Médina de Fès, Maroc (ou Comment Apprendre à se Perdre)


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March 9th 2013
Published: March 11th 2013
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" Se perdre à Fès est le début du plaisir "

9 mars
Toujours à Meknès

Une tourterelle en chaleur roucoule derrière la fenêtre grillagée vis-à-vis ma tête de lit. Le soleil n'est pas encore levé que l'oiseau cherche à se faire aimer dans l'oranger.

Dites-moi, ça se mange de la tourterelle en tajine?



Je quitte Meknès en train pour rejoindre Fès, une autre importante Cité Impériale. Ce n'est qu'un 45 minutes pour m'y rendre.

Le soleil est maintenant sorti et fait évaporer les accumulations d'eau sur les routes. L'humidité colle aux vêtements. La chaleur reprend le dessus sur les derniers jours de pluie, mais personne ici n'enlève de couches. Manteaux de cuir, cotton ouatté et chandails de laine pour les hommes, grands voiles pour les femmes, et jeans et pull pour la jeunesse.

Quelques voyageurs masculins se lancent dans la foule en shorts et en t-shirt mais, quoi-que les gens d'ici semblent les ignorer, ces touristes ont plutôt l'air de fausses notes dans l'harmonie marocaine. Disons que ça donne envie de laisser ses shorts au fond de son sac. Pour l'instant du moins. C'est qu'il y a bel et bien des plages au Maroc, non?



À Fès, je m'installe juste là, à l'entrée de la Médina, pour pouvoir la visiter quand bon me semble.

Si je croyais que la vieille ville de Meknès était vaste et labyrinthique, c'est que je n'avais pas explorer celle de Fès. Aïe. Le nombre de commercants est décuplé ici, s'en est submergeant. Et puis la foule qui bloque les allées en après-midi... ouf.

Je me sent un peu comme un globule blanc qui circule de veines en veines.

Ici et là, des lampes en étain pendent du plafond des boutiques, et des mannequins en plastique drappés de tissus fluorescent à dorures font le guet devant les entrées.

De ce côté: une parfumerie.

Et de l'autre: un réparateur de télévisions.



Dans un coin, un pâtissier perdu dans un nuage d'abeilles vend du nougat.

"Look" qu'il me dit en attrapant l'un des insectes au vol.

Bouche bée, je reste figé devant l'apprenti apiculteur alors qu'il s'inflige une piqûre d'abeille sur l'avant-bras.

"Bon pour les rhumatismes" qu'il me dit en tentant de me convaincre du remède.

"Non. Bon pour l'asile" que je me dit alors.



À peine plus loin, au fond d'une ruelle, un borgne vend du curcuma.

Et puis un autre présente des escargots gluants au fond d'une brouette.

Et d'autres aussi vendent du café berbère épicé

ou des bottes d'herbes fraîches

ou des miches de pain

ou des tortues à moitié mortes sous le soleil.



Dans les allées, des odeurs safranés se mêlent aux effluves de fumier laissées par les bourriques.

On ne sait plus trop où poser les yeux et où attarder ses narines.



Je repasse devant le pâtissier apiculteur qui me reconnaît.

"Tout va bien?" que je lui demande.

"Ça va passer, ça va passer" qu'il me répond tout en remontant sa manche, m'exhibant sa peau violacée, enflée par la piqûre d'abeille.

Son avant-bras est maintenant boursouflé comme un talon.



On se fait constamment aborder dans la médina. Les guides improvisés et les gamins sont particulièrement insistants. Mais non seulement je suis devenu très méfiant en voyageant, je suis devenu aussi béton face à ces mouches à touristes.

L'humour est un puissant désamorceur.



On me sert un couscous à l'agneau pour souper alors qu'une ondée soudaine prend les marcheurs par surprise. Pour se protéger de la pluie, certains iront même jusqu'à se coiffer d'un sac de plastique. C'est d'un chic!

J'ajoute à mon repas un verre de vin rouge proposé tout bas par le restaurateur.

Ce ne sera pas un Grand Cru mais plutôt un Grand Cri: YARK-E!



Notes à Moi-Même:

1- Le thé à la menthe ne goûte pas que la menthe. Il donne le flu aussi.

2- Faire laver 4 t-shirts, 1 pantalon, 1 cotton-ouatté, 4 paires de bas et autant de bobettes vient de me coûter 10,50$. À ce prix là, je m'attend à ce que mes bas soit repassés.



10 mars

Je me lance encore une fois dans l'exploration de la Médina aujourd'hui. Mon défi est d'atteindre le site des teinturiers situé complètement à l'opposé d'où je loge. Je prend ma carte de la vieille ville de Fès, je la plie et je la range au fond de ma poche de manteau avec la sérieuse intention de ne pas m'en servir.

Je vais me fier qu'à mes instincts aujourd'hui.

Les instincts de GPSMAN! (écho écho écho)

Bon.

Laissant mon suit de superhéro à l'hôtel (question de rester incognito), je me lance avec assurance dans la bruyante Médina.

C'est une longue marche dans l'une des allées principales... pour tourner à gauche à la mosquée... et puis à droite dans cette ruelle... et puis par là, derrière le souk (marché traditionnel)... et de ce côté, dans l'allée des marchands de chaussures...

Tout ça fait plein de sens pour GPSMAN

...cette route doit inévitablement se rendre à la tannerie.

"This way. Tannerie this way" me dit un balafré aux allures de rabatteurs.

GPSMAN n'aime pas se faire dire par où aller

"No no, i go this way" que je lui dit, tout en partant dans la direction opposée à celle qu'il me pointait.

GPSMAN n'a pas besoin d'aide. Il a le sens innée de l'orientation

Quelques pas... et puis Paf!

Impasse.

GPSMAN a certainement droit à une erreur. C'est ce qui le rend plus humain, non?

Je fais demi-tour et puis je tourne à droite... et puis Paf à nouveau!

Je passe un arc et j'apparaît hors de la Médina! Que m'arrive-t-il que je me demande tout en me shakant le GPSMAN.

"Suis-je dans un champs magnétique qui annule mes pouvoirs?" se demande GPSMAN

Bon. J'essai de ce côté.

Impasse.

Et par ci… Impasse aussi.

Et par là... Merde, me revoilà chez les marchands de souliers.

Les murs doivent changer de place que se dit GPSMAN

Merde.

Je décide alors de me fondre à un groupe organisé de retraités qui passe à la queue-leuleu devant moi. Ils doivent certainement se rendre à la tannerie ceux-là que je me dit.

C'est que GPSMAN est aussi très perspicace

Et merde. Me voilà maintenant chez un vendeur de tapis avec ma gang de retraités.

Bon. Ça suffit. Je m'avoue vaincu. Je vais piler sur mon orgueil et demander mon chemin.

"Tannerie?"

"À gauche" qu'on me répond.

"Je le savais" que me dit GPSMAN.



Note à Moi-Même:

Deux ingrédients essentiels à la tannerie des peaux de chèvres pour en faire de la maroquinerie: la fiente de pigeons et l'urine de vache.



Etienne X


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