règle. Peut-être est-il encore trop tôt pour le dire…
Vendredi, j’ai donc décidé d’écrire à George, un agent de placement qui m’avait été recommandé par le BUNAC (l’agence qui s’occupe des étudiants venus travailler en Écosse avec le SWAP), pour lui demander s’il pouvait nous trouver un emploi, à Anne-Marie, Max et moi, dans les Highlands. Une heure plus tard, je reçois un appel sur mon cellulaire me disant : «Pouvez-vous partir demain pour Aberdeen pour travailler dans un hôtel 4 étoiles?»
Convaincus d’avoir déniché la perle rare, nous nous empressâmes d’accepter sa proposition et, le lendemain matin, nous entassions nos volumineux sacs à dos dans un autobus en partance pour la côte est écossaise où un taxi nous emmena à notre nouveau lieu de travail. Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir un véritable château du XIXe siècle en stuc blanc dissimulé au milieu d’arbres centenaires. Je ne peux mieux le décrire qu’en disant que tous ceux qui apprécient les histoires de Jane Austen tomberaient sous le charme de cet endroit. L’intérieur, entièrement décoré à la mode anglaise, avec du bois sombre vernis et des tapisseries dorées, impose un silence respectueux par son calme solennel. Pourtant, sous son beau vernis lustré, un certain air de délabrement se dégage des boiseries usées, des coins sombres et des rideaux poussiéreux. La première chose à laquelle j’ai pensé en y pénétrant avec gêne fut : «Cet endroit est beaucoup trop guindé pour moi» suivi de «ce château constitue le décor idéal pour un film d’horreur». Il est très facile de s’imaginer que les employés deviennent fous une fois la nuit tombée et font des messes noires dans le sous-sol humide, ou encore qu’ils assassinent les clients dans leur lit. D’ailleurs, une des femmes qui habita ce château se serait suicidée lorsque son amant l’aurait abandonnée en se pendant dans le grand escalier du hall d’entrée et son fantôme viendrait régulièrement hanter les couloirs grinçants de son ancienne demeure. Même le nom de cet hôtel, que je tairerai ici par égards pour toutes les personnes qui y travaillent d’arrache-pied pour le maintenir au niveau d’un établissement de luxe, ne fait que rajouter à l’atmosphère lugubre de meurtre et mystère qui règne autour de ce château.
Nous finîmes tout de même par rencontrer la gérante de l’endroit, une plantureuse Belge à l’accent très prononcé qui nous annonce que notre premier quart de travail sera le lendemain soir, au bar, lors d’un mariage. En attendant, nous pouvions commencer à nous installer dans la maison des employés située en retrait de l’hôtel sur le domaine. Si le château avait des airs sinistres, que dire de cet endroit qui avait tout de la maison abandonnée. On y pénètre par une immense porte coulissante vitrée qui reste toujours ouverte et qui donne sur une véranda où s’entassent des piles de vieux meubles au milieu des toiles d’araignée et des cadavres de mouches. L’odeur rance de moisissure humide était omniprésente dans cette maison presque vide, y compris de toute vaisselle, silencieuse, sans chauffage ou eau chaude que nous découvrions à la lueur glauque d’une fin d’après-midi pluvieuse. Le soir venu, nous nous installâmes pour dormir, vêtus de nos chandails les plus chauds et de bas de laine, notre argent ainsi que notre passeport à l’abri sous notre oreiller, convaincus d’être attaqués par une quelconque force naturelle ou surnaturelle durant les heures les plus sombres de la nuit. Finalement, aucun esprit maléfique ou violeur ne vint troubler notre sommeil. Notre seule désagrément, hormis le fait que nous étions condamnés à puer dû à l’absence d’eau chaude, fut que je dus conquérir l’accès à la cuisine en bataillant avec «Tarentula», une araignée géante et bien velue qui avait élu domicile dans notre évier. Et comme je l’ai dit la porte d’entrée ne fermant pas complètement, nous retrouvâmes également un chat errant endormi sur un divan.
Après tout cela, dire que nous étions frais et dispos pour entreprendre notre première journée de travail serait mentir. Prenant notre courage à deux mains, nous sommes partis vers l’hôtel pour le trouver pris d’assaut par une armée d’hommes en kilts, de joueurs de cornemuse et de vieilles dames à chapeau. Tout ce que vous vous êtes jamais imaginés en divaguant sur les clichés écossais ou en écoutant Quatre mariage et un enterrement ne sont pas très loin de l’exacte vérité. Dans un mariage écossais, pratiquement tous les hommes portent leur costume traditionnel, sporran et bas aux genoux inclus, les mariés font leur entrée au son si mélodieux d’une cornemuse et toutes les dames d’un certain âge se transforment en la reine avec leurs grands chapeaux à plumes assortis à leur ensemble pastel.
Je n’eus malheureusement pas le temps de m’arrêter pour apprécier le charme inusité d’une telle ambiance guindée puisque la gérante nous voyant arriver s’empressa de me placer un plateau rempli de coupes à champagne dans les mains en m’ordonnant d’aller en offrir aux invités. Mr Murphy ne rôdant jamais très loin, toutes les flûtes remplies de champagne se retrouvèrent évidemment après quelques secondes en milles morceaux sur le plancher de la cuisine et moi, couverte de jus d’orange collant. Après cela, les choses allèrent rondement : tournée de vin, service au bar de la salle de bal, jusqu’au moment où je me retrouvai seule dans le petit bar de l’hôtel et qu’un vieux monsieur irlandais me demanda une pinte de Guinness. Lorsque je la lui apportai et lui indiquai le prix, il se mit à parler avec un accent incompréhensible d’où je réussis néanmoins à saisir des brides telles que «déposer une plainte», «mauvais service» et «parler avec la gérante au matin». Me confondant en excuses bien que j’ignorasse totalement de quel méfait je m’étais rendue coupable, je partis chercher la fameuse gérante pour l’avertir que j’avais fait une autre gaffe que je croyais monumentale. Finalement, ce gentleman irlandais s’est avéré plus sympathique que je ne le pensais. Lorsqu’il a su que c’était ma première journée et que je venais du Québec, il s’est excusé de m’avoir mis mal à l’aise et m’a laisser 5 Livres de pourboire en partant. Plus de peur que de mal au bout du compte.
Néanmoins, je poussai un soupir de soulagement lorsque je pus regagner mon lit vers une heure du matin, aussi épuisée que si j’avais couru un marathon. Le lendemain matin, ayant peut-être constatée la faible étendue de mes capacités manuelles et craignant pour la survie de sa précieuse verrerie, la gérante avait décidé de me confiner dans le poste de réceptionniste, travail que j’occupe depuis ce jour.
Au bout du compte, la situation s’est tout de même améliorée. Maintenant, nous avons de l’eau chaude et du chauffage, la plupart du temps. La routine s’installe peu à peu. Je dois malgré tout avouer que, à choisir entre opérer des gens dans des conditions difficiles en Afrique ou travailler dans un manoir ancestral anglais, pour moi, le choix se fait très rapidement et il n’est pas à l’avantage du pays soi-disant civilisé.



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27th September 2008

Divertissanté1
Isabelle, tu es toujours aussi divertissante lorsqu'on te lit et en plus, c'est passionnant. Vivement le prochain chapitre. Ha!Ha! Je suis bien contente que tu sois arrivée saine et sauve et je pense que malgré tout, tu trouveras quelque chose à ton goût dans ce pays. À bientot! Lise
27th September 2008

Les chroniques fabuleuses
Salut Miss! Décidément, c'est un petit plaisir que de lire tes chroniques. J'ai l'impression de lire les aventures de Bruno Blanchet autour du monde, mais en mieux! Alors ça fait vraiment Harry Potter l'Écosse? Raison de plus pour aller y faire un tour un jour, quand j'aurai des vacances. Passe du bon temps dans ce vieux château, et je te souhaite de te trouver un bel écossais viril... Andréane xxx
28th September 2008

Tellement contente d'avoir écouté tous ces films anglais avec toi...
.. ça me permet de visualiser tes propos et j'imagine exactement les scènes! J'ai hâte de continuer à te lire!

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